2007 – Les tics d'une vie

  

Lundi 1er janvier

Au chaud dans notre nid lyonnais, un tendre et joyeux passage du six au sept, en se souhaitant une heureuse conception pour cette année. Quelques mets goûteux (apéritif varié arrosé d’une blanquette de Limoux avec crème à la fraise et aux fraises des bois ; foie gras d’oie artisanal ramené de Corrèze accompagné d’un Sauterne 2004 ; boudins blancs aux morilles avec son fagot lardé d’haricots verts soulignés par un Cahors 2004 ; bûche glacée aux chocolats), une émission distractive, quelques cadeaux (restes du Noël Saint-Crépin non fêté) : de la pure symbiose avec ma BB.

Après avoir fait paraître sur mon blog LD pamphlétaire et sur le site Points communs.com les passages écrits les 24 et 26 décembre sur ma feue grand-mère, des courriels d’hommage à la qualité sensible de mon texte. Pas une fausse note dans ces réactions de personnes inconnues mais touchées par mon témoignage d’amour. Ne devrais-je pas verser dans l’écriture sensible, celle dans laquelle peut s’identifier le lecteur du hasard, plutôt que de rester chevillé à la plume incendiaire… Même si l’évolution de ma tonalité littéraire m’a fait passer du pamphlétaire au réfractaire, l’essentiel reste constitué d’attaques tous azimuts.

Reçu hier un mail de S. (qui signe Hermione, le prénom que je  lui attribue dans la version publiée de mon Journal) suite à un mailing par courriel à tous mes contacts pour les prévenir de l’ouverture d’une nouvelle adresse e-mail, l’ancienne servant comme moyen d’identification lors des référencements de mes blogs sur des moteurs de recherche et étant polluée, de ce fait, par d’innombrables spams indésirables.

Courriel étonnant de Hermione donc : un ton recherché d’une femme qui se veut en retrait du monde, désespérée par les ruptures familiales cumulées, mais commençant à vivre à l’aune de ses rêves d’enfant dans une magnifique propriété située dans le Lot. Son exécration de la Somme, et de Chaulnes en particulier, s’explique par les époques sombres qu’elles incarnent. A la fin, elle rend hommage au garçon (tel un frère) qui a partagé quelques années de son enfance. Nos retrouvailles, si elles ont lieu un jour, concentreront toute l’émotion cumulée de cette complicité enfantine perdue à jamais, en route déjà vers les désabusements nostalgiques.

Je garde ce surprenant courriel comme une trace de cette chère Hermione, artiste talentueuse et incarnation des moments féeriques d’une tranche de mon enfance.

Dans l’actualité de la fin 2006 : la mort d’un James Brown à bout de souffle et l’exécution à la va-vite de Saddam Hussein qui acquiert ainsi, pour une bonne partie du monde arabo-musulman, le statut de martyr. Encore une erreur fondamentale dans la gestion du chaos irakien…

 

Jeudi 4 janvier

D’une bien maussade humeur, sans explication rationnelle. Aucune envie d’échanges, de conversations, de dialogues. Il me faut une quarantaine volontaire.

Passage des parents B, de la sœur et de la marraine de BB pour le dîner : nulle envie de prendre part à la convivialité. Peut-être la résultante d’une surabondance d’instants collectifs. Besoin vital de retrait.

 

Dimanche 7  janvier, 23h20

Quelques heures de sommeil avant une rentrée sans temps mort. Les moments de recueillement et de délassement doivent être délaissés.

Vu ce soir la magistrale et dramatique interprétation de Harpagon par le tonitruant Serrault. L’acariâtre personnage, par cette incarnation, appelle un peu plus encore l’antipathie. De Funès l’avait allégé d’une nervosité comique, Serrault l’assombrit de tous les vices médiocres. Les déambulations des personnages dans cette austère, mais labyrinthique demeure, insuffle une vitalité à cette version où chaque virgule du texte semble avoir été respectée.

Avant extinction, quelques lignes du défenseur de feu Revel, Pierre Boncenne, qui démontre aisément la pesanteur ou la volonté méprisable d’une bonne part de cette prétendue élite intellectuelle qui a tout fait pour ignorer, minimiser ou déformer l’œuvre majeure de ce journaliste-penseur, de cet essayiste hors pair. Vive Revel !

 

Jeudi 11 janvier

Le rythme des semaines pro reprend sa pleine place, après cette parenthèse émotionnelle. Les aspirants lieutenant ont fait leur entrée en formation, l’équipe des intervenants occupe la brèche, et je me fonds dans ce rôle de modeste formateur de centre privé. Par fainéantise sociale, j’ai hypothéqué tout plan de carrière. La dérisoire rémunération versée, l’absence d’évolution possible dans cette micro structure, le bien-être global des conditions de travail, tout cela forme une niche dont j’aurai du mal à m’extraire par ma volonté.

Hommage à Samuel Etienne et à sa troupe de bretteurs renouvelée chaque soir pour s’indigner sur l’actualité. Le N’ayons pas peur des mots surnage parmi les quelques très rares émissions télévisées auxquelles je me suis fidélisé. Entre invectives et raisonnements, la variété des profils assure à l’émission un souffle vivifiant.

Alors laissons-nous porter par les indignations de l’olympien Tesson, tirons à coup de sondages aiguisés par Jean-Marc Lech, récoltons les fines analyses de Bénamou, accrochons la barytonne bourrasque vocale de maître Szpiner, noyons-nous dans la radicalité aux yeux clairs de Clémentine Autin, achevons les adversaires avec le doublé dirigeant de Marianne chez Charlie, voguons de métier en métier pour déterminer qui argumentera davantage du publicitaire à l’auteur, du politique à l’avocat…

 

Samedi 13 janvier, 0h30

De retour d’un agréable dîner chez Aline et Pedro. Leur petite a bien poussé et grossi, mais la maman semble se lasser de cette quotidienneté à pouponner. Pas d’insurmontables problèmes, mais de petites tensions à gérer. Sa volonté, dès que possible, est de retrouver une situation professionnelle qui corresponde à  ses recherches. Pedro semble prendre avec philosophie les quelques difficultés d’acclimatation de son épouse. Pour le reste, toujours de l’harmonie.

9h30. Pas toujours contempteur des profils de jeunes gens à former. Dans le groupe des SPP1 de cette année, une dizaine d’éléments à la mentalité joyeuse, mais studieuse, emmenée par la pétaradante Marie-Lyne B., issue de Nouvelle-Calédonie, qui me témoigne un gratifiant intérêt pour mes interventions. Cette semaine, au début d’un des cours, un petit hippopotame en peluche m’attend sur la table avec un gentil petit mot de la part des SPP1, en réalité de cette Marie-Lyne et de ce noyau complice. Très touché par la démarche.

 

Dimanche 21 janvier

Par un courriel titré Clap dernière ! j’ai mis un terme aux récentes retrouvailles (à distance) avec Hermione qui, finalement, se complaît dans la singerie d’un autre personnage : l’atrabilaire Carabosse.

Après un premier échange touchant, réaction à mon texte sur ma feue grand-mère, dans lequel elle campait, avec quelque talent (et sans doute l’aide de son compagnon) ses conditions contrastées de vie, le ton a vite changé.

N’ayant pas admis mes propos dans La vase ou le mur, elle m’adresse une contre-argumentation pointant quelques signes d’attaques intuitu personae. Saisissant l’occasion d’établir une correspondance polémique, je souligne ce qui m’apparaît comme des points de faiblesse dans ses propos, mais en prenant garde (mon instinct ne m’y incitant d’ailleurs pas) de ne lancer aucune insulte à son égard. Hier, quelques jours plus tard pour peaufiner ses effets, je reçois un pseudo commentaire de ma réponse, mais vrai catalogue d’injures à mon endroit.

Ne me soumettant pas à sa première logorrhée, elle s’essaye à l’indigne charge, sous prétexte d’avoir décelé du condescendant dans mes propos. C’en est donc terminé aussi avec cet enfant de sang de Heïm. Hubert l’arriviste, Alice la déjantée et Hermione l’infâme : beau trio ! Cette dernière, petite crapule inconsommable, gesticule en s’imaginant très supérieure dans ses choix de vie. Sa magnifique propriété payée avec… et puis merde ! Aucune envie de perdre mon temps avec ce qui s’apparente à du sous-Heïm sans finesse. Qu’elle reste dans ses certitudes d’incomprise et ne vienne plus m’importuner. Six lignes de courriel pour l’évacuer, c’est bien assez.

 

Samedi 10 février, sans doute autour de minuit.

Soirée de retrouvailles chaleureuses chez maman et Jean, avec Jim et Aurélia, autour d’un Loto déjanté. Au sixième ou septième lot, le téléphone : Candy, la fille de Jean, est en larmes après des violences échangées avec son compagnon (le projet de séparation était décidé pour la fin de semaine prochaine). Suspension des festivités, Jean va la chercher à Paris. Malheurs cumulés pour nos fêtes : après un Noël endeuillé, une réunion de février entachée par cette violente fin sentimentale. La maman de Candy tutoyant la mort, nous avons d’abord cru à un décès traumatisant, mais prévisible. C’est finalement la sordide violence d’un couple à l’agonie qui aura rompu le charme insouciant de la soirée.

Découverte d’une facette insoupçonnée de l’adolescence de Jim : aux pires moments, il s’est adonné au caillassage des trains et au vol en bande organisée, entre autres méfaits. Il reconnaît aujourd’hui l’extrême stupidité de ses agissements. Parti du domicile maternel alors qu’il n’avait que quatorze ans, je n’ai pas connu son interlope période, mais maman s’est alors laissé berner, lui faisant totalement confiance.

A méditer : l’existence des êtres que l’on connaît, que l’on côtoie, est toujours plus complexe que celle qu’on se figure. La tendance simplificatrice…

 

Dimanche 11 février

Noël 2006 et anniversaire de maman en une soirée : nous avons encore été bien gâtés avec, notamment, un lecteur-enregistreur-graveur DVD de 160 gigas.

Le jour saint de notre-sainte-mère-Marie, hommage à son premier miracle, choisi par Ségolène Royal pour présenter ses choix politiques dans le fouillis des débats participatifs.

L’aspiration utopique au meilleur des systèmes de gouvernance fait rejeter ce mécanisme de l’élection qui confie à un peuple cumulant les défauts le soin de désigner le premier d’entre eux. La maturation évacue ce leurre d’une meilleure mécanique institutionnelle au profit d’un réalisme initial.

 

Mardi 13 février

De retour à Lugdunum, après deux denses journées de tourisme à Paris. Vagabondage sur les terres d’élection de mes études juridico-littéraires. En ces temps studieux, je ne songeais guère à profiter du quartier latin dans son débordement de vie estudiantine. De l’ancienne à la Sorbonne nouvelle, je consacrais le strict nécessaire à la prise du savoir délivré, sans prolongement humain. Sitôt achevées mes obligations en amphi ou en salle, je filais vers mes lieux de recherches éditoriales : bibliothèque nationale ou l’historique de Paris, au premier chef. Réfractaire toujours pressé, j’ai sans doute hypothéqué d’innombrables instants de complicité humaine d’où auraient peut-être émergé quelques contacts utiles pour une suite carriériste.

De ces promenades, la trace des années passées : une BN sans plus la bousculade à l’entrée de la cathédralesque salle de lecture. Vide de tout, êtres et bouquins en symbiose, depuis le transfert des fonds à la TGB Mitterrand. Quelques images surgissent dans cette ambiance feutrée : mon premier contact avec la resplendissante Shue (amie iranienne dont j’ai de moins en moins de nouvelles) en 1996, à la recherche de références pour son mémoire et que j’ai gourmandement aidée ; les joyeux échanges avec Nadette (perdue de vue) qui bûchait sur sa thèse dans la salle des manuscrits…

En rapide panorama : quelques pas en haut de l’Arc de triomphe pour laisser plonger son regard dans les dessins géométriques des impériales avenues, sur les terrasses paradisiaques ; descente au bras de ma belle des Champs Elysées pour se croire emportés par quelque bourrasque qui nous surdimensionnerait ; autre descente, recueillie celle-là, dans les labyrinthiques couloirs de la crypte du Panthéon. Entre toutes les tombes, celle des Curies retient l’attention émue par les multiples petits mots dans toutes les langues déposés par les visiteurs…

Fin des réflexions sur le système démocratique : se laisser convaincre par le pis-aller des discours, jauger chacun sur la combinaison d’une audace porteuse d’espérance et de réalisme gestionnaire évitant les déconvenues récurrentes. Les adaptations du discours à l’estrade occupée, à l’auditoire courtisé.

 

Dimanche 18 février, 22h40

Fini la semaine de délassement : une reprise chargée avec une majorité d’interventions pour les Lieutenants.

Cette campagne électorale laisse planer une curieuse atmosphère. Les ratés de Ségolène Royal en bisbille avec la maison mère rue de Solférino et les pontes déchus lors des primaires ; l’emballement dispendieux de Nicolas Sarkozy rappelé au réalisme budgétaire par quelques membres de son équipe (Fillon suivra-t-il la voie de Besson ?) ; la tentative bayrounienne de s’imposer comme la seule alternance crédible avec sa tonalité révolutionnaire centriste ; l’enjolivement du discours lepéniste pour atteindre la respectabilité politique (merci à Marine et à l’essayiste… ami  de Dieudonné !) ; l’agitation parsemée des partis à la gauche du PS qui démontrent, une fois de plus, leur incapacité à se rassembler pour peser : ce jeu d’ombres et de lumières fascine, inquiète, rassure, tour à tour. A suivre…

 

Vendredi 23 février

Le néant argumentatif. La dernière trouvaille de l’ex député poujadiste, « nier la valeur historique du 11 septembre ». Cette pure provocation saura séduire le simplisme si confortable des destinataires bien ciblés. Ni plus, ni moins choquant que la ribambelle d’escrocs de la pensée qui se sont essayés à la négation de la présence matérielle d’un avion écrasé dans le Pentagone.

Depuis quand le critère de la gravité d’un acte et sa résonance historique se limitent-ils à un décompte macabre ?

 

Jeudi 8 mars, 23h30

Ma BB sur le pont des urgences, moi la tête calée au fond du polochon, après une soirée vagabonde sur le net avec en son de fond la prestation sarkozienne.

A la fin de ce mois, ma BB aura quarante ans. Nous voilà engagés dans la seconde moitié de notre existence que l’on espère la plus longue et douce. Tout cela défile et le tournis n’est pas loin.

Croisé ce soir Elo sur Msn : introspection poussée sur son profil psychologique, puis esquisse de la mienne. Une maturité qui croît.

 

Mercredi 28 mars

Ma BB sortie avec ses collègues de travail pour ses quarante ans, je me concentre sur la campagne.

L’insécurité, thème phare de la présidentielle 2002, se réinviterait-elle dans le débat préélectoral ? Hier, le scénario idéal pour déclencher les mêmes penchants idéologiques : le contrôle musclé d’un délinquant en situation irrégulière, multirécidiviste, et qui parvient à ameuter les branleurs et casseurs de tous acabits au sous-sol de la gare du Nord. De là, un ballet d’hyper violence dans cet endroit stratégique pour les transports dans Paris. L’occasion, pour le nouveau ministre de l’Intérieur, de faire entendre sa spécificité comme rhétorique et choix de vocabulaire. Une fermeté tout en souplesse terminologique. Pour le reste, des réactions attendues, sans surprise. La bande de casseurs a, en tout cas, réussi un bel exploit : rapporter à l’extrême droite quelques points d’intention de vote.

 

Samedi 31 mars

L’élan vital, celui qui rend plus prégnant l’absence de croyance en un être supérieur, définit-il notre rapport complexifié, stratifié, au monde ? Les échanges combinant sans artifice les sens et la raison enthousiasment par leur évidence.

A trop maîtriser, voire censurer le contenu, ces pages s’affadissent. Le message philosophique pourrait combler ces carences et permettre un champ plus universel, mais non moins inscrit dans une expérience assumée.

Transposer pour évoquer, mais jusqu’à quel point pour respecter toutes les parties et point fissurer l’accord implicite. La liberté d’union des êtres s’assume dans l’infinie précaution de ne pas blesser l’autre, de ne pas substituer à une apparente plénitude des épisodes insoupçonnés, mais dans la logique d’un équilibre lentement édifié.

Vers Marseille, la dictature syndicale sévit et prend en otage une commune, une région et, pourquoi pas, une nation.

 

Lundi 2 avril, 23h20

Les Faites entrer l’accusé s’appesantissent sur les disjonctages barbares de l’être humain. Ce soir, visionnage de la première partie du massacre familial commis (très probablement) par Dany Leprince. Echo morbide aux Roman, Allègre, Georges, Heaulme et autres sanguinaires à la visée unique ou répétitive. Aucune explication rationnelle possible : le point de rupture d’un être qui déroule la mécanique meurtrière. A l’échelle d’un groupe, ou d’une population entière, cela donne les Hutus contre les Tutsis.

Ce soir, dans C dans l’air, le survolté J.-F. Kahn a souligné quelques incongruités dans certains arguments de l’extrême gauche contre le drapeau national, notamment l’accusation de connotation sanguinaire et/ou pétainiste dans ce symbole. Ne nous attardons pas, évidemment, sur ce que peuvent bien traîner les symboles communistes, trotskystes et ceux d’autres chapelles rouges… sang ! Indigne parti pris.

 

Mercredi 4 avril, 0h30

Frénésie de duplication : le transfert de ma vidéothèque vers des DVD se poursuit à l’aune rétrécie des journées.

Les débats de la campagne s’enlisent…

Une lectrice passionnée par mon Journal sur Blog propose de me faire quelques suggestions pour de menues corrections.

Peut-on encore parler d’amitié avec les Liselle, Shue, Aurélie… plus de nouvelles de leur part et mon peu d’enclin à les relancer.

 

Vendredi 6 avril

Ce Shaeffer a un tracé décidément trop fin…

Les mains endoloris par le montage de l’écritoire, cadeau pour BB dimanche. Treize personnes invitées pour ses quatre décennies cumulées.

Les médias semblent s’être concertés pour ne pas monter en épingle ces violences policières, filmées par un amateur, contre deux racailles. A l’inverse de 2002, l’insécurité n’occupe pas les esprits malgré l’amorce d’émeute à la gare du Nord. Responsabilisation, manipulation ? Pas sûr que cela suffise à émousser l’audience de la droite extrême.

La Croix Rousse lyonnaise à l’honneur sur la Une du Monde week-end : photo des quelques agités qui ont dissuadé le candidat UMP de se rendre dans ce quartier pourtant loin de la zone de non droit. Les hostilités…

 

Dimanche 15 avril

Singuliers instants d’un printemps prometteur. Le vacarme électoral s’oublie avec les ondes ventées du parc Tête d’Or. Partager les affections en respectant l’intégrité et les choix de l’autre.

L’idéologie et les schémas communs ne tiennent plus face à l’attraction d’une personnalité. Se correspondre pour que l’approfondissement naturel irrigue l’autre. L’émotion cultivée par une absence inexpliquée, tout en conservant la distance à respecter.

Vu Staline, le tyran rouge mis en scène pour une convivialité pédagogique, avec moult images d’archives colorisées et musiques à effets émotionnels. Centré sur cette personnalité versée dans l’autocratisme sanguinaire, le documentaire n’évoque pas le vice intrinsèquement criminogène du communisme.

Trop dans la sérénité pour être vraiment inspiré.

 

Lundi 16 avril, 22h30

Dernière semaine avant le premier tour de ces présidentielles qui auront exacerbé les passions polémiques. Entre la banalisation d’un Le Pen égrotant et la démonisation d’un Sarkozy surchauffé, l’ambiance médiatico-politique ne laisse augurer aucune sérénité pour le second tour.

Le 20 minutes, journal gratuit distribué à Lyon, proposait une interview du candidat UMP. Pour annoncer cet entretien, la une se charge d’une photo gros plan de l’intéressé qui n’a pas dû le réjouir : un visage blafard, l’air patibulaire, des lignes du visage déformées comme lorsque l’objectif est trop proche de la personne, en somme rien d’un cliché qui donne envie. Et pour parachever la terreur que peut inspirer la bouille mal photographiée de Sarkozy, un titre aux accents armagedoniens : « un projet de civilisation », rien de moins que ça ! Et si la surprise était l’élimination de Sarkozy au premier tour ? Si cette presse un tantinet hypocrite (elle fait, en effet, figurer de magnifiques photos du candidat, prises lors de l’entretien, dans les pages intérieures) voulait obtenir ce résultat, elle ne s’y prendrait pas autrement…

Reste le fond des programmes pour se décider, mais, en l’espèce, j’attends toujours que la Poste (qui se revendique un service public vital) daigne me les livrer.

 

Mardi 17 avril

Les publics de resocialisation que nous recevons sous l’appellation AOF présentent quelques énergumènes rebutants, moulés par ce que je supporte le moins chez l’humanoïde : irrespect, fainéantise, sentiment que tout leur est dû sans autre effort de leur part. Un vrai cumul pour assimiler sans peine ces quelques cas à des petites frappes à karchériser au plus vite. Rien que pour emmerder cette révulsante racaille, l’irrépressible envie de voter à deux mains Sarkozy. Faire s’effacer de leur sale trogne ce sourire imbu de crétins des cités.

À côté de ces cas, des individus à l’âme de qualité, qu’on a envie de faire progresser, malgré les faiblesses considérables.

Cqfd s’encombre des premiers car ils génèrent des financements conséquents de la région.

Je n’ai pas la fibre philanthropique qui m’insufflerait la foi dans l’intervention auprès de ces publics. Des éducateurs spécialisés sembleraient davantage requis.

Aucune tolérance envers ceux qui profitent des aides sociales (ici une formation financée) sans faire montre d’une volonté minimale de progresser.

 

Lundi 23 avril, 22h50

Les analyses, les échanges et les déclarations des candidats m’ont abreuvé toute la soirée d’hier. La mine réjouie de quelques journalistes de télévision avant vingt heures et d’invités à étiquettes UMP ou PS ne laissait planer quasiment aucun doute sur la bipolarisation régénérée, même si Bayrou a fait naître, en puissance électorale, une troisième voie crédible.

La mine déconfite du vieux Le Pen et de quelques représentants d’extrême droite laisse augurer une nuit des longs couteaux dans les instances dirigeantes.

Petite révolution culturelle personnelle en participant à cette mobilisation civique, la plus forte pour un premier tour depuis la première de la Ve, en 1965, avec le grand Général mis en ballottage par le jeune Fanfan fringant. Une claque à mes convictions en matière démocratique, que je ne renie en rien, mais que je relativise au regard de la situation de nombre de pays privés de ce système, si perfectible soit-il.

S’approprier un peu de cette fiction citoyenne permet de ne pas sombrer dans le nihilisme stérile.

 

Mercredi 2 mai, 23h55

Dernier acte, et sans doute le majeur, de ce second tour, le débat tant attendu a délivré l’opposition quasi frontale de deux fortes personnalités. De longs et fastidieux passages sur les sujets sociaux attendus par les électeurs, et quelques passages de vifs échanges.

Sarkozy est parvenu à garder son calme face à la colère entretenue de Royal. Un bilan en demi-teinte : une candidate moins mécanique qu’attendu et un candidat moins percutant qu’escompté. Performance réciproque neutralisée qui ne devrait pas bénéficier plus à l’un qu’à l’autre.

A ce titre, le plan de Bayrou devrait se réaliser… à lui d’animer la force principale de l’opposition.

 

Vendredi 4 mai

Pas à l’aise du tout à Arles, pour ce séjour éclair. Hier soir, à plusieurs reprises, du TSS haineux qui apparenteraient les stigmatisations de Le Pen à de l’humanisme bienveillant. Plutôt que de contrecarrer avec, en ligne de mire, une rupture définitive de ma part, j’ai adopté la posture du retrait intellectuel, de l’extrême distance avec cette hystérie à la seule évocation du patronyme Sarkozy.

Je n’ai rien de l’adepte inconditionnel du candidat UMP, mais j’exècre cette diabolisation par des gauchistes prétendument généreux. Rien à foutre de leurs craintes : je voterai Sarkozy. Comme ceux qui vont glisser dans l’urne un bulletin Royal pour ne surtout pas voir accéder à l’Elysée Belzébuth-Sarkozy, j’apporterai ma voix à ce démon incarné pour que le système démocratique (tant défendu par les anti-Sarkozy) mouche leur morgue et accentue leur défiance. Peut-être même que certains songeront à quitter le territoire : bon débarras !

Ils le prennent pour un dangereux agité, je l’estime déterminé ; ils pointent son peu d’enclin pour les libertés publiques et le pluralisme, j’y vois une affirmation des devoirs de chacun et la netteté de ses convictions ; ils enragent contre une rhétorique simplificatrice, je loue l’efficace clarté de son discours ; ils vomissent l’homme politique, je conchie leur nausée.

 

Mardi 8 mai, 23h05

Quelques heures de sommeil avant une reprise allégée. Les urnes ont imposé Sarkozy, mettant une belle claque à tous ces anti primaires. Mais la générosité d’extrême gauche et les parasites-casseurs qui s’y collent ne pouvaient admettre la voie démocratique : violence, vandalisme, incendies. Le triptyque de la guérilla urbaine voudrait s’opposer au choix majoritaire. Leurs seuls débordements justifient l’arrivée de cette droite décomplexée. Certains nous prédisent une dérive autoritariste… subtile connaissance des autocraties dans le monde.

Sarkozy prend quelques jours de repos sur le yacht d’une relation richissime… et il devrait en avoir honte ? Que ces petits commentateurs hurlent davantage pour l’utilisation de l’argent public en dépenses somptuaires…

 Tout cela laisse augurer un quinquennat pour le moins tendu et une société mure pour toutes les explosions.

 

Vendredi 17 mai, 0h45

Fin du dîner partagé avec Louise et Richard.

La passation des pouvoirs, troisième du genre pour la Ve République, a bénéficié du souffle nouveau d’une présidence en tension pour l’action et les réactions.

Reçu, cette semaine, un long courriel d’un anonyme se présentant comme un professeur d’économie de 25 ans. Attaque en règle contre mon néant de style, le contenu indigent de mon Journal pamphlétaire puis réfractaire. Lâche indignité du piètre trépigneur ! Je lui ai retourné quelques lignes lapidaires laissant bien sentir le profond mépris que m’inspirait sa démarche et sa personne.

Vu que Hermione a perdu son article sur Wikipédia, car il s’assimilait trop à un panégyrique publicitaire.

Le tournis m’assomme… impossible approfondissement.

23h20. Soirée avec ma BB, l’écran habité par un chef d’œuvre de plus du prolifique Eastwood : Million Dollar Baby. Tout en retenue, conduit vers l’inexorable de ce qu’on redoute mais qui densifie l’émotion, servi par l’interprétation, l’incarnation magistrale des trois personnages, ce film happe le meilleur en nous pour la mise au fronton d’une belle, loyale, mais grognonne humanité. La jeune boxeuse a compris l’essence de l’existence et ses valeurs cardinales. L’acte d’amour euthanasique saisit aux tripes et au cœur.

Au même moment, le président Sarkozy goûte sa deuxième courte nuit post-nomination. Une composition gouvernementale suffisam­ment complexe et à facettes multiples pour combler la manie de l’exégèse. La mauvaise foi des quelques représentants de l’opposition ne parvient pas à contrebalancer les jolis coups de poker politique de la paire complémentaire de l’exécutif. A suivre…

 

Samedi 18 mai

Tentative de balade dans les monts du Lyonnais, après un déjeuner chez Les Touristes à Lyzoron. Impossible de retrouver le bon chemin du départ. Après deux essais infructueux, nous rentrons.

Les ministres vont monopoliser les médias par un écho claironné de leurs initiatives, actions et réformes : une façon de se bien faire voir par le président Sarkozy qui sue à fond lors de ses joggings immortalisés, à l’échelle du temps médiatique.

Y a-t-il un semblant de fond, de profondeur, de réelle volonté réformatrice dans toute cette mise en scène quasi obsessionnelle du résultat médiatique escompté ? Osons l’espérer encore un peu… en attendant les législatives…

 

Dimanche 27 mai

Vivoter, serait-ce finalement ça mon lot, jusqu’à regretter la sous-exploitation des années consumées.

Dès que je me retrouve seul, peu d’enclin pour explorer les voies créatives et me fixer d’enthousiasmants objectifs. Rétréci sur des impératifs hormonaux, je m’enterre à doses d’instants inutiles.

L’Allelujah de Jeff Buckley a quelque chose de poignant dans l’âme.

Blog principal délaissé depuis la fin des présidentielles. S’extraire du conditionnement médiatico-sarkozyste pour méditer sur de plus nobles et fondamentaux thèmes.

Au Monde, Colombani vit ses dernières semaines. L’ambiance de la rédaction doit ressembler à ma morosité intérieure. La différence : je dois rester avec moi-même, malgré la sévérité du désaveu.

 

Lundi 28 mai

9h30. Hier soir, appel inattendu de Jim : avec Aurélia, ils attendent un bébé, quinze jours qu’ils le savent. Heureuse nouvelle que notre tendre grand-mère n’aura pas eu la joie de partager.

23h15. Etranges ballets des partis, du gouvernement et des médias lors de cette campagne législative. Si la majorité absolue n’échappera pas à l’UMP, l’agitation des officines ministérielles laisse transparaître une fébrilité. Les chroniqueurs et journalistes s’essayent déjà à trouver les failles et les contradictions du nouveau pouvoir en place. Hystérie des exégètes de la vie politique française : avant même l’installation de la nouvelle majorité législative, on suspecte l’exécutif en rodage de tous les renoncements. Cirque indigeste des plumes de la presse. Attendons un peu, que diable !

Idem pour les sondages qui polluent et parasitent l’expression démocratique. Telle proposition est désapprouvée par une majorité des Français selon tel sondage… alors que cela figurait au programme de l’élu. Que faire ? Renoncer aux urnes ou se torcher avec les Ipsos, SOFRES et autre BVA ?

Le rythme effréné de cet univers médiatico-politique devrait m’incliner à écrire sur du plus fondamental, du plus universel, du plus sensible… mais ai-je seulement le début d’une inspiration pour cela ? Lire, à nouveau, plus d’ouvrages que de presse, et le monde reprendra son épaisseur… Cette immédiateté éphémère pervertit, déforme notre vision du monde. Voilà qui doit m’imprégner. Hauteur et synthèse sur ce curieux panorama politique.

Ainsi le PS n’a pas modifié d’un iota les vieux réflexes qui ont entraîné sa chute en 2002 ; les Besancenot, Buffet et Laguiller toujours incapables d’entente pour peser un tant soit peu ailleurs qu’avec les braillards grévistes sur l’asphalte. A vomir !

 

Samedi 9 juin

Auto-inauguration des nouveaux quais du Rhône. Lyon me va décidément si bien. Pris un vélo’v depuis la place Rouget de Lisle pour ne plus quitter une piste cyclable protégée : longer la nouvelle ligne de tramway Meyrieu-Part Dieu, passer devant la gare, border le centre commercial, remonter la rue de La Part Dieu ombragée et plonger vers ces quais verdoyants pour choisir un transat de bois avec vue apaisante sur le Rhône. Au contraire de la Seine parisienne, notre fleuve se met à portée de vue par sa largeur et le peu de distance qui le sépare du bord piétonnier : une proximité et une dimension, d’une rive l’autre, qui favorise le prélassement méditatif. A gauche le pont Lafayette et ses drapeaux flottants (les couleurs de Lyon, la France et l’Union européenne dans un ballet improvisé), en face la presqu’île et ses bâtisses d’un calme olympien, à droite la passerelle du Collège et ses piétons baladeurs. Belle idée de rendre cet espace, jusqu’alors voué à des enfilades d’automobiles garées, aux êtres non motorisés, détendus.

Le samedi, alors que le gros du peuple se restaure ou fait ses achats, j’apprécie d’autant plus les pavés non encombrés.

Tour d’horizon de l’actualité sous l’astre brûlant. La représentation à Heiligendamm a donné lieu à toute la frénésie médiatique inversement proportionnelle à l’efficacité retirable des conciliabules. Certes la rencontre des dirigeants des plus grandes puissances démocratiques (ou déclarées comme telles, selon les critères de la pureté poutinienne) a le mérite de détendre quelques tensions accumulées ou affichées. Pour le reste, jeux d’ombres à l’adresse des crédulités environnantes.

Baptême du feu diplomatique pour un Sarkozy se voulant plus détendu, plus alerte et bien plus volontaire que ses paires.

 

Mercredi 13 juin

Une vie cocoonée avec BB, sans plus trop s’échiner au suivi relationnel en l’absence de répondant en face. La distance géographique a suspendu ou rompu (l’avenir le précisera) les liens avec les unes l’affadissement des rapports ou les trajectoires divergentes ont étiolé ou empêché les entrevues avec les autres. Finalement, le néant a du bon : il préserve le temps vagabond.

Sarkozy va décrocher une écrasante majorité parlementaire, ce qui devrait me décider à aiguiser la plume pour fustiger tout ce qui me heurterait.

Reconnaître ses talents politique, stratégique et rhétorique ne doit pas brider son regard critique. L’activisme à tout prix, tics comportementaux compris (tel le léger mouvement d’épaule qui semble dire « c’est bien moi, là, le premier des Français ! »), tout en s’échinant à jouer un coup d’avance pour anticiper les attaques adverses,  ne peut empêcher dérives et trébuchages. La dynamique de conquête du pouvoir s’exerce plus facilement que l’exercice gestionnaire et réformateur des rênes attrapées.

 

Mercredi 20 juin

22h43. Grosse vague d’éclairs dans le ciel lyonnais et précipitations sonores qu ne parviendront pas à rafraîchir l’atmosphère. La touffeur devient de plus en plus fréquente et précoce les années passants : sans doute les premiers résultats de l’alarmant (ou présenté comme tel) réchauffement climatique.

Parmi les publics pris en charge par Cqfd, un groupe qui réunit des jeunes à socialiser et pour lesquels un projet professionnel pourrait se dessiner. Autant les faiblesses intellectuelles ne me gênent pas, autant la perversion délinquante me révulse. Dans la deuxième session, un certain T.Y., crapule évidente, parasite inutile prêt à vous refroidir dans le dos. Sa seule présence me hérisse. Son conseil de discipline avait lieu ce matin, lequel devrait être suivi d’une exclusion définitive. Bon débarras ! Certaines personnalités engendrent comme une allergie existentielle et ne peuvent permettre aucune compassion. Presque l’envie d’un enlisement terminal.

 

Samedi 23 juin

À l’une des terrasses bordant le Rhône : quelques péniches s’y sont ancrées pour servir boissons et boustifaille aux promeneurs en mal de farniente.

Je reviens du Palais Bondy où Cécile M. a livré deux toiles pour l’exposition Figuration critique.

Ce matin, je lui envoie un texto pour lui proposer qu’on déjeune ensemble. Elle m’appelle alors que je suis encore aux Portes ouvertes de Cqfd, ce qui m’oblige à devoir la recontacter. Messagerie branchée quelques minutes plus tard, je patiente jusqu’à quinze heures, puis je me décide à me rendre au Palais Bondy pour, peut-être, la rencontrer à l’improviste. Curieux hasard : au moment où j’attache mon vélo, texto elliptique de CM : « En réunion avec organisateurs » sous-entendant son indisponibilité pour une durée indéterminée. J’en profite pour faire le tour de l’expo au pas de charge. Juste avant mon départ, j’interroge quelques employés et un monsieur plus au courant, peut-être bien un des organisateurs, m’assure qu’il ne l’a pas vue depuis le début de l’exposition, et n’a été en contact qu’avec ses deux toiles. Je reste sans voix.

Si, effectivement, elle n’a pas mis le pied à Lyon, pourquoi ces inutiles mensonges ? Déception humaine de plus.

 

Lundi 25 juin

Samedi, rapide entrevue avec Cécile M., portée par sa réussite artistique. Un visage vieilli, mais une âme pleine d’enthousiasme. Ses combats ont été acharnés pour parvenir à sa position. Elle sera l’une des cinquante artistes européennes retenus par la Chine pour produire un fonds de toiles pendant deux mois. L’un de ses deux tableaux exposés au Palais Bondy à Lyon (La Cène) a été vendu dix mille euros depuis longtemps.

De bien plus modestes atours pour mon évolution professionnelle : appris aujourd’hui l’attribution d’une prime de trois cents euros brut début juillet et l’augmentation de cent dix euros brut à partir de septembre. Bien ridicule situation d’employé moyen. Reste les avantages de proximité et d’entente avec l’équipe.

Chiffres qui feraient mourir de rire les jeunots qui ont participé à la foireuse (à moyen terme, mais juteuse à long) aventure de la nouvelle économie. Un documentaire vivant, réactif et légèrement ironique dépeint l’époque pionnière, l’engouement disproportionné puis l’écroulement inopiné. Périodiquement, l’histoire humaine offre ces instants d’enthousiasme pour une féerique avancée de la modernité suivis d’un rééquilibrage brutal et purgatif de ce gonflement. Les débuts de l’électricité ont ainsi connu le même phénomène.

 

Samedi 30 juin, 0h30

Une moitié d’année épuisée. Nouvelle voiture pour ma BB (et accessoirement moi) : une Grande Punto aux lignes fluides et au confort appréciable.

Vu ce soir le long, et parfois alambiqué, documentaire sur la trajectoire singulière et controversée de l’avocat Jacques Vergès. Son engagement à défendre ce qui incarne le pire pour la plupart, répond à un profond sentiment de devoir se ranger aux côtés de ceux qu’il perçoit comme les opprimés d’une époque, même si eux-mêmes ont été les oppresseurs à une autre période. Quoiqu’on pense du personnage, sa détermination force le respect.

Oublié de noter mon entrevue, le week-end dernier, avec l’artiste peintre Cécile M., non croisée depuis 1987… vingt ans déjà ! Elle semble épanouie et fière de son parcours qui lui permet aujourd’hui de vivre largement de la vente de ses toiles.

 

Vendredi 6 juillet

22h35. Les sonorités médiévales de Sting enluthé accompagnent cette fin de soirée au Cellier. Voyage dans la Grande Punto avec le sentiment enjoué de posséder une nouvelle monture plus esthétique, plus puissante, plus confortable… Vrai gamin incohérent avec lui-même. Mes dénonciations vitriolées de l’univers automobile n’ont pas empêché cette vague instinctive du paraître qui me submerge au-delà de toute considération intellectualisée.

Retrouvailles des parents B, de la sœur et de sa petite particulièrement bruyante en cris éperdus ce soir. A chaque fois me revient le regard misanthrope de Léautaud. Comme un élan allergique d’instinct. Pas humainement correct mais [illisible] présent.

Sans doute quelques dosages alcoolisés de trop pour ma carcasse voyagée, je laisse venir les grognes et impressions sans retenue… Faut-il forcément associer qualité et anticipation ? Là c’est du couillon… La létalité de mes scribouillages doit m’alerter sur l’utilité de mes piètres réflexions. Pendant ce temps le sobre Sarkozy savoure l’objectif atteint et peaufine les séductions machiavéliques distillées. Du grand art au regard duquel le dégingandé de Villepin fait figure de trisomique politique.

 

Samedi 7 juillet, 0h05

Journée grisaille qui n’a pas obéré les diverses activités : une matinée à Saint-Denis la Chevasse pour aider Emma et François à débarrasser quelques gravas. Enorme boulot réalisé dans leur demeure, mais encore en cours pour l’essentiel : mur abattu pour obtenir une pièce gigantesque au rez-de-chaussée, électricité refaite, cuisine aménagée… Un vaste nid se dessine au sein de cette Vendée profonde. La localité affichait une prestigieuse, et sans doute impressionnante, manifestation : course effrénée de Solex déchaînés. Du rural jusqu’au bout des mottes !

Après-midi studieuse à saisir l’année 2003 de mon Journal sur un portable surchauffé, celui dont se servait Shue (dont je n’ai plus de nouvelles) en 1996 pour consigner ses recherches irriguant son mémoire de didactologie linguistique. Un matériel qui parvient difficilement aux deux gigas de puissance alors que la clé USB de quelques grammes que je branche dans la Punto Grande cumule huit gigas… Technologie, quand tu nous donnes le vertige…

La petite Ilya de Louise, à quelque quatre mois, transmet souvent ses besoins à travers des cris et pleurs d’une intensité redoutable. Je reste admiratif face au calme affiché de sa mère et de la famille B en général. Je ne dois pas fonctionner de si sereine façon…

 

Lundi 9 juillet

La grisaille favorise les choses de l’esprit en ce début de pause estivale.

Achevé le premier des six ouvrages en cours depuis quelques mois (quelques années pour certains). Le Boncenne sur Jean-François Revel m’a éclairé sur le parcours intellectuel de ce réfractaire par excellence. Toujours à contre-courant du bon pensé ambiant, il n’a jamais sacrifié ses convictions sur l’autel du carriérisme. Admiration et considération pour cet esprit libre qui, pourtant, présente une trajectoire idéologique opposée à la mienne et affiche des défiances susceptibles de me braquer.

Marqué à gauche dans ses première réflexions sur le monde, il affûte ses piques contre le de Gaulle de la Ve, en osmose avec le Mitterrand d’alors qu’il stigmatisera tant lors de sa monarchie républicaine.

De Gaulle n’avait, bien sûr, rien de l’enfant de cœur, mais quel dirigeant peut se priver des armes cyniques, du pragmatisme cruel et de l’impitoyable manipulation qu’exige l’exercice pérenne du pouvoir, sauf à calquer les séniles fanfaronnades d’un Deschanel en perdition. La crédibilité d’un chef d’Etat tient surtout à son extrême conscience des intérêts du pays dont il a la charge et à sa capacité d’agir pour les servir au mieux. Et ça, de Gaulle les réunissait plus que tout autre.

Revel se complaisait, pour quelques cortex embrumés par le consensus rassurant, dans la stérile posture du polémiste, voire – quelle abjection ! – du pamphlétaire. Voilà l’infâme étiquette avancée. La molle inconstance d’un Roger-Pol Droit souligne cette tare littéraire de l’essayiste musclé, niant ainsi, du haut de son « particulaire » magistère, les plus considérables plumes hexagonales qui ont magistralement vitriolé leurs propos pour rendre consistant leur argumentation. Les Pascal, Voltaire, Diderot et Hugo, par exemple, que Revel publiera dans sa collection Libertés. La grandeur d’être de Revel, ses lumineux raisonnements, la fluidité implacable d’une écriture rayonnante : panégyrique assumé, proclamé, hurlé à la communauté humaine pour qu’elle laisse émerger davantage de ces consciences insoumises. Notre époque affadie en a tant besoin !

 

Mardi 10 juillet

« Petit mais costaud », « l’homme qui convainc plus vite que son ombre » : les détournements de formules de notre base culturelle pourraient se multiplier pour désigner, de laudative façon, le président Sarkozy. La tendance populo-gauchiste étant de critiquer, souvent avec le simplisme discriminatoire des mauvais perdants, mon instinct réfractaire à cette frange pseudo généreuse m’incline à l’observation bienveillante d’une présidence débutée sans temps mort. « Omniprésident » ironise François Hollande, jubilant de sa trouvaille, oubliant un court instant le champ de ruines qu’il secrétarise comme charcutier en chef de la farce socialiste, Sert-à-rien général du parti des sots en lice pour… 2012.

L’épreuve européenne a été magistralement abordée : là où les fossoyeurs de la Constitution se sont vautrés dans l’inconsistance programmatique, chacun ne pouvant se projeter au-delà de sa mini chapelle, trahissant tous leurs engagements de constituer une force cohérente et refondatrice des priorités européennes, Sarkozy a emporté l’adhésion des plus sceptiques pour un traité simplifié qui devrait permettre le fonctionnement institutionnel à vingt-sept, malheureusement pas pleinement avant 2014. Les humeurs nonistes des Français puis des Néerlandais auront coûté dix ans à la constitution européenne. Triste ironie pour ceux, à gauche, qui ont bavé victoire au soir du Non français : les trois quarts de la Constitution restent de fait en application puisque ce n’était que la synthèse des traités antérieurs toujours valides ; l’essentiel de la partie institutionnelle est repris par le traité simplifié lequel sera ratifié par voie parlementaire ; seule la Charte des droits fondamentaux (d’inspiration française dans sa tonalité et sa philosophie), refusée par les autorités britanniques saisissant cette nouvelle opportunité de se distinguer, aura été la victime complète des Fabius, Le Pen, Besancenot, de Villiers et Laguiller. Belle réussite que d’avoir permis à la Grande Bretagne de poursuivre son hyper libéralisme dans ses recherches scientifiques. L’insane Emmanuelli et son patibulaire compère Mélenchon peuvent se réjouir : le droit à l’avortement ne sera plus mis en péril par le « droit à la vie » que consacrait cette maudite Charte pour, en fait, rendre impossible le retour de la peine de mort.

Certains chroniqueurs prévoyaient déjà la première défaite de Sarkozy sur la scène européenne à l’occasion de la réunion de l’Eurogroup. Raté, les ombrageux ! En quarante minutes, il a su argumenter pour la perspective d’un assainissement des finances à l’horizon 2012 (et plus 2010). Jean-Claude Juncker, qu’on ne peut soupçonner de connivences mal placées avec le président français lui a délivré un inespéré satisfecit. On devrait faire la fine bouche simplement parce que les amers de gauche lui prêtent toutes les dérives autoritaires ?

Laisser la présidence de la commission des finances de l’Assemblée nationale à l’opposition, choisir Bernard Kouchner pour un ministère régalien, soutenir la candidature de Strauss-Kahn à la présidence du FMI témoignent peut-être d’un machiavélisme hors norme (Mitterrand ferait presque figure d’amateur : cette perte de magistère amoral chiffonnerait-elle les socialistes !), mais sûrement pas d’un apprenti fasciste.

Le temps des critiques crédibles viendra, mais à force de s’épuiser à l’anti-sarkozysme primaire, les agités de la gauche démontrent leur triste immaturité à assumer une digne opposition, situation politique qu’ils auraient pourtant eu tout le loisir d’expérimenter, de maîtriser et d’affiner : trente-cinq années sur le bientôt demi siècle de la Ve République. En  l’espèce, l’expérience ne sert que le pire.

Hier, visite du château des ducs de Bretagne, belle bâtisse dans laquelle devraient se réfugier tous les hurleurs à la dérive autoritaire du pouvoir à la sauce Sarkozy… Tous aux oubliettes, qu’on en finisse !

 

Mercredi 11 juillet

La grisaille toujours d’actualité sur Le Cellier, je me centre sur la saisie de mon Journal (l’année 2004 commencée ce matin) et la lecture d’ouvrages en cours.

Timour Serguei Bogousslavski et sa Morue de Brixton m’offrent quelques plaisirs stylistiques. Ce récit d’une vie mouvementée, en rupture avec une société saisie au scalpel, pourrait m’inciter à convertir mon témoignage chronologique en cohérence littéraire. Pas encore mûr pour cela. La distance temporelle fera peut-être émerger des détails et affûtera mes propos comme ceux de ce « jeune écrivain de quatre-vingt-quatre ans » en 1998, ainsi que l’annonce la quatrième de couverture de ce pavé aux joyaux incisifs.

A l’avenant : « l’Auriol frottait le trône de son cul social, et j’eus plaisir à me souvenir d’avoir, par élan poétique et mépris d’aristo, pissé, à Alger, dans le tiroir de son bureau ».
Pour souligner l’abjection du corps judiciaire faisandé, une charge pamphlétaire du plus bel effet : « Conscient de l’aspect terrifiant et funèbre de son rôle, monsieur le procureur vêtait de noir sa viande que l’on devinait molle sur des os pleins d’orgueil. Après avoir servi le Pétain et sa bande et croqué quelques juifs, il ne rougissait pas d’avoir pendu au mur le noble et fier tarin du général de Gaulle, et il demeurait blême. »

Et comme une implacable généralisation : « Dans le soupir j’appréciai l’esthétique nette et sure de l’état fonctionnaire : un peu de blé dans le goulot et le pantin fonctionne. »

Lucidité inaltérable : « les crimes, les iniquités, les corruptions étant inséparables de l’action politique, seuls les hommes définis par ces actes ambitionnent de s’y adonner et y réussissent. Le tour de leur monde est vite fait, bien qu’il soit sans limites dans ses turpitudes. » Le pauvre Bayrou devrait donc abandonner toute prétention au trône…
Sartre à la fête : Revel l’avait épinglé, Bogousslavski le cloue au pilori. « (…) ce Sartre, animal doté d’un machin mental rare, de talent, et pourtant avec ça nullité spirituelle éclatante. A propos de cet agité, dont l’encre racole encore les amants clopinants de la pensée bancale, il est bon, pour lui donner sa place sur l’échelle de l’esprit, de tirer de l’oubli qu’il fit imprimer et coller sur les murs de Paris la cafetière salvatrice du général de Gaulle pourvue des moustaches d’Hitler… Qu’il y ait parmi les clercs un nombre plus élevé de sots tordus qu’en d’autres espèces devrait être un sujet d’études.  

Mon oncle, coco déclaré et sartrien de fait, avait représenté un de mes grands cousins en cafetière moustachue… une référence indécelable, jusqu’à aujourd’hui, pour le pékin inculte que je suis ! Ce grand cousin, plutôt marqué à droite, s’est fait croquer par l’oncle sans pouvoir imaginer l’attaque clandestine dont il faisait l’objet sous couvert de production affective.

Même le gaulliste Malraux s’en prend une décapante ration : « Ce désir insatisfait m’inspirait devant le faux, le clinquant sottement admiré, et d’abord celui, fleuve, de la tronche à malices et à tics de Malraux, champion incontestable de la frime intellectuelle bien nourrie de bouillie savante. (…) Il me faisait penser à un mérou nerveux, gonflé de verbe[s] creux. »

Le pamphlétaire eut aussi ses admirations : Cocteau, Picasso, Fernand Léger…
Quelques trouvailles à encadrer : « Je n’aimais pas me lever tôt, les matins de la capitale puaient la sueur des pauvres et les pets des ambitieux… » ; « Le touriste, cette ordure animée qui salit la Terre de ses pas afin de fuir son vide et prendre des photos pour montrer à d’autres idiots ce qu’il n’eut pas le temps de voir, est la lèpre du siècle… » Je me fais du mal là…

Et les jockeys, qui eût pensé à les assaisonner : ils « avaient l’air de petits chimpanzés habillés. Ils faisaient jeu de cirque avec leurs culs menus [pluriel curieux], bien trop pour leurs culottes, leurs pattes un peu trop grêles et pas racées du tout à côté de celles des bourrins, leurs blouses de carnaval, leur barda sous le bras pour aller se faire peser comme des poulets ou du fromage sur les marchés. »

Identité de perception via les redoutées cours de récréation : « J’avais en horreur les braillards de mon âge, vulgaires et sots pour la plupart, bêtement brutaux et bruyants. » Tout ce qui emplit les stades à l’âge adulte, tardant à s’entasser dans les fosses très communes.
L’art de la description, il s’y adonne jusqu’au jubilatoire : « De sa vaste personne émanait une odeur légère de friture qui semblait donner la nausée à un grand Jésus crucifié, juste derrière lui sur le mur. » Un régal !

Aphorisme déniché : « Croire est le contraire de savoir, c’est le fourbi de la pensée arrangée en blindé aveugle. »

Terrible évidence assénée sur la piètre nature humaine : « Peu d’hommes sont capables de véritable errance, de marcher sur les chemins ultimes de la liberté où nul abri ni gamelle ne sont assurés au bout de la route et de la journée… »

Une autre, en telle symbiose avec mes convictions que je la surécris : « (…) je méprisais la foule, ses basses convictions et leur inévitable crotte : le fanatisme. Semblable au temps ou à la vie, le mépris est irréversible. Tendre la main à un homme, oui et toujours, aux hommes non, et à jamais. »

Enfin, instant d’une nostalgie pour mes fosses de l’irréalisé : « Souvent je songe aux destins à jamais inconnus de ces êtres à peine entrevus et qui pourtant demeurent en moi gravés, et je reçois d’eux la tristesse de n’avoir pu ni su les accompagner, peut-être les aimer, les aider sur l’horrible chemin de jours que toute vie finalement se révèle… » Piocher ça et là dans cette fresque humaine tourneboulante. A lire d’urgence donc.

 

Jeudi 12 juillet

‘Tite balade à vélo sur les bords de la Loire avec ma BB, entre le Cellier et Thouaré. Goûter à la première après-midi aux consonances un peu estivales. Bords bien plus sauvages que pour le Rhône, les couleurs ondulent par la danse du vent. Dualité paisible qui se laisse porter par ces moments d’évidente harmonie.

Ambiance Tontons flingueurs grinçants dans le groupe parlementaire socialiste de l’Assemblée nationale. Le Sert-à-rien général Hollande est fidèlement relayé à la Chambre des députés par l’Ayatollah Ayrault, digne héritier du terrorisant Carrier. N’admettant pas que l’un des piliers du PS, Jack Lang, puisse répondre à l’invitation du président Sarkozy d’intégrer une commission de réflexion sur la réforme des institutions, il le menace d’une exclusion du groupe. Le Sert-à-rien Hollande ne désavoue pas, Jack Lang s’irrite et quitte ses fonctions au bureau national du parti, restant simple militant, comme Jospin.

Le grand chantier de la refondation idéologique s’annonce périlleux pour les esprits libres. PS, parti stalinien ? On eût apprécié une identique sévérité à l’égard des Fabius, Emmanuelli et Mélenchon lorsque, contre l’avis des militants, ils ont poursuivi leur campagne destructrice du traité constitutionnel. Là, la faute lourde existait, la déloyauté pendable fanfaronnait, et ce quel que soit les résultats du référendum (vire-t-on de leur poste tous les perdants aux élections qui ont respecté la ligne idéologique de leur parti ?).

Sarkozy va certainement trébucher, décevoir, déchanter face aux réalités multiples qui s’imposent, mais la gauche française n’est pas prête de retrouver les ors élyséens tant que, en interne, elle fera montre d’une telle immaturité, d’un tel ostracisme ringard.

 

Vendredi 13 juillet

Du bleu d’été au ciel, enfin ! Notre dépendance cromagnonne au climat s’accentue avec l’obsession d’une mise à profit maximale de la période ludique octroyée. Affligeant, mais humain.

Apéritif dînatoire chez Laure et Daniel. Gentil moment pour des échanges sans importance. Leurs enfants poussent, bien sûr : Erwan, petit jeune homme sérieux, fin d’esprit, longiligne de corps, témoigne de son attachement à l’environnement et de sa responsabilisation comportementale ; Lina, à trois ans, avec sa bouille de chipie charmeuse et ses longues couettes blondes, a tout le potentiel de l’espiègle attachante.

Parangon de l’ordure politique qui exploite sans état d’âme les faiblesses occidentales, Kadhafi va parvenir à ne pas débourser un sou pour dédommager les familles de victimes de son attentat aérien. En faisant accuser et condamner à mort des infirmières bulgares (donc de citoyenneté européenne) pour empoisonnement au Sida de plusieurs centaines d’enfants libyens, alors que la seule cause crédible pour le professeur Montagnier (et des dizaines de scientifiques) est l’insalubrité criminelle du système hospitalier, la raclure Kadhafi a forcé la porte d’une ignoble négociation financière avec l’Union européenne. Leurs têtes (et celle du médecin palestinien) contre une somme équivalant à celle qu’il aurait dû débourser pour les familles victimes du détritus terroriste enturbanné. La transitivité écœure : c’est nous, les contribuables européens, qui finançons de fait la salauderie assassine de Kadhafi la chiasse. Et le pompon institutionnel est délivré par le nauséeux Machin, l’Ordre des Nuisibles Usurpateurs : par un impénétrable mécanisme du fonctionnement interne, la Libye, et donc le bandit patibulaire jouisseur d’atrocités, se retrouve à présider la Commission internationale des droits de l’homme ! Comme le rappelle l’esprit éclairé : ne reste plus qu’à se croiser les bras et à sourire de désespoir à la face du monde.

 

Dimanche 15 juillet

Arrivés hier à Tréogat, bien à l’écart du village, dans une charmante bâtisse aux murs anciens aménagée pour le séjour des touristes : en face la demeure des propriétaires qui nous font découvrir les espaces confortable du lieu. Chacun ses appartements, chambre et salle de bain, ce qui nous laisse entrevoir une liberté totale dans nos intimités respectives.

Très vite, le défaut majeur de la maison : l’absence totale d’insonorisation entre les deux étages. Tout entendre du couple voisin : voilà qui va nous contraindre à une sagesse respectueuse des autres par propre sentiment pudique.

Et le gris pluvieux règne toujours… bénéfique pour les plongées livresques et scripturales.

 

Mardi 17 juillet

Un trio de couples qui s’entend pour faire de ces journées de vacances de sincères moments joyeux, ludiques, dans une improvisation fluctuante.

De Tréogat à Plonéour Lanvern en vélo : la balade prévue est annulée suite à une pédale défaillante du vélo d’Aurélia. Arrêt à un petit restaurant bordant la départementale qui, pour dix euros par tête, vous propose deux entrées (dont une macédoine maison à se régaler), une viande ou un poisson (dont le nom m’échappe, mais qui nous éloigne du sempiternel cabillaud), un dessert et un café avec eau en bouteille et vin en carafe. Incroyable rapport qualité-prix. L’apparente gargote bretonne présente un intérieur décoré avec goût, originalité, voire une ébauche d’avant-gardisme pour un tel lieu (peintures d’art abstrait au mur).

Le soir, dans le jardin privatif du logis, autour de l’incontournable apéritif, la discussion arrive sur Heïm et ses dérives, ses excès, ses actes impardonnables. Je tente de m’improviser avocat pondérateur face à maman déchaînée et à Jim remonté. Ce qui peut se qualifier de pédophilie d’abord : rapports sexuels entretenus avec Béatrice, fille de Maddy qu’il avait adoptée, et avec sa fille biologique Alice. Pour le reste, plus de flou. Je n’ai pas évoqué mon propre cas, que je garde pour un témoignage ultérieur.

Maman rappelle l’événement qui lui a fait prendre conscience du grand tricheur-manipulateur qu’est Heïm : aux jeux organisés pour Pâques, avec gros lot pour le vainqueur. À la dernière épreuve (tondre le plus rapidement possible une parcelle de pelouse de la pommeraie) j’arrive en tête, mais Heïm, dans sa souveraine et inique décision, pénalise ma performance pour un vaseux motif de bouchon d’essence non remis (oubli créé de toute pièce, sans doute) ce qui permet de déclarer vainqueur sa fille Hermione. Une démarche bien méprisable pour un adulte qui se prétendait exemplaire patriarche d’une mesnie toute à sa dévotion.

À force d’avoir cumulé ces malhonnêtetés, ces tromperies, ces manipulations à l’égard de ses propres enfants (ou de ceux qu’il prétendait considérer comme tels) il ne restera de sa vie familiale qu’un vertigineux échec.

 

Mercredi 18 juillet

De retour d’une plage vaste, presque déserte et agrémentée de vagues défoulatoires comme je n’en avais pas vu depuis la Pointe espagnole, vers Royan. Du festif sportif qui nous a sainement épuisé.

Une cure d’actualité qui favorise la lecture (enfin achevée hier soir La Morue de Brixton et en passe de finir l’essai d’Umberto Eco) et la saisie de mon Journal (année 2005 entamée).

 

Jeudi 19 juillet

Vers 13h30. De retour d’une splendide pérégrination de vingt-deux kilomètres à vélo : plage immense et déserte sous nos pneus, quelques sombres vestiges de l’installation nazie qui s’enfoncent au fil du temps, comme avalés par le sable glouton. Retour par les terres sauvages du littoral en suivant dans l’improvisation quelques ébauches de sentiers cahoteux. Un régal pour les mollets, une plénitude pour l’âme.

Hier soir, juste avant l’apéritif, grande et belle émotion en écoutant la bouleversante chanson écrite et composée par Jim en souvenir de grand-mère. Avec des tournures simples et densément suggestives, puisées dans ses multiples moments partagés avec notre chère disparue, il évoque par petites touches sensibles le monde fontésol et l’affection profonde cultivée. Maman se laisse submerger par l’instant pur, Jim ne pourra empêcher quelques larmes de se mêler aux douces notes de cet hommage mélodieux.

Du joyeux, pour la suite de soirée avec la découverte, pour moi, d’une conviviale Fest’noz à Penmarc’h. L’univers breton aux pieds aériens pour des danses en groupe, les participants reliés, le plus souvent, par les auriculaires. De l’authentique bon enfant où les novices se mêlent aux experts en rythmiques locales.

De plus en plus coupé de l’actualité, pour une dizaine de jours encore…

 

Vendredi 20 juillet

Fourbu, flapi, vanné ! Trente-cinq kilomètres d’un tracé chargé en montées interminables.

Hier, en voulant acheter une carte postale pour l’équipe de Cqfd, je tombe sur le portrait en gros plan du désormais ancien président de la République surmonté d’un titre que l’on attendait « M. Chirac entendu par un juge ». Je n’ai pu résister à l’achat du Monde. Ligne de défense classique : des pratiques dans un contexte législatif inexistant puis incomplet jusqu’en 1995, une nécessité de trouver des moyens de financement pour faire fonctionner la démocratie, aucun enrichissement personnel.

Alain Juppé ayant été condamné pour une des affaires visant aussi Chirac, il serait inique que son supérieur d’alors ne prenne pas au moins l’équivalent. Voyons ce que la Justice a dans le falzar !

 

Lundi 23 juillet

Hier, clôture du festival de Cornouaille sous un ciel contrasté. Défilé coloré et sonore : les costumes de quarante coins de Bretagne et les entraînants, mais pas débridés, airs au biniou et à la bombarde.

Déambulation à travers les rues de la spacieuse Quimper en quête d’une crêperie, puis, au vu, des établissements complets ou fermés se succédant, simplement d’un lieu où manger : finalement une crêperie (de bonne facture) nous ouvrira sa terrasse déjà bien achalandée.

Passage au musée breton : les collections permanentes pour nous deux, l’exposition La Bretagne de Buffet (sous haute surveillance, paraît-il) pour les deux autres duos.

Depuis deux jours, je traîne rhume envahissant et toux raclante ; les efforts soutenus et prolongés des muscles des cuisses et mollets se font sentir à chaque mouvement anodin des jambes.

Du vélo pratiqué sans dopage, si rare dans les milieux du Tour. Appris que le média télévisé allemand, se chargeant de la retransmission de l’événement sportif hexagonal de l’été, avait décidé l’interruption à la suite d’un nouveau résultat de tricherie à la testostérone pour l’un des membres de l’équipe T-Mobile. Les écuries d’Augias du Tour sont encore loin du reluisant intérieur.

Repris Plateforme de Houellebecq (quatrième ouvrage à achever pendant ces vacances) : des passages troublants sur les rapports humains dans lesquels je me reconnais profondément. L’expérience résonne en écho à la crudité des déclarations de certains personnages ou à l’analyse du narrateur. Bien plus qu’un anodin roman que j’aurais bien vite laissé choir. Il me faudra y revenir pour exposer et approfondir les identifications perçues.

 

Jeudi 26 juillet

Dernier vrai jour de vacances avant le retour via Le Cellier et un dimanche de remise en condition pour la rentrée professionnelle.

Le gris du jour s’apparente à celui d’hier, crachin breton en moins, pour l’instant. Ces conditions anti-estivales ne nous ont pas empêchés une promenade en vélo vers la pointe de la Torche, eldorado pour les surfeurs locaux.

Soirée sous le signe de la succulence culinaire : Les Ondines à Saint-Guénolé ont exalté nos sens. Pour moi : alliance de ris de veau et de queues d’écrevisses pour commencer, panaché de poissons au beurre blanc pour continuer et soupe de truffes pour achever.

Pour ces dernières heures, virée avec ma BB à Concarneau, notamment.

 

Dimanche 29 juillet, 22h20

Extinction précoce des feux pour retrouver la route professionnelle dès demain matin, malgré un emploi du temps léger. Août sera centré sur les deux groupes de socialisation, pas le plus excitant pour le contenu et le type d’auditeurs… de l’alimentaire, en somme, que je dois assurer à défaut d’autres ressources.

Ma BB souffre de points très douloureux dans le dos depuis nos promenades frénétiques à vélo dans le Finistère. Une douleur telle, la nuit dernière, que la nuit s’est entachée de vagues de larmes qui m’ont touché et désemparé.

Le vélo révoltant, pour le Tour 2007, dont je n’avais pas suivi la succession de triches dopées découvertes. Bilalian, le chef du service des sports de France Télévision, n’a pas manqué de rappeler les exigences, utopiques, de ce sport. A voir ces coureurs batailler sur les Champs Elysées, on ne pouvait douter de l’irrésistible attrait, pour une part d’entre eux, de se dispenser de l’éthique pour tenter l’aventure interlope et nocive. Le Tour a d’ailleurs consacré un maillot jaune non exempt de soupçons. Réalité et rumeurs alourdiront encore pour des années les férus de la pédale.

Pour de Villepin, la brasse coulée prend des allures de noyade programmée, à la façon d’un Juppé chevelu, chevaleresque, mais lui aussi victime de l’insubmersible Chirac.

 

Vendredi 3 août

Ambiance des grands départs et des nostalgiques retours gare de La Part Dieu : quai bondé et un train pour Bordeaux pris d’assaut et ne suffisant pas à la foultitude, changement de quai pour celui qui devait lui succéder et que je vais investir sans ma BB qui entame ses trois jours de labeur.

Destination Vesoul via Besançon pour un samedi dédié au kayak chez Sarah : Karl sera absent (séparés, ils sont restés bons amis) pour cause de farniente corse. Je partagerai ce sport estival avec quelques amis de la jeune femme.

Comme lecture de voyage (huit heures de train cumulées pour cet aller-retour), j’ai repris dans ma bibliothèque le …vous avez dit Serrault ? qui s’y serrait depuis quelques années et que les ouvrages en cours m’inclinaient à ne pas ajouter.

La mort de l’attachant comédien et, très secondairement, mon achèvement de quatre titres au cours des vacances, m’a affectivement conduit à plonger dans son autobiographie. De sa turbulence enfantine, il fit une générosité joyeuse de l’interprétation.

14h25. Appel de Sarah m’indiquant qu’un de ses amis était bloqué du dos et ne pouvait donc pas venir avec sa compagne. En filigrane je décèle une annulation totale du séjour ! Me voilà en route vers Besançon, avec des billets en tarif séjour non remboursables, et menacé de devoir rejoindre mes pénates de façon prématurée. Curieuse arithmétique : nous devions être sept. Deux absents, reste cinq, égal zéro ! J’attends son appel pour décision finale.

18h05 Et voilà, départ de Besançon pour retour au bercail ! Grisant week-end amorcé. Je n’en veux point à Sarah victime de ses amis lâcheurs (deux vagues d’annulation dont la dernière ce jour à 13h). Je n’allais pas lui demander de rejoindre Villers, depuis Strasbourg, avec son petit ami (un certain J-F) pour une villégiature expresse à trois vide de sens.

Je risque, tout de même, de développer une méfiance accrue envers ce genre de projet festif.

Retour chez le bon Serrault et sa pétillante existence au gré des représentations, sketches et tournages. Occasion de retrouver la si attachante galerie des acteurs et comédiens comiques, ceux qui ont distrait mes sombres années tiraillées. Leurs films me dispensaient d’une quelconque prise de psychotropes : les 90 ou 120 minutes de baume dopant suffisaient pour se colleter aux tracas quotidiens et aux trognes persistantes. L’implacable bonhomie de Blier, l’indomptable furie de Louis de Funès, les envolées foudroyantes de Francis Blanche, la frénésie inventive de Darry Cowl, la victimisation rigolarde de Carmet, les bougonnements ravageurs de Jean Yann, les sursauts pétaradants de Prévost et, bien sûr, la maximalisation géniale du pince-sans-rire de Poiret : univers revigorant du plus attachant et déconneur de tous, l’ami Serrault, ange rieur de l’humanité.

 

Dimanche 12 août, 22h50

Malgré le temps incertain, décision de goûter à la marche bucolique avec ma BB dans les environs de Tarare. Une montée costaude pour amorcer le parcours : le cœur s’emballe vite et je laisse ma douce prendre quelque avance que je grignote dès l’horizontalité retrouvée. Une nature verte et des sols gorgés d’eau témoignent de l’été non conventionnel qui s’impose.

Eu quelques nouvelles d’Elo par Msn ce soir : nouvelle coupe qui lui sied à merveille, une histoire qui s’affirme avec son Julio et une reprise du pinceau avec quelques toiles colorées en sortie. Vu aussi, en photo, sa ‘tite nièce, cinq ans, avec tous les attributs et le caractère de l’adorable chipie. Elo ressent mal ses longs séjours à Saint-Cyr, synonymes de nounou improvisée pour elle.

Oublié de noter d’autres disparitions estivales, notamment celle d’Henri Amouroux, historien et penseur à la voix posée. J’ai encore la musique de ses participations au débat sur l’actualité qui se tenait le vendredi soir sur France Inter. Avec ses bretteurs de circonstance, les Leroy, d’Ormesson et autres réactifs, il rendait attractif tous les thèmes porteurs du moment. Je crois me souvenir qu’il n’hésitait jamais à stigmatiser les méfaits de l’idéologie communiste.

Big Média, dans sa rapide nécrologie, a souligné, comme une prétendue tache dans son exemplaire parcours, qu’Amouroux avait été entendu comme témoin à décharge dans le procès Papon. Encore le simplisme médiatique au service du bien-penser ambiant : pour avoir suivi de longs passages du procès, on ne peut que constater la complexité de la posture passée de l’accusé. Remettre dans le contexte historique l’analyse critique assénée par les ronfleurs de certitudes, comme l’a tenté cet esprit fin, garantit une plus sure équité intellectuelle que celle des censeurs haineux avides d’un pugilat judiciaire. Amouroux a eu la si rare élégance d’une fidélité sans faille à ses convictions, y compris lorsqu’elles fusaient à l’inverse du consensus social, surtout lorsqu’elles contrecarraient les antiennes officielles. Amouroux, Revel : voilà les esprits lumineux de la France du Vingtième siècle, et non l’insane Sartre à l’idéologie criminelle…

Encore une semaine légère avec un férié au milieu.

Après ma mise sur Blog (à accès strictement réservé) des pages les plus dures contre Heïm extraites de ce Journal à taire, maman m’a adressé un long mail qui confirme sa haine viscérale de Heïm le maudit comme j’ai baptisé ce blog dont l’adresse reprend le patronyme réel du sieur. Si je cautionne une grande partie de son ressenti aujourd’hui, je n’approuve pas le paquet de circonstances atténuantes dont elle pare Bruce : toutes ses dérives, passées et actuelles, trouveraient leur source dans cette immersion au château d’O. Que cela ait pu amplifier un peu sa perdition, pourquoi pas, mais rien de déterminant : le bougre avait toute cette salauderie en lui, quelle que soit l’endroit qu’il eut fréquenté. Faire du château et de Heïm le déterminisme absolu de sa propre nature manipulatrice me semble nier sa propre responsabilité.

 

Mardi 14 août

Encore une après-midi de détente à choper quelque couleur mate au parc Tête d’Or. Si la rentrée professionnelle se profile chargée selon le rythme crescendo à partir de la mi-septembre, les semaines d’août se limitent au strict nécessaire pour que la boutique tourne encore.

Passage exprès hier soir de Louise et de sa petite famille pour rejoindre dès ce jour Le Cellier pour quinze jours de détente chez les grands-parents d’Ilya.

Parmi les décès d’été, infiniment moins regrettable que ceux évoqués récemment : celui de l’officier SS ayant ordonné le massacre d’Oradour-sur-Glane. A son procès, il ne déclara qu’un seul regret : qu’il y ait eu des survivants à cette tuerie organisée. Quatorze années de taule effectuées par ce criminel majeur, libéré en 1997 selon les critères humanitaires du pays incarcérateur. A noter, sur le plan juridique, que le sanguinaire a été condamné pour crime « de guerre » et non « contre l’humanité » et qu’il s’inscrit en cela dans la sordide tradition guerrière des impitoyables massacreurs dépourvus d’un semblant d’humanisme auquel se raccrocher. De la pure brute congénitale dont il faudrait alléger à l’extrême le parcours judiciaire : juste les laisser crever en souffrances entretenues. Tout en l’écrivant, je reconnais l’absurdité simpliste du souhait talionien.

Achever ce Manus XV avec un petit tour visuel de la luxuriante nature de ce petit coin calme du parc ouvrant sur la roseraie : un vert cocon d’harmonie qui atténue les fracas du monde à ramasser sur l’air émouvant des Feuilles mortes du feu Gainsbourg.

 

Mercredi 15 août, 23h20

Quelques degrés de trop pour apprécier le charme d’une ville au calme. Matinée et début d’après-midi en compagnie d’Elo à déambuler dans le parc Tête d’Or, les nouveaux bords du Rhône avec halte déjeuner, et quelques artères lyonnaises avec intermède cinéma (le distrayant Ivan tout puissant). Occasion de suivre son actualité familiale, sentimentale et professionnelle : naissance, hier soir, du second enfant de sa sœur, une mère toujours aussi possessive et invivable, une relation de cœur qui se pérennise et de bons contacts dans son travail. Elle songe, déjà, à une installation dans la région de son compagnon (vers Tignes) et à la conception d’un enfant dans trois ou quatre ans. Coup de vieux pour moi, merci Elo !

Nos cieux paisibles nous permettent le luxe de ces insouciants et si agréables moments de complicité. D’autres contrées, en parallèle, n’en finissent pas de saigner à gros flots : l’Irak occupe, bien sûr, l’écœurante place d’honneur. L’attentat du jour établit un nouveau record dans la tuerie de masse depuis 2003 : en quatre explosions à l’adresse d’une minorité religieuse sise en région kurde, c’est plus de deux cents morts et quatre cents blessés obtenus par les terreurs intégristes à étiquette al qaïdienne.

A qui la faute de cet interminable chaos ? Aux Etats-Unis pour la plupart et selon le simplisme ambiant. Que serait-il advenu si l’on avait laissé en place le sanguinaire Saddam et pérennisé les rodomontades diplomatiques ? Quel naïf peut croire que la nébuleuse terroriste n’aurait pas visé d’autres points d’ancrage ? Le terrorisme a horreur de négliger les terrains faciles.

 

Samedi 18 août

Parc désert, lac paisible, si loin des agitations boursières. Le libéralisme à tout prix, étendu à l’économie virtuelle, connaît sporadiquement ces hoquets, décrochages qui paniquent les détenteurs de titres. On peut être pour le capitalisme, sans réserve, et considérer comme caverneuses les hystéries de la finance mondiale.

Internet a eu sa bulle boursière inconsidérément gonflée pour, un beau jour, ruiner les plus aveugles. Depuis, pourtant, Internet grandit toujours, tel un univers en expansion, et fait la fortune des plus avertis. La marque Google n’est-elle pas reconnue comme la plus chère du monde, avant Microsoft et Coca Cola ? Les pionniers de cette dimension du réseau mondial n’avaient donc pas tort de croire aux potentialités économiques du système virtuel, mais le grégarisme amateur a fait imploser les valeurs attribuées à des milliers de jeunes pousses du Net.

Si on doit pointer l’inconséquence d’organismes financiers atteints de prêtite aiguë, si l’on doit soupçonner les agences de notation des émetteurs d’emprunts, au mieux, de s’être vautrées dans la complaisance, au pire d’avoir masqué les difficultés de ces organismes qui les financent, on ne peut se limiter à la stigmatisation des boucs émissaires qui évitent de s’interroger sur la tare consubstantielle.

Aujourd’hui, toute la complexité des causes des baisses boursières ne doit pas occulter la simplicité dérisoire du suivisme, de l’amplification des rumeurs, de la méfiance soudaine, du chaos cultivé. De vraies grossières ficelles psychologiques qui déterminent, et c’est là le point inquiétant, une bonne partie de la santé économique mondiale. Poupées gigognes non décoratives, plutôt du genre affligeant, où la tête d’épingle incommode le tout.

Comme souvent, ce n’est pas le système qui présente des vices, mais les vices humains qui dénaturent le système. Primaires de Cro-Magnon pour encore longtemps, nous sommes.

 

Mercredi 22 août

Ça renifle la rentrée, alors que ma semaine s’est allégée au maximum pour rattraper les heures qui me sont dues.

La présidence a repris (si elle l’avait jamais délaissé…) son rythme médiatique frénétique. Une flopée de réunions par-ci, pour afficher la réactivité dans l’action, un enterrement par là pour la teinte d’humanité et d’émotion transpirante, quelques déclarations fracassantes, enfin, pour ne perdre ni la main, ni la parole.

Rendre compte de chaque battement de cil de l’« hyperprésident », pour reprendre le néologisme du Sert-à-rien général du PS, est devenu la spécialité de Big Média. Le Big Brother d’Orwell a donc tourné tous les feux de la rampe vers lui, au risque d’une saturation.

Y verrait-on, sous l’apparente complaisance, un plan ourdi contre Sarkozy pour griller peu à peu l’adhésion sondagière qui ressort pour son action ? Boutade délirante, sans aucun doute.

 

Jeudi 23 août

L’abondance humaine à nouveau dans les artères, veines et capillaires lyonnais.

Oublié de noter trois découvertes Internet concernant la famille. Jim, d’abord, signalé comme singing-guitarist sur un site annonçant la sortie de Rush Hour 3. Il nous avait évoqué sa participation à une scène face à la vedette de la superproduction américaine. Il semble que le plan ait été conservé. Peut-être que son interprétation complète du morceau sera reprise dans le DVD.

Bruce, ensuite, qui a référencé ses toiles sur un site ouvert aux artistes peintres. Une biographie truffée de fautes, mais des toiles, pour certaines, subjuguantes d’expression torturée. Une mise en fresque de ses tourments à laquelle il faut reconnaître un certain talent, ce qui ne m’anime, cependant, d’aucune bienveillance envers lui face aux salauderies commises. Simple constat technique d’œuvres réussies, mais engendrées par un antipathique personnage.

Raph, enfin, longiligne bout d’chou inscrit dans une équipe de volley et qu’Internet régurgite aussi de sa mémoire tentaculaire.

Big Sarkozy satisfait encore plus de 60 % de Français et cette base ne s’étiolera pas facilement pour l’analyste Pierre Giacometti : pas du soutien de dernière heure qui s’évapore au premier coup dur politique, à la première grogne sociale.

Son talon compensé d’Achille ne doit pourtant pas être minoré : la surmédiatisation en fait la première cible pour une opposition qui se cherche encore.

Même l’agité fringuant Chirac, en 1995, savait se ménager des retraits et laisser son Juppé de Premier ministre assumer le charbon de la politique gouvernementale. Ici, dans cette neuvième mandature présidentielle, l’Elysée préserve de fait Matignon qui accomplit dans la discrétion les projets claironnés avant le six mai.

Comment juger, alors, le traitement médiatique des actions et prises de position du nouveau président ? Sans aller jusqu’à la complaisance, peut-on évoquer une prédisposition favorable du corps majeur de Big Média qui ne laisse émerger que de rares appendices hérissés contre ce réflexe pavlovien ?

L’esprit féru de liens, de parallèles à établir, pourrait tenter de lancer une passerelle vers les années Balladur, 1993-1995, alors puissant Premier ministre cohabitationniste, soutenu par l’ambitieux Nicolas Sarkozy, qui s’accordait une lune de miel prolongée avec les journalistes, au point de croire (grâce aussi au fortifiant sondagier, convenons-en) à son destin présidentiel. Le diapason peuple-média ne résistera pas à l’échéance électorale, l’Edouard majestueux, gélifié dans sans convenances désuètes, ne collant plus à l’aspiration populaire d’un renouveau dynamique au revigorant goût de pomme verte.

Big Sarkozy a donc surpassé son maître d’alors, Sage de Matignon, en offrant son activisme à cette caisse de résonance jusqu’à présent bienveillante et en phase avec l’attente majoritaire.

L’onde néfaste, marquant le retournement de l’opinion, devrait se renforcer si le dynamisme déployé est en décalage avec les résultats ou le sentiment de résultats obtenus. Un agacement se propagera chez le peuple amnésique, friand de têtes de Turc déresponsabilisantes, et Big Média emboîtera le pas face à l’incontournable vague désapprobatrice. A moins qu’un scandale, une affaire impliquant l’Elysée ne ragaillardisse le microcosme médiatique enclin à brûler ses idoles.

La France anti Big Sarko tiendra alors sa revanche, se cherchant  pourtant toujours un leader naturel crédible.

Scénette ordinaire de la vie politique française qui masque les pôles réels d’influence sur la conjoncture nationale, sujet ô combien moins sexy que le bourrelet du chef d’Etat effacé en exclusivité pour Paris Match.

23h45. Achevé le blog de vacances A nous le Finistère et invitations envoyées à la famille et à quelques amis. Occasion de rappeler l’existence de deux autres blog-photos à accès restreints : pour les noces d’émeraude des parents B et pour les vacances en Corrèze de l’été 2006.

Cet univers bloguien, s’il est bien abordé, peut constituer un loisir constructif de grande qualité.

Météorologie de notre été pourri et des extrêmes climatiques forment une part notable de l’actualité quotidienne. De l’ouragan Dean (?) ayant sévi en Martinique, à la Guadeloupe et dans le Golfe du Mexique, aux pluies diluviennes en Europe du Nord contrastant avec les fournaises persistantes de l’Europe du Sud, une France négligée par l’été et un pôle Nord en situation de fonte accrue : du plus anodin focalisé, au plus fondamental pour les conséquences planétaires, le rythme et les à-coups climatiques s’imposent à nous, qui oublions si facilement l’exigence d’humilité face à ces facteurs incontournables.

 

Mercredi 29 août, 23h30

Six jours d’enfer pour la Grèce, un Etat stigmatisé pour son incurie, quelques promoteurs immobiliers soupçonnés d’avoir commandité des pyromanes pour ces infectes besognes, mais aucune critique contre la réactivité de l’UE. C’est même l’autosatisfaction pour la porte-parole du Commissariat européen à l’Environnement qui se félicite de la vivacité de réaction de pays membres. Ainsi, la soixantaine de pompiers français (le double de ceux envoyés par… Chypre !) a-t-elle dû être déterminante dans cette bataille parmi les trois mille Grecs (pompiers et soldats) mobilisés contre cette tragédie. Non, satisfaits nous sommes, tout comme les instances européennes, même si l’idée d’établir une « troupe européenne de protection contre les incendies » est évoquée.

Curieuse réaction des médias qui varie selon le supra pouvoir en cause. Aux Etats-Unis, après le passage de Katrina, l’incapacité des autorités fédérales à réagir dans les temps et avec les moyens requis avait été surabondamment soulignée.

Aujourd’hui, pas un soupçon de reproche à cette quasi léthargie de l’UE qui n’a rien proposé de conséquent à la Grèce et s’en est remise aux Etats membres volontaires. Certes les quatre Canadairs français ont dû constituer un apport non négligeable, mais pour le reste, c’est du symbolique bonne conscience pour se dire : j’y étais, on ne peut donc rien me reprocher comme Etat.

 

Vendredi 31 août

Merci à toute la troupe satisfaite du rejet du traité constitutionnel : ce n’est qu’une Europe économique qui a été conservée. Pas d’autre élan, surtout face à un tel drame. Chaque Etat conserve l’essentiel de ses moyens sans qu’on puisse noter de réelles différences entre la solidarité affichée par des Etats tiers à l’UE et celle de membres par statut plus proches des contrées grecques.

La compassion gesticulatoire ne peut se prévaloir d’une once d’efficacité.

 

Dimanche 2 septembre

Ma BB à la clinique, moi sous les rayons solaires au parc Tête d’Or, le rythme de la rentrée professionnelle ne s’est pas encore imposé pour mon planning : mardi, seule journée de labeur pour la semaine qui va accueillir la frénésie scolaire.

Sur le chemin boisé bordant le parc, arrivant à hauteur du siège d’Interpol, petite pensée pour l’atypique Raymond Barre qui vient de s’éclipser. Sans être du cru, il a insufflé à la ville une amorce de rayonnement international.

 

Mercredi5 septembre

Ma dernière poussée pamphlétaire a suscité quelques dizaines de réactions de tendances opposées selon le site de reprise : négative sur PCC avec un penchant pour le réactif simpliste.

Petite digression : trois branleurs de rien, avec tout l’attirail risible à portée de piétinement, à la démarche de crabe arriéré, viennent empuantir mon bord du Rhône, mais, bien sûr, il ne faut surtout pas afficher sa haine de ces enflures incommodantes. Par leur attitude, leurs gueulantes, leurs provocations plus ou moins explicites, ils font bien pire en actes. Leur racisme à eux, on n’en parle jamais. Qu’un dégoût profond pour ces nuisibles sociaux, et je me contrefous de l’extrémisme dont on me taxera. Je ne vise pas une catégorie raciale ou ethnique, mais un type de comportement qui ne dépend ni de ses origines, ni même de sa classe sociale, mais d’une prédisposition caractérielle exaltée par un néant éducatif.

Revenons à ma stigmatisation des Vélo’vandales en Véliberté : sur AgoraVox, au contraire, une dominante élogieuse et qui s’efforce de compléter mes constats de façon constructive.

Quel visage pour cette France sarkozyenne ? Une rentrée d’engagements affichés qui vont se confronter aux prévisions économiques de l’OCDE bien faiblardes pour notre nation. Les rentrées fiscales faisant défaut pour le budget 2008, les coûteuses annonces s’émousseront ou devront être compensées par de drastiques économies sur la bête administrative.

A l’échelle de la SNCF, on pressent déjà les contradictions dirigeantes et des syndicats sur la braise. Un service fret qui fonctionne en demi-teinte mais emploie tout de même vingt mille personnes. Annonce par le responsable de ce service d’une impérative restructuration (ô le vilain mot !) pouvant se traduire par cinq mille suppressions de postes. Emois bruyants des officines syndicales qui provoquent rien de moins qu’un démenti de la direction générale. Le syndrome 1995 n’a pas quitté les esprits et certains savent très bien s’en servir.

Malgré tout le volontarisme présidentiel mis en scène, on ne ressent pas une solidité gouvernementale telle qu’elle résiste aux multiples fiefs rétifs à la réforme en maintenant sa révolution structurelle seule capable de relancer les indicateurs économiques dans le bon sens. Madame Lagarde se fait reprendre sur un terme aux effets psychologiques dévastateurs : la rigueur se profilerait, mais il ne faut surtout pas le dire. Madame Dati doit entériner la démission successive de plusieurs de ses conseillers sans doute peu inspirés par la tournure insufflée à la tête du ministère de la Justice. Nous pourrions multiplier la litanie des couacs ! en s’approvisionnant aux sources journalistiques informées de certaines coulisses.

Tout cela confirmerait l’impossible monobloc exécutif qui rendrait beaucoup plus périlleux une confrontation directe.

Nous voilà donc lancé pour un rythme effréné du verbe qui risque de se laisser distancer par l’action cafouilleuse, imprécise ou intrinsèquement contradictoire. L’attente des succès dans la vie de chacun reste à espérer, mais le pouvoir se reposera sur l’incurie d’une opposition en quête de résurrection, pour reculer la perdition programmée.

 

Jeudi 6 septembre

Matinée face au lac lisse de la Tête d’Or. Ciel bleu, température presque fraîche accentuée par des poussées venteuses : profonde sérénité dans ce parc déserté pour cause de reprise professionnelle.

La Décennie – Le grand cauchemar des années 1980 décape quelques perceptions encore euphoriques ou bienveillantes sur la première période d’alternance politique de la Vème République. Il verse parfois dans le style quasi abscons ou ésotérique : « On a vu que les théories systémiques et cybernétiques, en vogue au tournant de la décennie, préparaient le terrain en formalisant une définition de la crise comme perturbation de l’équilibre antérieur et ajustement adaptatif du système, par rétroaction, pour atteindre le nouvel équilibre. » Débrouillez-vous avec ça !

Beaucoup plus clair dans d’autres phrases incisives, tellement plus simples qu’elles versent dans le simplisme imbécile : « (…) l’insolence d’une droite qui a le vent en poupe (…) jusqu’aux plaisanteries franchement racistes du comique Thierry Le Luron ».

Hormis ces deux extrêmes, il offre une densité de références et de raisonnements qui nous plongent au cœur des contradictions et des dérives de cette décennie qui se voulait la Renaissance du XXème siècle.

Ainsi la vague SOS-Racisme et son brillant animateur Harlem Désir, ensemble que je désignais comme le Potes Système : parade illusionniste qui séduisit la scène médiatico-politique, mais n’eut qu’une portée marginale (sauf par conditionnement suiviste) dans les secteurs touchés par la résurgence de la haine du différent. Grisante autarcie des concerts organisés, des médias en caisse de résonance, qui permettait au mouvement de « faire passer pour déjà populaire – produisant ainsi, par le jeu des médias, l’effet qu’ils simulaient – une campagne et un organisme beaucoup plus soutenus par les rédactions parisiennes et les piliers du gouvernement que dans les banlieues et les quartiers. » De là à déceler dans cette fraternité à paillettes des effets contre productifs, le pas est mince.

 

Vendredi 7 septembre, 23h17

Toute la faconde généreuse du Sud-Ouest des commentaires n’a pas permis d’inverser la brouillonne entrée en terrain de l’équipe française au Mondial de rugby. Sans même connaître la subtilité des règles, on pouvait se navrer des passes ratées, des coups de pied hasardeux, des pénalités non transformées. Le consultant de TF1 voulait malgré tout croire à une Argentine poussive et sur le point de s’écrouler : elle tînt bon.

Une élimination de la France avant les quarts de finale sonnerait le glas d’un Etat de grâce qui se voyait déjà sur les rails de 1998. La petite musique triomphaliste colportée par les médias nous accordait déjà la coupe, réglés les quelque sept matches-formalité programmés.

Terrible désillusion qui attend les soutiens de l’équipe et détournement des téléspectateurs des écrans, voire des spectateurs des stades : scénario économique catastrophe. A moins que ce premier échec serve de goupillon salutaire.

Nouveau message laissé à Bonny : pas de rappel. Il semble que ce lien se soit dégonflé comme baudruche inutile. De mon côté, hormis Elo et, sporadiquement, Aline, aucun lien amical n’a survécu. Sans doute ne dois-je pas inspirer l’attrait nécessaire. Je ressens cela de tellement loin que je ne m’acharne en rien à les faire renaître. Profond désintérêt pour ces amitiés avortées.

 

Lundi 10 septembre

Les années 2002, 2003 et bientôt 2004 de mon Journal à taire, mis en ligne sur les sites blogspot.com, laissent explicitement transparaître ma rupture profonde avec l’univers de Heïm, et ce malgré l’amputation, dans cette partie accessible à tous, des passages les plus virulents réservés au Blog Heïm le maudit à l’accès restreint.

Sans doute pour cela que, pour la première fois depuis longtemps, aucune manifestation n’est venue du château d’Au, pour mon plus sain plaisir.

Se recentrer sur les contacts bénéfiques et évacuer tout le reste : des rogatons de cet univers moribond aux accointances s’érigeant amitié.

Sans doute la dernière semaine allégée avant les rentrées successives à Cqfd, je goûte les francs rayons d’un septembre estival.

Cette écriture se poursuit, certes, et cette année de généreuse façon ce qui révèle d’autres sources d’inspiration, mais quel intérêt fondamental de savoir si je serai lu ou pas outre-tombe (et déjà de mon vivant !) ? Aucun, en fait, si ce n’est la dérisoire satisfaction de se croire utile pour le ressenti et la réflexion de tiers… Parfaite déviance de l’infatuation. Se limiter au contentement de l’acte d’écrire comme tel, sans s’attacher à la réception.

Jean-François Bizot décédé : le fureteur de la contre-culture dont je lisais (en cachette) certains sulfureux numéros de sa revue Actuel achetés par mon père, reste comme une saillance de l’anti-conformisme de gauche, comme Le Crapouillot de Galtier Boissière pouvait l’être à droite.

Quel tournis donnera les décès en séries de personnalités plus longuement fréquentées par médias interposés. Le sens plus aigu de sa finitude de laquelle subsistera de bien fugaces traces.

 

Jeudi 13 septembre

Mickaël Moore touche encore du doigt l’une des tares de la société américaine : l’incurie du système de santé. Quitte à pousser la mauvaise foi jusqu’à faire dépeindre l’organisation française par quelques-uns de ses compatriotes installés chez nous et qui y voient l’idéal en tous points.

 

Dimanche 16 septembre, 23h

Week-end radieux, comme les mois estivaux auraient dû nous en offrir : l’idéal pour vagabonder à pied ou à vélo’v dans les rues de la Presqu’île à la découverte du patrimoine lyonnais. Sur deux jours, j’ai pu enchaîner la visite du palais de justice, du théâtre des Célestins, de l’Hôtel de Ville, de divers établissements religieux, de l’Hôtel Dieu… Du bonheur pour les yeux et de la saine fatigue pour les gambettes.

 

Vendredi 21 septembre, 23h10

Je l’avoue, l’épopée rugbystique française ne me laisse pas de marbre. Sans doute devrais-je me plonger dans la littérature d’Antoine Blondin pour mieux cerner ce ressenti instinctif, mais je préfère me dispenser de toute influence.

A côté des basiques règles du football, ce sport collectif mêle d’innombrables principes à respecter qui en font une discipline de la tête, tout autant que des muscles.

Le XV français monte en puissance talentueuse, se débarrassant ce soir des Irlandais, pour tenter une nouvelle euphorie collective avant les dix ans de celle liée au Mondial de football.

Il fallait une figure charismatique et communicante, comme pouvait l’être le maestro Zidane : c’est le guerrier chevelu, le Samson déterminé Chabal qui détermine l’attraction. Le colosse au physique mythologique pourrait incarner la « nouvelle Renaissance » que l’Elysée appelle de ses vœux : indomptable, engagé sur tous les fronts, la mine hirsute.

 

Lundi 24 septembre

Quelques rayons d’or pour chauffer l’épiderme. Le portrait de Mariani en lecture, le trublion de la majorité, et d’un coup deux jeunes femmes élégantes prennent place à mes côtés, mon banc étant le seul alentour à s’exposer sans ombre. La brune sculpturale feuillette le dernier album de Yann Arthus-Bertrand pour un voyage planétaire en 365 jours. Couleurs et formes enchanteresses se succèdent entre beautés naturelles et civilisations humaines. Les commentaires se concentrent sur le désir de voyages. Instant de quiétude à savourer. La couverture refermée, le ciel s’assombrit : fin d’une divine parenthèse.

L’onde me retient d’intégrer le dialogue pour en découvrir davantage. Congrès des notaires de France : voilà d’où elles viennent. Beaucoup moins féerique qu’imaginé…

La politique prend son rythme des réformes et la tension syndicale s’accroît. Légitimité démocratique – je fais ce sur quoi je me suis engagé – contre légalité sociale : le pouvoir en place tiendra-t-il enfin le cap ?

 

Lundi 1er octobre

Mon an trente-huit se profile dans une sérénité assumée.

Pas le cas de mon père, eu la semaine dernière au téléphone, pour qui le calvaire professionnel continue, avec les problèmes financiers concomitants. A bientôt cinquante-neuf ans, il a même reçu une lettre d’avertissement par son supérieur hiérarchique. Sa carrière, mouvementée, par le nombre d’entreprises et de postes occupés, a souvent subi des tensions relationnelles avec tel ou tel pour des divergences de vue dans la conduite du travail, des incompatibilités d’humeur ou le refus d’adopter tel comportement jugé indigne (comme chez Charles Jourdan où, jeune directeur de magasin, il refusera de pousser à bout les vendeuses, jugées trop vieilles par la direction générale, pour les remplacer par de la chair fraîche). Sa course au chiffre d’affaires à faire progresser associée à un pesant climat interne pourrait être dangereux pour sa santé… Je l’ai invité à m’appeler lorsque le moral flanche. Heureusement qu’Anna et les deux garçons (Alex atteint les 1m77) sont là pour l’entourer.

Mon ambiance professionnelle est, elle, au beau fixe, et la modestie de mes ambitions me laisse le temps d’une vie paisible, créative et régénérante.

Passés par notre directrice, les trois numéros de Libération (du 13 au 15 septembre) qui se sont fait l’écho des forums Vive la politique ! Des duels cérébraux mettant aux prises les acteurs de la vie politique, sociale, économique et culturelle sur des sujets variés : du lien entre le travail et l’université à la question polémique sur la suppression des partis en passant par le philosophique « a-t-on le droit de tout dire ? » De courts textes de synthèse qui vont faire la joie de nos aspirants lieutenant sapeurs-pompiers qui débutent aujourd’hui.

Pour moi, une après-midi de lecture au parc Tête d’Or pour goûter quelques rayons de ce décidément radieux début d’automne.

 

Lundi 15 octobre, 23h40

Une presse française qui se fait l’écho du décès, samedi dernier, du dernier mercenaire Bob Denard rongé par l’Alzheimer. L’occasion de plonger dans les peu reluisants arcanes de la politique étrangère française version déstabilisation clandestine, coups de force non revendiqués… une raison d’Etat virginale pour l’Hexagone, ma foi !

 

Mardi 16 octobre

De plus en plus de voix qui défendent la légitimité des tests ADN dans la politique d’immigration face à ce déchaînement irrationnel qui s’hypnotise, bien volontairement, sur l’horreur biologique à senteur nazifiante de cet amendement. Je retrouve mes arguments chez les quelques députés UMP se risquant à défendre médiatiquement le projet, mais rien n’y fait. Impression de revivre la même couche de sourde mauvaise foi. Il faut être forcément et farouchement contre, faute de quoi la pancarte infâme est clouée sur votre front.

Alors que ce dispositif trouve sa raison d’être dans la lutte contre la fraude documentaire et l’aide des familles d’immigrés de bonne foi, mais victimes du néant administratif de leur pays d’origine, les braillards post-Pote Système (la main sacrée régnait sur la scène des anti-ADN) transmutent l’intention en crime de discrimination à effluves racistes. L’étroitesse intégriste des Lévy, Vals et autre Adjani confine à la censure de toute argumentation qui contrevient à leur idéologie. Pas mieux que les islamistes, finalement.

Le trépas de Bob Denard a dû faire remonter quelque chagrin chez Heïm qui s’était lié d’amitié avec lui à son retour en France métropolitaine.

Nous voilà nous insurgeant contre cette pratique clandestine de notre politique étrangère, en Afrique pour le cas d’espèce, tout comme on redécouvre, l’air effarouché, la présence de caisses noires dans les fédérations professionnelles ! Quelle naïveté… jouée, simulée ?

L’univers à la Bisounours persiste chez des commentateurs choqués par ces pratiques aussi anciennes que l’activité humaine à visée influente.

Le folklore des grèves publiques va reprendre sa place médiatique dès demain pour réclamer, sans aucune honte ni conscience de l’obscénité de leur motif de grève – le maintien d’un statut de retraite privilégié. Espérons que, enfin ! le cap gouvernemental soit maintenu et ne cède pas aux desideratas du pavé.

Chacun veut des réformes, de la rupture, du changement, sauf si cela contrarie sa petite existence, son minable confort… Que les politiques gouvernent, enfin ! sans se laisser empuantir l’esprit par les chauffeurs d’asphalte à l’idéologie ringarde.

 

Jeudi 18 octobre, 23h15

Fin de journée estampillée Braillards à régime spécial. L’exécutif ne s’écarte pas de sa volonté réformatrice au nom du respect d’un programme martelé avant les élections. La légitimité des grévistes ne pèsera donc pas lourd face aux objectifs retenus par les urnes.

Les semaines pro vont notablement se charger jusqu’à la mi-décembre avec six nouvelles formations financées par la région qui vont s’amorcer. Demain midi, déjeuner avec l’équipe permanente des formateurs et le premier des responsables de la formation pour de joyeux instants partagés. L’entente cordiale se confirme.

 

Mercredi 24 octobre

Etape symbolique que j’ai omis de signaler à ma date anniversaire, le 6 octobre dernier : la dernière échéance du prêt consenti à la SCI du château d’Au pour lequel je restais caution solidaire, et ce malgré mon retrait total de cette société civile immobilière. Les 73 175,53 euros prêtés en 1992 ont été remboursés. Cette extinction de dette m’éloigne un peu plus de cet univers dont je n’ai, d’ailleurs, plus de nouvelles depuis quelques mois. Pour enfoncer le coin entre les gens du Nord et mon ancrage lyonnais, je vais interrompre mon contrat avec orange pour mon portable (numéro que je possède depuis le début de ma mise à ce moyen de communication – en 1997 ou 98) et bientôt de même avec la ligne fixe. Evidemment, aucune information de mes nouveaux numéros à Heïm et à sa réduite clique rapprochée. Bon vent à tout cela !

Curieux comme, en quelques années, mon indifférence allergique à cet univers s’est substitué à l’enclin le plus passionné. La sape renouvelée de Heïm a finalement permis ce rejet glacial. Je jauge cette période comme formatrice mais sans regretter une once de ce vécu mis à distance.

Sans doute que les années écoulées me feront revenir, réfléchir plus panoramiquement sur cette tranche d’existence. En attendant cette supposée sagesse réflexive, je poursuis ma purge existentielle.

L’actualité fait se bousculer de multiples thèmes nationaux et mondiaux. Le Sarkozy martèle ses antiennes en forme de méthode Coué ; la Californie se consume sous les brandons incandescents ; l’environnement fait son Grenelle loin de la rue ainsi baptisée (on devrait parler du Saint-Germain de l’environnement pour PPDA) pour tenter une révolution écologique ; les faits divers truffent et comblent les carences de l’information, etc.

 

Dimanche 28 octobre

Belle journée automnale au parc Tête d’Or surchargé de familles goûtant aux jeux dominicaux sous l’astre déclinant. Avec mon b’twin Seven, le mp3 Sony et ses quatre mille six cents mélodies, mon univers se trouve peu dérangé par le flux humain. Je laisse à peine quelques scènes joyeuses, quelques regards curieux parasiter ce centrage sans but.

 

Jeudi 1er novembre

Les aurores pour ma BB et moi afin de ne pas rater le TGV de 7h30 direction Big Lutèce. Une paye qu’on avait rejoint la capitale. Occasion de ce viaduc professionnel (en pause depuis dimanche soir pour ma BB, mardi soir pour moi) pour visiter les familles. Première halte à Rambouillet pour découvrir le nouveau nid de Jim et Aurélia, bien plus spacieux que leur placard du XVIe parisien. Déjeuner partagé avant de rejoindre, tous les quatre, Saint-Crépin chez Maman et Jean.

Des suites d’aménagement, après réfection, du premier étage avec, sans doute, au moins une chambre prête à usage. Dès le samedi midi, nous retrouverons Rueil Malmaison, pôpa et sa petite famille bien peu vus cette année. De rares plaisirs affectifs à densifier sans retenue.

La nature automnale défile en ce matin bleu, quelques gelées blanches émergeant au gré du frimas en volutes prégnantes.

Qu’elle est belle cette France effleurée à grande vitesse : les pastels d’une nature en voie d’hibernation s’écoulent au fil des courbes agrestes ; les logis truffent, sans jurer, les vallons et mamelons mis en branle par notre fuite vers le Nord. Trompeuse immuabilité de ce fragile enchantement du hasard et de la vitalité dardé par les rayons de l’astre ascendant. La vie ennoblit terres et roches ; l’esprit vagabonde, aspirant à une harmonie utopique.

L’humanité déçoit par son contingent de malfaisants. Aucune catégorie, section, parcelle de l’espèce désignée dans cette cohorte hétéroclite : de la petite frappe profiteuse, centrée sur la satisfaction immédiate de ses ineptes besoins, surtout au détriment du bien commun, jusqu’au notable se torchant avec le contrat social pour combler ses intérêts. Chacun, dans sa sphère méprisante de l’autre, désespère un peu plus du système collectif salopé. Se contenter d’observer illusionne sur sa propre capacité à échapper à la bourbe ambiante.

Revenir aux beautés sans conscience d’une nature offerte. La tension vocale d’Alanis Morissette, l’émotion croissante de That Particular Time bouleverse mes ronchonnements, plongé dans cette nappe brumeuse qui occulte les merveilles d’un espace débarrassé des fatuités sonores, des salauderies braillées, des inepties débitées pour se rassurer de sa présence à l’autre.

Poussée misanthropique, comme un gênant urticaire à dissimuler… je ne veux pourtant pas l’ignorer. Elle rythme, depuis petiot, mon rapport à ce monde. Des plongées dans son histoire à l’imprégnation quotidienne de l’actualité, je ne parviens pas à rester enthousiaste.

Si l’extrême majorité, à laquelle je m’agrège, ne fait que vivoter en s’accordant quelques excroissances jouissives, la part malfaisante dévoie les règles collectives du bien vivre pour enfler leur ego et satisfaire leurs folies ordinaires.

Revenir aux étendues esthétiques pour reposer un peu ses tourments et espérer que l’aventure humaine ne s’achève pas dans un chaos nihiliste…

 

Dimanche 18 novembre, 0h10

Routine d’une certaine densité professionnelle ne me laissant plus trop le loisir du vagabondage scriptural. Facile justification qui occulte certainement un évident tarissement intérieur. Témoignage sans constance, soumis aux poussées urticantes, mais sans profondeur mesurée.

Cette fois, l’éloignement d’avec Heïm, Sally et autres semble accompli et irréversible. Je ne serais pas étonné de ne recevoir de nouvelles qu’à l’occasion du décès de Heïm, que Karl m’annoncera d’une voix grave, presque recueillie. Je n’éprouverai alors ni peine, ni satisfaction, juste la sensation d’un terme à un chapitre majeur de mon existence. Peut-être la tentative de renouer les liens avec Alice, que je n’aurais jamais dû rejeter de la sorte. Seule figure, avec Karl, que je regrette d’avoir perdue.

Au sortir de ces quelques lignes : sensation d’une si extrême froideur, d’un tel détachement, que j’en viens à soupçonner chez moi, malgré moi, une posture sans grande assise jusqu’au boutiste. Et pourtant… cette indifférence à Heïm et son univers se confirme plus ancrée en moi les années passant même si, pour nourrir les introspections du diariste, je reviens sporadiquement dans ces pages sur ce thème et son actant principal. Se comprendre et jauger sa trajectoire ne se conçoit qu’en se colletant à toute son existence, et notamment aux pans dont on se distingue au jour de la démarche.

Alors pas de faux-semblant : l’extrême modestie d’existence s’est substituée aux avantageuses projections qu’inspirait le château. Et pourtant… aucune nostalgie de cette frénésie.

22h20. Vu  ce jour Elo, avec ma BB, pour raclette partagée chez nous suivie d’une toile aux 8 Nefs sur un écran de poche. Va bien l’Elo, avec ses vingt-six ans, son mordant, son Julio qu’elle pense retrouver définitivement l’été prochain à Tignes. Attachant de la voir évoluer au fil des années. Un des très rares contacts lyonnais qui perdurent. Les Bonny et Eddy, pourtant relancés, n’ont rien concrétisés, les Jean-Luc et Barbara n’ont pas renouvelé (à notre tort, nous aurions dû les inviter chez nous), l’Aude (plus sûr du prénom) a simplement disparu, les Aline et Pedro se font rares…  Le tissu relationnel commun se réduit donc à peu de choses. Mieux comme ça, n’ayant qu’un week-end sur deux à partager.

Demain les grévistes minoritaires poursuivent leur combat d’arrière-garde. SNCF, RATP et EDF s’alourdissent de ces employés à vie mécontents qu’on aligne leur régime de retraite sur le droit commun. Cirque de ces pseudo mobilisations qui se font le plus souvent sur l’intimidation perlée et l’art du grégaire. Le vote à bulletin secret dans les assemblées générales modifierait notablement le poids humain, et donc politique, de ce mouvement social.

Le parallèle avec les agitations au sein des universités s’impose : là encore une minorité idéologisée impose ses blocages, ses gueulantes contre une réforme dont la plupart n’ont qu’une caricature au mieux, une traduction mensongère au pire comme catalyseur de grognes.

Un projet ministériel pour l’université de plus à la vindicte estudiantine. A désespérer de faire se redresser ce secteur sinistré et ô combien en concurrence, à son insondable désavantage, avec les grandes écoles qui, elles, ne tournent pas du nez devant l’argent privé.

Les gauchistes nostalgiques du Tout-Etat à la soviétique sont bien là, bruyamment là pour veiller à ce que nos universités n’entament pas l’ombre d’un pas vers une autonomie. Pour ces gesticulateurs, ce processus conduit rien moins qu’à la privatisation ! Le sale argent privé deviendrait donc seul maître à bord rendant inexorable une sélection infâme, laquelle, évidemment, n’existe en aucun cas aujourd’hui entre les facs délabrées et les grandes écoles magnifiées. Laissons les croire aux merveilles de cet argent public comme seule source de financement. Quel résultat splendide obtenu. Ces étudiants du tout-va-bien empêchent la majorité d’obtenir les réformes nécessaires.

 

Lundi 19 novembre, 22h30

Au menu social de demain : grève, encore et toujours ! Le Besancenot, de passage dans l’émission radio-télévisée Le franc-parler, a débité ses antiennes révolutionnaires pour défendre les terreurs minoritaires qui poursuivent la grève. L’extrême gauchiste voudrait délaisser ses poussiéreux oripeaux trotskistes matinées de Krivine soixante-huitard pour un nouveau mouvemant anti-capitaliste, et sans réaliste mise en application.

Demain matin, les deux groupes de financement région que j’abhorre pour quelques éléments malfaisants.

 

Jeudi 22 novembre

Répartition de l’info dans le groupe TF1 : à Poivre d’Arvor le franco-français radoté. Entre les derniers soubresauts de la grève des cheminots et les gueulantes des frileux lycéens qu’horrifie la présence d’argent privé dans l’université, le prisme de ces sujets dérisoires rend plus prégnante la nécessité de s’ouvrir à l’actualité internationale.

A Vincent Hervouët, pour notre plus grand bonheur, le journal du monde qui nous rappelle que lorsque l’hexagone subit le folklore de quelques intégristes syndicalistes, des coins du globe connaissent un vrai chaos. Tout cela rend pour le moins risibles, ou obscènes, les revendications des fonctionnaires et des pré-vieux étudiants chevillés sur le sacro-saint Etat qu’ils sont si prompts à vilipender par ailleurs : un défouloir commode, en somme.

Petit actu française nouvelle : le président en retraite Jacques Chirac vient d’être mis en examen pour détournement de fonds publics. Quinze ans après l’ouverture de dossiers l’impliquant, l’ex grand manitou de la mairie de Paris et du RPR connaît un premier avant-goût judiciaire qui a conduit à la condamnation du « meilleur d’entre eux », pour reprendre l’expression de Chirac, le désormais exclusivement Bordelais Juppé… Alors, en toute logique judiciaire, son supérieur hiérarchique devrait écoper d’au moins la même peine.

 

Dimanche 25 novembre, 0h05

Une nuit de plus sans ma BB en labeur nocturne.

Soirée sans intérêt pour moi, sauf la découverte d’un documentaire consacré à l’acteur Pierre Richard, panégyrique affectueux. Depardieu, Lanoux, Birkin, Darc, Guibet, Barrault, quelques réalisateurs (Lautner, Véber…) et l’immense compositeur Vladimir Cosma ne tarissent pas d’éloges à son endroit.

Le dégingandé filiforme du Grand Blond tient aujourd’hui du bedonnant rêveur. Tellement porté sur les comiques dans l’art cinématographique, il fait partie des plus distrayants dont je ne me lasse pas de revoir les films. A total rebours d’un de Funès, réserve faite de leur énergie commune, le grand bouclé m’a permis quelques régénératrices parenthèses lorsque le sombre entourait toutes mes actions. Merci à ces artistes du comique que les culs pincés de la toile snobent si grossièrement.

 

Mercredi 12 décembre

La présidence Sarkozy endure son premier vrai échec : c’est dans la mécanique, aux accents si convenus, de la diplomatie que le fiasco s’affirme. Avoir opté pour la réception fastueuse et sur cinq jours, de l’autocrate illuminé Kadhafi autoproclamé défenseur des tyrannisés d’Afrique par les méchants Européens, constitue l’erreur majeure. Le bougre à la trogne bouffie, détestable dans chacun de ses traits, jubile d’ainsi malmener la politique étrangère française : Sarkozy s’acharne à la realpolitik version VRP qui gonfle son carnet de commandes, Rama Yade fustige sans précaution l’infâme colonel libyen, Kouchner mâchonne son chapeau avant de l’avaler sous les lazzis du parti socialiste, députés, ministres et secrétaires d’Etat d’obédience UMP se désolidarisent du choix présidentiel.

 

Vendredi 14 décembre, 0h01

Alors que ma contracture musculaire au mollet droit, survenue dimanche soir, se résorbe correctement, je sens poindre toux et éternuements de mauvais augure.

Encore une semaine de labeur alimentaire avant quinze jours de festoiements qui, je l’espère, favoriseront quelques approfondisse­ments diaristes.

Tournis de ces semaines jugées surchargées, car sans grand intérêt personnel. Les groupes croisés, notamment ceux issus des financements par la région, attirant quelques caricatures de cité, ne m’inspirent aucun penchant philanthrope.

 

Samedi 22 décembre

L’après besogne m’ouvre une France à la nature prise par la glace. Les doigts encore engourdis d’une attente prolongée sur le quai, je parviens avec la peine d’un vieillard tremblant à tracer mes lettres liées.

Les habituelles festivités, repas et pots d’avant Noël se sont étoffés d’une invitation de trois collègues appréciés, l’apaisant LD, la lumineuse CM et le complice HG, à boire un verre dans notre nid décoré. Moment sans temps mort où je leur ai fait découvrir quelques facettes de mon aventure éditoriale et littéraire alors que HG jouait au piano et chantait quelques compositions personnelles.

 

Jeudi 27 décembre

Tout de même, les intentions de remuer un peu l’hexagone demeurent louables, mais la traduction comportementale ne s’affranchit pas, elle, d’un égocentrisme exacerbé qui énerve.

Pas inspiré pour prolonger ce qui constituera mon prochain article-blog, vraie première indignation contre la pratique du pouvoir présidentiel par Sarkozy.

Il fallait attendre : après six mois d’exercice, les contours n’ont rien de prometteurs pour les quatre ans et demi minimum à tirer, sauf imprévu majeur (assassinat, démission…). Je ne renie pas pour autant mon vote, me réjouissant d’avoir évité au pays l’amateurisme caractériel d’une Royal revancharde.

Nous voilà, ma BB et moi, au Cellier pour une troisième mouture d’un Noël prolongé pour cause d’étapes familiales.

Toujours aux anges chez maman et Jean, moins confortables chez mon père, mais une escapade parisienne agréable en sa compagnie pour enchaîner l’exposition sur un peintre du XVIe siècle, les illuminations des Printemps et Galeries Lafayette et, en point d’orgue final, la remontée des féeriques Champs Elysées avec l’alignement des arbres luminescents. En sus des loupiotes habituelles (mais à basse consommation, cette année), ils sont dotés de tubes parcourus par une lumière liquide. Très réussi. Extrême privilège de pouvoir s’émerveiller de ces lieux préservés des chambards barbares du monde.

Avec les parents de ma BB, sa sœur Louise bien affinée et sa ‘tite nièce Ilya, et en attendant l’arrivée demain d’Emma et François, la convivialité devrait se poursuivre de la meilleure des façons. Seul Richard, le compagnon de Louise, manquera à l’appel pour cause d’obligations professionnelles.

Comme toujours, les semaines de repos filent trop vite. Cela en confirme la texture agréable, à la dimension existentielle recherchée.

Mon père m’a demandé si j’avais des nouvelles de Sally, de Heïm : rien, nib, et cela ne m’affecte en rien. Le temps passant m’éloigne de ces univers eux-mêmes en divergence. Curieuse constitution que la mienne qui ne recherche aucun suivi de contact, qui n’a que très peu d’amis qui se manifestent régulièrement (dans la situation présente, seule Elo s’acharne à maintenir le lien, et je lui en suis gré). Cela relève, sinon, d’accointances sur la toile.

Pour en revenir à ce détachement assumé d’une part majeure de mon existence, l’explication est à chercher dans une période d’incubation qui se poursuit : une telle indifférence (même si l’intérêt introspectif subsiste à travers ces pages) acquise sans poussée dépressive, comme un regret de ce magistral gâchis, semble devoir s’ancrer dans la durée d’une sédimentation homéopathique. Qu’une telle personnalité comme Heïm, dont je sais pertinemment que les années de fréquentation sont comptées, n’attise plus aucun enclin de retrouvailles, cela suppose une sécheresse d’âme qui s’amplifie chez moi et/ou un complet épuisement de la relation humaine qui existait entre nous. Un cumul des deux facteurs expliquerait mon peu de propension à entretenir les liens lyonnais.

 

Vendredi 28 décembre

11h. En cette période d’abstinence télévisuelle et radiophonique, c’est par la presse régionale, en trempant un muffin miellé dans mon thé au lait, que j’apprends l’assassinat de Bénazir Bhutto. Digne fille de son père, elle est fauchée en pleine reconquête du pouvoir. Quelques mois après une tentative épargnant l’autoproclamée nettoyeuse d’islamistes, mais déchiquetant près de cent quarante personnes, la seconde attaque kamikaze a eu raison de la charismatique dirigeante du PPP. En guise de signature morbide, la tête de l’human bomb s’est offert un vol plané de soixante-dix mètres.

Le Pakistan ne va, sans doute, encore pas connaître d’élections en janvier prochain : Moubaraf tentera, par la poigne étatique, d’éviter la guerre civile et les coups de boutoir intégristes. Dans cette infâme mixture d’arrivistes sanguinaires, rien de net : entre les détenteurs du pouvoir exaspérés par l’appétit politique de la feue Bhutto et les opposants islamistes (pourtant en obscure coalition avec la majorité parlementaire) en haine meurtrière contre l’insoumise, le prisme des prétendants à l’occire laisse possible nombre d’hypothèses.

Jim a eu l’inspiration originale de m’offrir l’essai d’un auteur dont je ne partage pas le bord politique : Ce grand cadavre à la renverse de Bernard-Henri Lévy. Depuis lors, aucune envie de poursuivre deux des bouquins en cours emportés pour les fêtes : L’abolition de Badinter et La décennie de Cusset. Irrésistible penchant à colleter mes arguments à ceux du philosophe politique.

Un gros tiers lu plus tard, un bilan plutôt positif : bien plus de points de convergence que je ne l’escomptais.

Une capacité sans conteste à jongler avec les concepts attachés à des événements historiques phares qui déterminent notre obédience idéologique selon notre façon de les considérer. Cependant, cette adresse lui fait, parfois, frôler l’ostracisme, négligeant de reconnaître des réflexes similaires au camp de droite. Ainsi, son incapacité à « faire la différence entre un despote brun (nazi), rouge (stalinien) ou vert (islamiste) » a été une obsession, pour les deux premières couleurs en tout cas, d’un Gabriel Matzneff, d’un Raymond Aron et d’un Jean-François Revel. Pas de monopole, donc, dans ce réflexe salutaire.

A noter, toutefois, que le despotisme rouge ne se limite pas au stalinisme comme l’a minutieusement démontré Le livre noir du communisme de Stéphane Courtois et de ses compétentes plumes associées.

Sans doute pour mieux explorer la profondeur de nos fautes historiques, B.-H. Lévy va jusqu’à défendre l’absolutisme de la repentance : « avoir une part de soi qui se sente obscurément, mais fondamentalement, coupable aussi de ce que l’on n’a pas fait ». A ce titre, personne ne peut se relever de sa croix.

La philosophie de Levinas, décryptée par Lévy, et notamment sa distinction de l’homme moral et immoral, trouve de terribles échos dans le comportement des saprophytes d’un système généreux. Tout comme la plupart ne s’estime pas responsable de ce qu’il n’a pas directement commis, une bonne part abuse de droits sociaux (exemple de la Sécurité sociale) par le seul fait qu’elle y contribue et peut, de ce fait, les dévoyer de leur vocation initiale.

Lors de son panorama des indignations spécialisées, et donc malhonnêtes, il s’en prend avec justesse à ce que j’avais qualifié « d’idéologie de l’autruche » : « cette caricature d’internationalisme qu’est, désormais, l’altermondialisme ; et, derrière la caricature, dans son sillage en quelque sorte, la haine du libéralisme, le refus plus ou moins déguisé de l’Europe, et toutes les crispations identitaires, nationalistes, qui vont avec. » Dans ce domaine, plus de clivage droite-gauche qui tienne.

D’autres sujets maintiennent d’aplomb les divergences de ressenti et de traitement. Ainsi des émeutes urbaines auxquelles il s’acharne à déceler du sens et des circonstances atténuantes pour les agités « encapuchonnés comme des membres du ku klux klan ». Sans l’ombre d’un doute, la dérive barbare est « consubstantielle à tous ces soulèvements que le regard éloigné de l’historien a fini par blanchir mais qui ont été, au départ, pleins de férocité et de fureur ». Cependant, le suivisme saccageur et potentiellement meurtrier des délinquants agités ne s’est accompagné d’aucun message pour substituer autre chose à la situation focalisatrice de leur jusqu’au boutisme.

Autre cible de gauche qu’il fait bon piquer à deux, le protosocialiste qui n’accepte toujours pas le capitalisme : « le cerveau dinosaurique du sénateur Mélenchon auquel l’information tarderait à parvenir ». Et n’oublions pas l’impardonnable rôle de fossoyeur de l’UE tenu par cet arrière-gardiste de la gauche française.

Il en subsiste encore pour croire à une famille politique s’épanouissant (s’écartelant, plutôt) de Strauss-Kahn à Besancenot : on a d’ailleurs pu apprécier la splendide unité à l’occasion du débat autour du feu traité constitutionnel.

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