2005 – S'Unir à l'Essentiel
Un 31 au soir en dualité amicale avec Joëlle :
discussions diverses, partie d’échec avec Cognac et cigares, tchat improvisé…
Hier, en fin de matinée, entrevue dans un pub
proche de La Part Dieu de Bruce et Michelle, sa petite amie américaine qui est
venue pour quinze jours en France. Ils doivent rejoindre Marseille et ont fait
une halte à Lyon pour passer la nuit de la Saint-Sylvestre. Le collatéral a
fait passer le message de sa présence furtive dans la capitale des Gaules par papa,
pour que je puisse éventuellement le voir.
23h15. Un nouveau tour de piste professionnel dès
demain, sous des auspices privilégiés. Au loin, des millions de gens ont été
figés dans le désespoir par la Camarde nature. Je n’avais pas vu les images
animées du chaos au moment du tsunami : ce soir le JT de TF1 a fait un
résumé de ces vues stupéfiantes. La solidarité internationale semble prendre
forme, l’émotion être sincère chez les journalistes sur place.
Pour les SPP, je ne pouvais faire autrement que de
leur concevoir un devoir basé sur un article portant sur cette poignante
actualité. La facette choisie : la contribution de la France dans l’aide
internationale et le rôle de la Sécurité civile, notamment.
Maman et Jean nous adressent leurs vœux par courriel,
et par-dessus tout « un beau bébé pour 2005 ». Nous verrons bien si
ce bouleversement personnel interviendra cette année.
Dimanche 9 janvier, près de 3h
De
retour du Red Lions avec ma BB : Bonny et Eddy nous ont d’abord rendu
visite dans notre nid, avant de nous précéder au pub dansant. Ce lieu accueille
quelques donzelles allumées du fondement. Ce soir, une grande brunette aux
déhanchements lascifs et à la peau moite alpaguait à distance pour mieux se
faire désirer sur la piste ; une noire charnelle et sculpturale, à la mini-jupe
sans ambiguïté et au compagnon peut-être payeur, faisait jouer ses formes près
du bar. Deux silhouettes à trombiner pour l’hygiène et à fuir vite sitôt
le plastique pollué. Belle ambiance cependant, malgré un son trop fort et une
aération douteuse, mais très performante pour le tabagisme passif.
Jeudi 20 janvier
Bush
prête serment aujourd’hui. Ce soir, dans C dans l’air, défilent les
questions SMS de téléspectateurs qui révèlent l’anti-américanisme primaire
d’une bonne partie de cet hexagone branlant et donneur de leçons. A N’ayons
pas peur des mots sur ITV, Mélenchon nous gratine de sa bave critique qu’on
ne retrouve pas pour stigmatiser les tyrans réels. Chez ces journalistes et
politiques, une part de simplisme qui conforte les positionnements ambigus à
l’égard des intégristes. L’antienne des fonctionnaires, voilà un vrai terrain
que l’on peut évacuer tant apparaissent irréalistes et dérisoires leurs
revendications. Un manque de courage politique ne permet pas de rationaliser
les fonctions publiques.
Dimanche 30 janvier, 19h30
Retour
vers ma BB après un très gentil week-end à Paris, chez Sally, rue de
l’Université. Avant cela, entrevue avec Bella, accointance parisienne non vue
depuis six ou sept ans. Face à sa détresse existentielle, je n’ai pu m’empêcher
de lui promettre me porter garant si elle trouvait un studio pour s’extraire de
son enfer actuel. J’espère ne pas m’aberrer dans cette démarche. J’en parlerai
à BB pour avoir son avis et me ferai transmettre avant tous les documents pour
prendre la mesure de cet engagement.
Ai
rencontré, à l’occasion de ce séjour, Sarah, la compagne de Karl :
agréable jeune femme au caractère bien affirmé et curieuse de tout. Si nous
pouvions organiser quelques séjours partagés en quatuor, cela pourrait donner
de bons moments vécus.
Au
théâtre Saint-Georges, vu Les Rustres de Goldoni avec, comme grogneur en
chef, le truculent Galabru. Parmi les comédiens présents, sa jolie fille et son
fils à la bonne bouille. Très touché de voir ce comique des années de Funès. Au
début du programme, le petit texte d’hommage écrit par ce dernier peu de temps
avant sa mort pour son compagnon d’écran. La farce bruyante n’a pas séduit
Sally, Karl et Sarah, alors que mon goût pour les tonalités gouailleuses a été
comblé. En outre, nous avons eu droit à quelques improvisations savoureuses
face à un public participatif.
Dès
demain, course pédagogique en perspective.
Dimanche 6 février, 23h30
A
toute allure, les semaines. Ma BB m’est revenue après un week-end au Cellier,
pour l’anniversaire de son papa. Annonce du mariage François et Emma les 18 et
19 juin prochain.
Ce
soir, Sarkozy chez Fogiel : beaucoup de sueur perlante, un public
acquis à sa cause et une rhétorique bien huilée. Parviendra-t-il à échapper aux
coups meurtriers de ses ennemis de l’intérieur, les chiraquiens purs et durs de
l’UMP ? A cinquante ans, il ne pourrait se permettre un second purgatoire
pour cause de trahison proclamée sur son compte. L’ambition déborde, en tout
cas, du moindre de ses gestes… quel univers étranger à ma conception de
l’action. Sans doute la volonté acharnée finit-elle par payer…
Premier
engagement juridique de complaisance accepté depuis mes aventures éditoriales
dans le Nord : je suis le trésorier d’une association à vocation
artistique montée par Eddy, notamment pour produire le projet de spectacle dans
lequel Bonny jouera…
Vendredi 12 février
Sur
des terres familières en phase nocturne, un lion rouge aux accents
anglo-saxons, pour faire le point d’une vie au rythme pépère… Point de drame
personnel en symbiose avec les à-coups des humanités à hurler pour occulter les
plaintes. Avec ma BB, mes années de purgatoire parisien ont sombré dans
l’altérité exotique à ne jamais approcher. Reste ces empilements sans cohérence
des traces d’une singularité d’existence au côté de Heïm, passées par pertes
affectives. L’accroissement de mon détachement de cette période atténue sans
doute mes capacités scripturales, mais que préférer lorsque toute ambition
éditoriale s’est évanouie ? Le griffonnage inspiré par ses tourments ou la
sérénité teintée d’un peu d’abandon… La seule contrée à fouiller, que je n’ose
aborder, a quelques senteurs fictionnelles. Concevoir ses élans en ordonnant
ses dérives attiserait peut-être la plume, avant de se répandre dans la
barbante satisfaction. De l’art de se perdre dans un nihilisme involontaire. Se
laisser bercer sans y croire vraiment, par les quelques effusions qui nous
galvanisent.
Rien
de plus dérouillant que l’instinctif déhanchement sur une mélodie inspirante.
L’agilité de l’ondulation d’une demoiselle réconcilie avec la beauté du monde.
Grincheux une minute, euphorique la suivante avant d’essayer le désabusement
sans concession. Les micro-convivialités s’improvisent et je me conforte dans
mon penchant favori : témoin contempteur.
Nouveau
retour et un sujet de rogne : la couenne du lourdaud de service qui
décuple ses crasses avec l’alcool ingurgité. Ma vision simplificatrice se
satisfait-elle d’archétypes pour consoler ses propres incapacités ? Dans
ce lieu aux complicités vaporeuses, je vois sur l’autre rive, via les pavés
antiques, la vieille dame aux béquilles d’outre-tombe qui semble nous rappeler,
nous les ludiques artificiels, que la déliquescence nous bringuebalera bientôt…
Un air
inspirant, mais une foultitude ingérable, à dégueuler par les panards dans une
fustigation meurtrière. Le fil du déjantage fait dériver mes foudres
autarciques. L’actu pour pourvoir mes indignations dans cette logorrhée de
pituiteux simulé.
Les
gesticulations à reculons du Fillon a drainé la partie infime des lycéens se
traînant sur l’asphalte… Comme l’a analysé Luc Ferry, la gestion politique
devient impossible dans cette soumission aux fadaises contestataires relayées
par Big Media. Ceci qu’on balance en
modèle, nous irritant du messianisme américain. Voilà bien les cul-entre-deux
de plus en plus de Français : se goberger d’une prétendue virginité
internationale, la bave perfide contre les Américains qui focaliseraient le
pire. Ne leur a-t-on pas appris l’extrême salauderie des autres nations
retenues par leur seul manque de moyens. Les a-t-on fait renifler les atrocités
des Hussein, Laden et autres intégristes du dernier soir, conversions
opportunistes avec dans leur traîne sanglante ces milliers de nervis ennemis
déclarés de notre civilisation.
Cette
défiance affichée nous replonge dans cette époque d’indécision qui nous faisait
renoncer à tout engagement tranché. La diplomatie du louvoiement, sauf auprès
de nos plus anciens alliés, se légitime, pour la plupart, au nom d’une intolérable
ingérence de l’hyperpuissance. Que notre histoire plaide pour notre
exemplarité. Combien d’observateurs finauds avaient-ils prédit le chaos absolu
rendant impossible toute tenue sérieuse d’élections en Irak ?
Participation qui dépasse de loin celle de certains de nos scrutins : le
confort engourdit les citoyens et parasite leur jugement. Pas de contrition
hexagonale face à cette réussite inespérée. Ça se gausse toujours des pratiques
outre atlantiques, ça s’envenime pour accroire à notre meilleure évolution civilisationnelle.
Et dire que l’on pourrait croire que cela nous protègerait d’attentats à la
mode irakienne ! Du leurre de préservation qui n’entravera en rien le
déferlement des sacrifiés aux tripes incandescentes… Notre molle détermination
aura alors toute la consonance du vendu aux vomissures ineptes et pétrifiées
par l’absconse stratégie. A rebours de ces collabos subliminaux des
intégrismes, il me faut me nettoyer le cortex de ces conditionnements
nationaux.
Dimanche 14 février, 19h15
Dans
notre nid rutilant, j’attends ma BB pour filer à Toussieu visiter Albert et
Rose et retrouver les parents B. Un très gentil moment assuré.
Hier
soir, au Red Lions, avec quelques
accointances féminines, j’avais eu la bonne idée d’emporter mon Manus portable :
ma bougonnerie s’est accommodée du griffonnage plus ou moins inspiré. Comme au
temps de mes escapades parisiennes le Bic au côté, j’ai pu modeler l’horizon à
mon humeur.
Les
fous et leur condition dans Riposte du chaleureux Moati. Quelle part de
nous-mêmes cultive l’insensé ? Comment cela peut-il nous submerger ?
Ai-je trop été préservé pour laisser cette facette me dominer ? A chacun
son Shock Corridor : pour moi, le monde social auquel je me suis
adapté après les désillusions sur l’univers de Heïm, aux implications minantes
si l’on ne répond plus aux critères adéquats.
Le jeu
des regards dans ces antres de l’enivrement musical peut leurrer ou conforter
dans l’idée préconçue sur une donzelle… A la vue de mon activité
scribouillarde, une jeune femme épicée d’origine maghrébine s’approche de moi
pour s’enquérir du contenu de mes écritures. Atours féminins en contraste avec
une voix disgracieuse, forcée pour surpasser les décibels ambiants, et une
imprégnation d’alcool avancée. Malgré tout, une sensibilité qu’il aurait fallu
canaliser si elle ne se laissait emporter par toutes les attractions masculines
des alentours. Un désenchantement de fond compensé par le ludique sans doute…
un peu comme moi ? A la différence que mon cœur est chaudement pris…
Samedi 19 février
Lové
dans un fauteuil au coin lecture de notre grande pièce, quelques notes
balancées du Classic Jazz de Time Life reçu ce matin, je vais rejoindre
ma gourmandise intellectuelle entamée hier, le Traité d’athéologie de
Michel Onfray. Plaisir des sens cumulés pour goûter plus densément à cette
‘tite pause professionnelle.
Les
parents B de passage, je regarde hier soir avec André les extraits des
trente-neuf et quarantième audiences du procès Papon. Plongée édifiante au cœur
de l’administration provinciale d’une France occupée. L’ex préfet de la
Gironde, avec ses 87 ans, affiche une forme intellectuelle impressionnante, au
point de s’indigner avec vigueur face aux démonstrations de maître Lévy. Le
maître mot de cette affaire, révélatrice d’un fonctionnement étatique qui a
probablement encore cours, est la COMPLEXITE. Entre les courriers échangés par
les différents services, le rapport aux autorités allemandes, l’absence
d’engagement franc et massif pour la Résistance, l’indécelable militantisme idéologique
en faveur de l’occupant (pour la plupart) et cette lourde atmosphère entourant
les engagements professionnels au sein d’une administration dépendante du bon
vouloir des vainqueurs : l’écheveau conjoncturel ne facilite pas
l’établissement des responsabilités, même pour ceux à la tête de fiefs
administratifs. Papon sait parfaitement s’en servir.
L’Espagne
ratifie ce week-end le traité constitutionnel, et notre débat hexagonal laisse
planer de plus en plus de doutes quant à l’issue de notre prochain référendum.
Je ne serai que spectateur de cette consultation, puisque j’ai fait trop tard
les démarches pour l’inscription sur les listes électorales. « Un Si
qui donne le la » pour reprendre le titre bien rythmé d’un gratuit
d’informations sur Lyon. Un point d’interrogation me semble manquer à la fin de
cette formule : l’incertitude domine.
Nous
verrons certainement dimanche midi, après le départ des B, Aline et Pedro
autour de moules-frites servies à la Halle de Lyon. Très heureux que leur
histoire s’ancre et que cela me donne l’occasion de revoir plus souvent ma
chère camarade de lycée, celle qui a certainement le mieux réussi et qui m’a le
plus révélé, par ce qu’elle est, la fatuité de certains de mes préjugés.
Shue
et John s’installent eux en Andorre… finalement, ma chère persane aura cédé à
l’exécration de la capitale par son mari. Elle va retrouver la beauté des
espaces, mais perdre la pétillance citadine : son amour pour John comblera
les manques existentiels.
Le
temps passant, les silences de celles qui étaient des amies ne me perturbent en
rien, comme si j’accordais plus d’intérêt à la dynamique de ce qui peut
s’entretenir (et se conquérir) qu’au remugle des liens distendus ou anéantis.
Lundi 21 février, 0h35
Petit
prolongement nocturne pour raison de vacances qui me laissent quelques plages
pour ces écarts.
Via
Fogiel, appris la dernière frasque langagière du lugubre Dieudonné :
depuis l’Algérie, il dénonce les commémorations ayant eu lieu en rapport avec
la Shoah comme étant de la « pornographie mémoriel ». Certes, rien
qui puisse exciter l’obsédé ou le miséreux des burnes… Sa formule m’aurait sans
doute ravi il y a encore quelques années, elle me navre et m’écœure
aujourd’hui. Bas le masque de ce prosélyte à paillettes du ben ladénisme. Sa
vie artistique a été engraissée par un public dont il ne souhaiterait,
finalement, que l’asservissement (lui, le pauvre descendant d’esclaves) à son
intégrisme antisémite. Un Djamel Debouze a d’ailleurs, dans un premier temps,
soutenu certains autres propos dans ma même veine du triste noir, avant de se
rétracter affirmant qu’il avait été piégé par le gus… ou que les intérêts de
carrière primaient… A force d’antiaméricanisme primaire, ces black-blancs-beurs
du feu pote système dérapent plus ou moins ouvertement, et consciemment,
vers les ennemis de notre civilisation. Les plus déjantés rêvent déjà d’une
France islamisée, talibanisée avec
des lieux de culte financés par nos impôts. A vomir au plus vite… Moi, je
préfèrerai toujours cent Bush impérialistes à un Ben Laden agonisant. Question
d’instinct et de logique civilisationnels.
Mercredi 23 février, 0h10
Depuis
hier, une ridicule, dérisoire, infinitésimale présence littéraire sur le net.
Baptisé Indignation, ce site personnel de huit pages présente quelques
extraits de ce Journal, sous l’anodine apparence de billets isolés. Dieudonné
au diable ! a la vedette et figure dans l’Indignactu de ce
microsite. Si les deux gros moteurs de recherche, Voilà et Google,
le retiennent dans leurs listes, j’aurais peut-être quelque chance d’attirer
quelques internautes égarés… Un soupirail dans cet anonymat forcené.
Première
réaction par courriel : Isabelle T. retrouve la vigueur de ma plume (sans
allusion scabreuse) et a été particulièrement touchée par le texte sur ma
grand-mère et les photos retrouvées.
Michel
Bouquet en François Mitterrand rongé par le cancer et inspiré pour sa fin de
pouvoir, donne corps à la densité intellectuelle du politique des lettres.
Jeudi 24 février, 0h50
Le
procès Papon, diffusé par la chaîne Histoire, nous dévoile les arcanes de
l’administration française dans ses rapports complexes avec les autorités
allemandes. La position de l’entre-deux laisse une marge à l’interprétation que
ne manquent pas d’exploiter tant les parties civiles et le ministère public que
le vivace Papon assisté de quelques avocats, au premier rang desquels le
respecté maître Varaut.
Le
procès ne peut pas verser dans le spectaculaire puisqu’il s’agit d’établir (ou
pas) la complicité de crime contre l’humanité. Ainsi, lors de l’examen des
lettres et rapports concernant les convois de juifs partis du camp de Mérignac
à destination de Drancy, une majeure partie des déportés est considérée comme
inatteignable par les autorités françaises, car répondant expressément aux
impératifs de la solution finale. En revanche, la marge des cas douteux (juifs
de nationalité française, Français d’origine incertaine, mariage avec un aryen
ou une aryenne, etc.) pouvait permettre aux autorités préfectorales de les
soustraire à ce funeste destin… Dans le cas d’un Papon, cette complicité
prendrait plutôt la forme d’une omission ou d’un engagement insuffisant pour
préserver la vie des sauvables. Lorsque le président de la cour
d’assises, Monsieur Castagnède, présente les dossiers, il considère une bonne
partie des victimes comme hors de portée des bureaucrates. (A suivre…)
Vendredi 25 février
De
retour dans cet antre familier pour s’essayer au contraste des inspirations à
rebours du ludique en germe. Déjà écrit sur le procès Papon, mais au fil des
audiences le malaise se confirme, quelle que soit la performance argumentative.
Pause,
trois slows successifs : parmi elles Valérie et Chafia, deux charmantes
codirectrices d’un magasin Maison du
monde. Entre ondulations dansantes et parcours personnel, Chafia me révèle
avoir subi un braquage par armes à Bron avec mari et fils traumatisés. Toujours
fascinant de plonger dans les instantanés de vie d’inconnues inspirantes.
Digression
à achever en indiquant la révélation de Valérie : point de soutien-gorge
pour maintenir les dénivellations troublantes.
Grand
écart pour revenir à Papon : le malaise tient aux rouges administratifs
tenant pour inéluctable la poursuite des carrières dans le climat délétère de
la persécution ouverte et de l’extermination programmée.
Dimanche 27 février, 22h40
Fin de
la pause pédagogique, modeste reprise demain matin, sans passion, mais pour la
nécessité basique et vitale. En berne la créativité, il me faut me résoudre à
cette trajectoire terne mais sereine. Garder un chouia de pulsion pour se démarquer
des conditionnements de la médiacratie. Gaymard lourdé pour ses maladresses,
ses mensonges, le choc d’un loyer hypertrophié pour le commun ? Dangereux Canard
enchaîné que fait se suicider un Bérégovoy et renoncer à sa fulgurante
trajectoire ministérielle un Gaymard. Le claironnement paye : les têtes
tombent. L’anonymat a finalement du bon pour l’équilibre existentiel.
Samedi 5 mars, depuis le Red Lions
Les
subtilités administratives abordées par le procès Papon laisse l’amertume de
l’acte de courage manqué. La défense de l’ancien secrétaire général de la
Gironde joue sur la résistance en filigrane, le sabotage clandestin,
l’accomplissement des possibles ruptures dans le contexte historique d’une
autorité administrative fantoche, aux arcanes d’autant plus développées que
l’illusoire s’impose. Une préfecture déliquescente à la parure de baudruche
agissante.
Mercredi 9 mars, 22h30
Quelques
réactions à la découverte de mon site Indignation, la plupart positives. La
seule critique (d’une accointance lyonnaise, Laurence) souligne le
« manque de vie » d’une écriture trop axée sur
« l’intellectualisation des concepts », expression qui tutoie le
pléonasme ! La réaction enflammée face à une actualité qui ne m’atteint
pas directement ne peut que se parer d’un raisonnement violent, certes, mais un
peu détaché.
La
diffusion du procès Papon approche de son terme : nous en sommes aux
plaidoiries des avocats des parties civiles. A chacun son angle d’attaque du
haut fonctionnaire de Vichy. Prestations brillantes, mais dont on ne peut
occulter la démarche interprétative et l’inéluctable partialité. L’opposition
frontale des témoins qui se sont succédé, contre ou en faveur de Papon,
interdit toute simplification du sujet.
Demain
la grève bazar du privé et du public ne va pas redorer le climat.
Mercredi 16 mars, 22h
Sortir
la réalité prégnante d’une situation dramatique surpasse l’efficacité du plus
brillant discours.
En
diffusant aux aspirants spp
(sapeurs-pompiers professionnels) le documentaire des frères Naudet suivant le
parcours d’un bleu au sein d’une
caserne de New York, j’ai touché leurs fibres sensibles.
Au
matin du 11 septembre 2001, l’un des frères accompagne quelques pompiers en
intervention pour une fuite de gaz, à quelques rues du World Trade Center. Le
bruit, inhabituel dans le ciel de la ville, d’un moteur aérien à basse
altitude, fait faire un quart de tour à la caméra qui sera la seule à filmer le
premier acte du sanglant hyperterrorisme d’Al Qaïda. Malheureusement, aucun
reporter ne se trouvait aux abords du Pentagone lorsqu’un autre avion de ligne
l’a pris pour cible : cela a permis l’écho donné aux nauséeuses thèses
d’un français, escroc intellectuel surfant sur la vague de l’anti-américanisme
primaire.
Suite
à cette attaque, insoupçonnable par le lambda, se met en branle toute la
machine des secours, au premier rang desquels les pompiers qui paieront de
quelques centaines de vies leur abnégation (presque naïve) à sauver des
personnes dans les étages des tours visées. Leur entrée dans le hall de la première
touchée (la seconde à s’écrouler), l’organisation improvisée de cette montée
interminable dans le ventre du monstre de béton, le bruit terrible des corps
qui s’écrasent au sol, travailleurs des tours situés au-dessus de l’impact des
avions, voués à une mort certaine et qui se jettent dans le vide pour une fuite
impossible, la dévotion de tous ces hommes du feu visiblement dépassés par le
cataclysme en cours : tout cela touche, fascine et horrifie nos candidats spp.
Samedi 2 avril
La
charge des anti-traité constitutionnel européen a trouvé son paroxysme aberrant
dans la dernière intervention du patibulaire Emmanuelli. Venu bretter avec le
rhétoricien affûté Sarkozy, il s’est essayé à tous les amalgames qui
fleurissent en pots-pourris dans le camp hétéroclite du Non. Sa plus
inepte trouvaille : déceler dans le droit à la vie, rappelé par le texte,
une volonté pernicieuse de s’en prendre au droit à l’avortement, à l’IVG et à
tout ce qui a construit la modernité de notre civilisation. Rien de
moins ! Tout est bon, même la pire des salauderies intellectuelles, pour
servir la clique opportuniste. Le lot des cocos, des révolutionnaires de
l’extrême gauche, des populistes de l’extrême droite, des souverainistes
d’arrière-garde, des pontes socialo en quête d’un tremplin pour leur carrière
politique, tout ce micmac en orbite du Non salvateur, veulent entraîner, par un
ratissage extra large, tous les mécontents de la politique chiraquienne.
Moyen
facile : le chiffon rouge de l’amalgame. La Turquie menace d’entrer ?
Elle s’imposera grâce au traité ! La directive Bolkestein choque ?
Elle reviendra poussée par la tonalité libérale de la constitution ! Tout
ce qui se fait de contestable sous l’empire du Traité de Nice, c’est la faute
au nouveau Traité de Rome ! Et la mixture passe au regard des sondages.
Les manipulateurs sont bien sûr les défenseurs du projet.
Une
constitution fixe un cadre, elle ne contient pas la politique qui s’inscrira
dans ces règles. Comment une alternance politique aurait-elle pu être possible
sous la Ve sinon ? Les fadaises abusives captent la grogne des
insatisfaits, mais comment s’accorderont-ils sur un nouveau projet et comment
convaincront-ils les vingt-quatre autres membres ?
Dimanche 3 avril
Les
pourfendeurs du Traité constitutionnel n’osent pas s’en tenir à la descente en
règle du texte. Le parcourant, ils ne peuvent rencontrer que des progrès, si
minimes soient-ils, par rapport au Traité de Nice en vigueur. Le seul fait
d’insuffler une valeur constitutionnelle à la Charte des droits fondamentaux
devrait suffire à déclencher l’adhésion enthousiaste. La simple lecture des
titres de cette Charte rendrait jaloux 80 % des populations de la planète,
ceux pour qui la survie occulte tout autre droit.
Lundi 11 avril, 22h05
Pas
encore pour ce siècle la maturité : aucune baisse des violences, aucune
atténuation des croyances. L’enterrement du Pape, sa couverture médiatique et
la dévotion irraisonnée de foules immenses marquent la constante caverneuse
d’une humanité écartelée entre ses superficialités ludiques et ses arriérations
dévotes.
Certes
Jean-Paul II, déjà surnommé le Grand et canonisé par le bon peuple, a
marqué, par son infatigable message colporté dans cent trente nations, le cours
historique des trois dernières décennies ; mais l’élan humaniste du grand
voyageur se charge de l’encombrante religiosité, des rigidités canoniques
sermonnées en toute occasion, des certitudes archaïques qui ne tolèrent aucun
écart. Voilà l’autorité spirituelle vénérée qui a versé dans cette manipulation
originelle.
La
clairvoyance pour d’autres cieux, en d’autres temps. Amen !
Mardi 12 avril, 8h15
Que
veulent les Fabius, Le Pen, Besancenot, de Villiers and Co ?
Certainement pas le rayonnement d’une France à la pointe de la construction
européenne. Au projet d’inspiration française qui a survécu aux compromis à
quinze, à ce traité constitutionnel sans équivalent dans le monde dans ce qu’il
consacre comme droits pour les citoyens, les révisionnistes constitutionnels
voudraient (du moins ils le laissent croire) y substituer un autre traité qui
ne répondrait qu’à leurs fantasmes idéologiques et qui sortirait
miraculeusement du chapeau à vingt-cinq ! Ne nous leurrons pas. En cas de
non français il ne faudra plus compter avoir un compatriote à la tête d’une
très future, voire hypothétique convention en charge de rédiger un texte en
phase avec les attentes hétéroclites de cette clique du « Non ». Un
rejet du traité constitutionnel le 29 mai prochain équivaudrait à une
démolition pure et simple sans aucune préfiguration bénéfique de l’avenir.
L’occasion sera trop belle pour vingt pays membres ayant choisi la voie
parlementaire pour la ratification, de détrôner la France de sa fragile place
de leader dans la construction européenne et de stigmatiser sa frilosité
absurde. Même si nous étions les premiers d’une série de « Non »,
nous porterions la responsabilité d’avoir attisé les scepticismes, les
nationalismes et les chauvinismes de tous poils, et rien ne permettrait avant
longtemps de trouver un nouvel accord. Chaque pays, échaudé par ce projet
avorté par la nation même qui en est à l’origine, se recroquevillerait sur ses
propres intérêts, lesquels n’ont pas grand-chose à voir, à l’état brut, avec
les desiderata des Fabius-Le Pen and
Co qui rassemblent autour du « Non » une impossible
ambition commune. C’est donc bien un « Non » à l’avancée européenne
et l’embrassement du néant politique.
La
malignité démagogique s’est révélée dès l’instant que cette clique a mis sur le
dos d’un cadre constitutionnel proposé ce qui relève de la politique menée sous
le règne du traité de Nice qui restera bien ancré en cas de victoire des
grincheux.
L’entrée
automatique de la Turquie ? Mensonge : l’article 58 définit la
procédure à suivre pour toute nouvelle adhésion et renvoie aux règles constitutionnelles
de chaque Etat membre pour la ratification de celle-ci. Notre récente révision
a consacré la voie référendaire pour cette question sensible. A moins d’une
abrogation de cette avancée démocratique, la Turquie ne pourra pas entrer dans
l’Union sans que le peuple français donne sa bénédiction ! Alors,
responsable de quoi le texte de Valéry Giscard d’Estaing ? De la directive
Bolkenstein, diabolisée par de Villiers et son piètre dictionnaire des rimes
pour mauvais poète balbutiant ? Pas seul le souverainiste bien sûr :
les Mélenchon, Buffet, Maigret and Co viennent en renfort pour les
arguties et les amalgames. Ce qu’on fait dire à la directive sur la
libéralisation (quelle terrorisante perspective !) des services ?
Aucun rapport avec le nouveau cadre proposé. L’article 133 fixe le principe
pour les travailleurs européens : le bénéfice du système législatif,
réglementaire et administratif (le droit du travail plein et entier, donc) du
pays membre dans lequel il se trouve. Les services se font avec quoi ? Des
travailleurs et non l’œuvre du Saint-Esprit !
Certes
on peut interpréter de mauvaise foi des principes généreux et protecteurs. Le
négationniste institutionnel Emmanuelli, pas le fondateur du Samu social mais
le dangereux démagogue patibulaire, a même décelé dans l’article 62 et son
« droit à la vie », qui côtoie l’impossibilité pour un Etat membre
d’appliquer la peine de mort, la remise en cause de l’avortement pour les
femmes ! Rien que ça !
Le
mérite de ce délire interprétatif est de faire tomber les masques de ces
irresponsables prêts aux pires truquages pour servir leur malodorante carrière.
Prêts à tout détruire, y compris l’avancée européenne. Alors, sans doute, le
pourfendeur Emmanuelli va-t-il faire trembler les chaumières en imaginant une Union
libératrice des pédophiles et des tueurs en série parce que la Constitution
proposée consacre dans son article 66 le « droit à la
liberté » ! Puis, dans une dénonciation des voies ouvertes à tous les
démons, le bougre va sans doute percevoir la promotion cachée du négationnisme
à la sauce Faurisson dans l’article 71 qui rappelle le droit à la liberté
d’expression « sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques
et sans considération de frontières ». Bravo saint Emmanuelli de nous
ouvrir les yeux sur ce torchon constitutionnel !
A nous
de prendre la mesure du cirque des illusions mises en scène par les animateurs
du « Non », lesquels se tireront sans pitié dans les pattes sitôt le
scrutin du 29 mai passé, incapables de rédiger un texte remplaçant celui qu’ils auront piétiné et
impuissant sur la scène européenne face aux autres Etats membres effarés par
tant d’opportunisme. A nous de faire l’effort de plonger dans le projet proposé
pour en comprendre la substantifique (et bénéfique) moelle sans relais
manipulateur. A nous de démontrer notre maturité démocratique et non de prendre
en otage de nos innombrables mécontentements une consultation à visée
constructive. A nous de ne pas donner l’exemple d’un repliement stérile qui
occasionnerait le délitement du projet européen et réduirait d’autant notre
place dans le concert des nations. L’Europe nous regarde et ne nous pardonnera
pas cette volte-face mesquine. Le reste du monde raillera notre versatilité de
petite envergure.
Samedi 23 avril
Le
lion rouge visité, j’y retrouve Elvis par hasard, en compagnie de quelques
accointances. Dans les osselets vibrants, la reprise de Don’t Worry… de Wonder
par le rythmique John Legend. Découvert dans quelques images du créatif Hitch,
l’irrépressible penchant à me procurer cet envoûtement musical. Les décrochés
sinueux de l’air doivent correspondre aux instincts de l’instant.
Programme
très moyen au lion défraîchi : voix mal assurée, airs dans envolée, tempo
sans conviction… Les résonances du Legend d’Hitch m’arrachent à ces blafardes
prestations.
Les
aberrations du raisonnement : du croulant Le Pen à la faiblarde Buffet, en
visitant les autres incongrus qui tentent de faire basculer l’Europe. Les
inconciliables œuvrent de fait en commun en feignant de croire leur clocher
majoritaire. Tous les démons, ils s’en aspergent pour rallier les innombrables
mécontents. Silence sur l’effective impuissance de la France au sein d’une
Union atomisée.
Sur la
piste, un phénomène d’allumeuse, dégénérée par l’alcool, qui m’a collé dès mon
pied posé sur la piste et que j’ai gentiment, mais fermement, congédié. Bien
m’en a pris à l’observation des collages successifs qui se font vers les mâles
en manque. Pitoyable donzelle qui rétracterait le plus déterminé des ruts.
Patrick
Rotman vient encore de signer un documentaire d’exception sur un pan de la
sombre histoire. Après la lutte délétère en Algérie, entre torture et terreur
partagées, mise en images dans L’Ennemi intime, après le rappel d’une
Libération en souffrances de l’hexagone, il délivre son talent dans Les
Survivants, fresque lugubre des méfaits de la Solution finale. Témoignages
choisis pour une émotion percutante, images d’archives mises en son pour
visualiser l’innommable. La signature Rotman tient dans la puissance de
l’exactitude qui dispense de toute polémique les esprits ronchons. Ces
semblants de vie passée, aux membres décharnés, à la tête ballotante, aux
expressions d’horreur putréfiée. A voir pousser par une mécanique sans âme ces
monceaux blanchâtres en voie de putréfaction, cela pétrifie. Ce déferlement de
l’inconcevable nous remet en pleine face l’hideux potentiel de l’humanité.
Jeudi 28 avril
Une
semaine de vacances qui commence sous le soleil dardant au parc de la Tête
d’Or, côté roseraie. Je goûte à ce farniente pour laisser venir les quelques
petites indignations du moment.
Vu,
réunis sur France 3, les principaux leaders politiques ancrés sur le
« Non ». Confirmation de l’impossible fonctionnement, au lendemain du
29 mai, en cas de victoire de la tranchée des frileux.
Chacun
voudrait se croire dépositaire de la majorité mécontente pour une obscure
refondation sous l’égide du Traité de Nice, et ce à vingt-sept pays membres
(dès 2007). A ce stade, ce n’est plus de l’utopie, mais de la dangereuse
naïveté, ou plus certainement de l’opportunisme à courte vue.
Ce qui
forme la différence fondamentale entre les deux camps tient dans la viabilité
de l’après référendum : d’un côté, un accord commun pour adopter le cadre
institutionnel proposé, quitte à ce que le contenu des politiques menées dans
ce cadre diffère selon les obédiences politiques ; de l’autre, un
consensus pour rejeter le traité, mais des désaccords irréductibles quant au
contenu d’un projet ultérieur. Aucun d’eux n’étant, à l’unité, majoritaire chez
les électeurs prêts à voter Non, comment pourront-ils défendre quelque
proposition de nouveau traité aussi ambitieux ?
Remarquons
d’ailleurs que tous ces grincheux ne constituent qu’un sac à critiques, et
qu’aucun n’a présenté un texte cohérent qui serait le socle de cette irréaliste
refondation. En outre, comment les dissonances à l’intérieur d’un
« Non » aux couleurs criardes seront-elles perçues par les autres
pays membres ? Certainement pas comme un modèle sérieux à suivre.
La
victoire du « Non », si elle devait avoir lieu, laisserait très vite
place à un terrible désenchantement des votants sitôt la conscience acquise des
impuissances intérieures.
Chacun
cultive sa chapelle argumentative contre le texte proposé en feignant de ne pas
entendre les raisons du voisin infréquentable, lequel contribue pourtant à
grossir la troupe des contempteurs disparates. Stratégie politique du néant de
cette flopée d’autruches ensablées par leur rengaine idéologique respective.
Tristes pitres inconséquents !
Samedi 28 mai
A la
veille du redouté référendum, je me dore, avec ma BB, dans l’immense jardin (ou
le petit parc !) de maman et Jean. J’en ai bouffé à satiété du débat sur
le sujet, des analyses journalistiques, de la confrontation politique. Rien à
faire, je ne trouve aucun attrait aux arguments des Non. Le summum du
grotesque revient à la grosse vache blondasse fille de Le Pen, qui
tiendrait un rôle plus en phase au rayon charcuterie d’une surface assez
étendue pour l’accueillir. Comment un père comme Le Pen, dont on ne peut contester
la vivacité intellectuelle, peut-il cautionner cette relève creuse, au timbre
de voix irritant, à l’inanité argumentative ? Piètre représentation de
l’extrême droite annonciatrice peut-être d’une dégénérescence par absence de
leader potable. Vers la gauche, la Buffet donnait l’impression d’une antienne
mal maîtrisée, d’un leitmotiv oublieux des interpellations d’en face. Les
communistes ayant tout refusé de la construction européenne depuis 1957, quelle
crédibilité peut avoir leur Non ? Ce n’est qu’une posture
idéologique sans une once de construction viable sur ruines de ce qu’ils auront
contribué à exploser, bien contents de reprendre un peu de vigueur… en trompe
l’œil. Les prochaines élections les rabougriront à nouveau à leur portion
réelle.
A
cette triste bande de démolisseurs, rajoutons l’escroc de Villiers qui, lors du
débat sur France 2, a ressorti son ignoble chiffon rouge pour angoisser
davantage, et abusivement, les Français. Parce qu’il a vu cité le nom de la
Turquie dans l’acte final, cela équivaudrait à une entrée automatique de ce
grand pays en cas d’adoption du traité. Quel pitre malhonnête que Cohn Bendit
ne se gênera pas d’apostropher. Aussi couillon que de prétendre que la
signature des témoins, dans un acte de mariage, les lieraient au couple dans un
impensable quatuor matrimonial. Avec ce genre d’argument, comme celui
d’Emmanuelli mettant en garde les Françaises sur une remise en cause du droit à
l’avortement par ce traité décidément infâme, la clique du Non révèle sa
démarche fallacieuse, opportuniste et criminelle pour la construction
européenne. Et le pire, c’est qu’une majorité d’électeurs risque d’aller dans
leur sens. Dès le 30, nous verrons cette victoire du vide, avec chaque partisan
du Non, ramener la couverture du scrutin à lui. Aucune position commune
pour cette association malfaisante, hormis celle du piétinement de ce subtil
compromis institutionnel. Qu’ils aillent au diable !
Curieux
hasard, ce matin, sur le quai du TGV, je croise maître Vergès, tout gris, et
quelques heures avant, une radio m’informe de la mort de maître Varaut, l’un
des plus brillants et des plus respectés avocats de sa génération qui avait
assuré, avec panache, la défense de Maurice Papon, toujours vivant.
Lundi
20 juin
De
retour à Lyon pour une petite semaine avant de petites vacances au Cellier.
Emma et François se sont passé l’anneau d’or au doigt pour officialiser leur
ère duale. Deux jours festifs dans un gîte accueillant avec les membres des
deux familles. Le bon enfant a primé sur les caractères de chacun pour faire de
ces instants un doux délire joyeux et mesuré.
Découverte
de quelques personnalités : la complexe de Richard, le compagnon de
Louise, a retenu l’essentiel de la chauffe neuronale. Penchant à prolonger les
convivialités arrosées jusqu’à l’ivresse en solitaire. Son observation a révélé
certains stigmates comportementaux de Heïm, réserve faite de la singularité
hors norme du dernier. Le cynisme marmonné, le déplacement comme une mission
viciée, l’allusif accentué pour mieux enfouir ce que l’on ne tolère pas chez
soi… Attractivité certaine des éclats du personnage, mais au prix d’un
quotidien heurté, où l’insatisfaction pourrait faire basculer l’osmose.
Depuis
le tchou tchou rapide, la luxuriance des paysages ne peut laisser augurer les
inconséquences de notre ivre humanité, acharnée dans ses frénétiques
perditions. La verdoyance hexagonale ne peut masquer les égoïsmes délétères de
chacun, prêt à sacrifier le bien commun pour pérenniser, à sa pauvre échelle,
les facilités acquises, et surtout ne pas se sentir bridé dans la satisfaction
de ses maîtres envies. Primauté de la courte vue ou, pire, reconnaissance des
traumatismes globaux avec, pour les plus pernicieux, un prosélytisme pseudo
écologique en s’accordant les dérogations les plus étendues pour que rien
n’entache le confort dans un système sociétal pourtant critiqué. Le crime
contre l’individualité dressé pour parasiter toute révolution efficace de nos
modes de vie contraint les plus lucides d’entre nous à hurler dans l’insane
étroitesse de nos volontés perdues (ou jamais atteintes). L’addition de nos
renoncements pourrait bien générer la gestion à rebours d’une survie menacée.
Pompe habituelle des alarmistes masturbatoires ? Si seulement…
Jeudi
23 juin
Surtout
ne pas émettre une seule critique contre les bons citoyens. Leur mécontentement
est plus que jamais légitime et on ne peut qu'admettre la voix des urnes...
Texte trop compliqué (alors pourquoi s'embarrasser de le consulter ce bon pôple), trop libéral (un modèle du genre
à côté du traité de Nice, c'est évident !), incapable de répondre aux
aspirations de perfection égocentrique... Savatons tout, en se moquant des
incongruités argumentatives qui, de l'extrême droite à l'extrême gauche, ont
joué des peurs comme jamais ! Le tableau apocalyptique français n'est plus
tolérable ? Que le bon pôple aille
voir dans les tranchées insalubres de nombre de contrées...
Que
notre pays est devenu frileux, replié sur lui-même, encombrés de petits vieux
avant l'heure... et bien qu’ils en bouffent du nationalisme social à la
Besancenot... avec ses grands soirs pour pendre du possédant. Quelle puissance
d'action que ces Buffet et Bassine Le Pen : le bazar de l'hôtel de passe
politique est né...
Et
surtout, que l'on supprime tout notre commerce extérieur pour pouvoir mettre en
œuvre cet isolement salutaire pour notre économie moribonde. Et que
l'assistanat généralisé continue à creuser sous nos caisses, vides depuis belle
lurette.
Et
vive la France rance !
Samedi 25 juin, 19h env.
De
retour au Cellier, une semaine après le mariage d’Emma et François. Nous les
retrouvons ce soir pour un dîner à trois couples et la découverte des plus de
cent photos prises pour ce moment festif.
Huit
jours de repos avec ma BB dans cette région aux montées de mercure plus modestes,
et bien plus vivables qu’à Lyon.
Mon
site Indignation a dépassé les 500 visites et je renouvelle
régulièrement les extraits de mon Journal calibrés comme des articles,
des instantanés d’humeur, des fulminations sans retenue. Peut-être qu’un jour
j’y publierais des extraits sensibles sur Heïm.
Dernièrement,
je me suis essayé à l’écriture directe à l’ordinateur, sans passer par la
plume, au lendemain de la déferlante du Non, La Victoire du vide
révélatrice surtout d’une inquiétante montée du nationalisme social. Une bonne
part de la gauche, et pas seulement de l’extrême, si encline à donner à tout va
des leçons de morale, d’humanisme et de générosité vient, en filigrane vicieux,
de se retrouver dans le vieux discours lepéniste du « travail aux Français ».
Dimanche 26 juin
A
l’ombre d’un arbre, dans le jardin venté des parents B, un ciel au bleu laiteux
pour confortable toit, je laisse s’échapper idées et impressions que je
voudrais fixer. A trente-cinq berges bien entamées, je n’ai toujours pas
l’abondance scripturale naturelle. Se forcer à noircir ces pages pour
atténuer le leurre d’une existence…
Einstein
aurait lui cent ans, et la vivacité de son empreinte lui confère la pérenne
jeunesse. Poursuivre jusqu’au bout ses projets, identifier ses inspirations et
en former un apport incontournable dans le domaine choisi : voilà une vie
à sens. Le reste n’est que remplissage accessoire.
Reste
le champ des sentiments qui me réserve quelques bornes d’attache essentielles à
l’équilibre. Ma BB au-dessus de tout, bien sûr, mes parents de sang et de cœur
(maman-Jean ; papa-Anna), ma grand-mère adorée pour sa gentillesse, son
courage et son amour de la vie malgré les terribles épreuves de la grande
vieillesse, les frères qui partagent quelques affinités avec moi (Jim et sa
compagne Aurélia, Alex et Raph), la chaleureuse famille B, quelques amies
fidèles et leur compagnon éventuel, Karl et Sally enfin, seules personnes de
l’univers actuel ou ancien de Heïm avec lesquelles un lien subsiste. Voilà, en
résumé, ma contrée affective aux frontières fluctuantes. Modestie du champ
relationnel qui favorise l’exploitation infinie des vagabondages intérieurs.
Car
les compagnons d’une route ne se limitent pas à ses contemporains bien vivants.
Le peuple des ombres adorées prend une part grandissante le temps
passant : le mien demeure restreint, la vie m’ayant encore préservé des
pertes traumatisantes par leur insulte à l’ordre naturel. Je garde dans mon
cœur l’image sobre, parfois bourrue, mais si attachante de mon grand-père maternel,
ce cher Gustave avec qui j’aurais voulu partager quelques conversations
intimistes. Je cultive, par ce que papa peut m’en dire (et Heïm à une époque,
reconnaissons-le), le souvenir de ma grand-mère paternelle, cette chère Madame
D. au beau nom préservé de l’extinction. Au second plan, je garde le souvenir
ému du grand-père/papa de Sandre, Jean R., avec qui j’ai partagé un an durant
quelques dizaines de conversations complices. Voilà tout. Un cimetière du cœur
bien réduit finalement et que j’espère (vainement) garder à cette taille le
plus longtemps possible.
Enfin,
je n’oublie pas la troupe des artistes, musiciens et écrivains avant tout, qui
nourrissent mon temps de vie d’une si transcendante façon. Un peu à l’image de
la théorie des cordes pour l’explication universelle, la vie
affectivo-spirituelle se complexifie de multiples dimensions simultanées qui
varient selon le champ d’oscillations de ses pensées. Parmi ces créateurs,
vivants ou morts, que je ne croiserai jamais mais dont l’apport équivaut (et
parfois dépasse) une affection ou une amitié, mon inclination me porte d’abord
vers quelques musiciens-interprètes dont les mélodies, et parfois les paroles,
m’imprègnent et fondent une bonne part de cette beauté enchanteresse du monde,
un peu comme le paysage sonore de ce jardin estival. Mes incontournables
piliers de la chanson française : Brassens le maître talent dans
l’irrévérence poétique, Brel l’impétueux, Lapointe l’attachant, Nougaro le
débordant, Gainsbourg dans ses débuts, Aznavour et quelques joyaux, Jonasz en
douceur jazzée, Mitchell et Lavilliers en virile créativité. Quelques sonorités
agréables avec l’inquiet de Palmas, le suave Daho, le feu groupe lyonnais
L’Affaire Luis Trio, et c’est à peu près tout pour la musique hexagonale.
La
niaiserie des paroles ne devait pas entraver mes penchants mélomanes. La
solution : rester imperméable à l’anglais et se passionner pour le son
anglo-saxon. De là, un suivi fidèle de quelques artistes auxquels je tiens
verser de l’argent (manifestation prosaïque mais sincère de mon goût pour leurs
œuvres) pour posséder leurs créations musicales : Al Jarreau aux modulés
vocaliques uniques, Sting l’intarissable talent (un Kubrick ou un Spielberg de
la musique), le groupe Coldplay de récente constitution mais aux envolées
enivrantes, Björk la fascinante, George Michael pour sa rythmique et ses
ondulations vocales, Seal la transparence inspirée, Kravitz le rocailleur
mélodique, Sade l’envoûtante, Omar qui swingue sans pareil, Supertramp
indémodable, U2 encore meilleur le temps passant, Morrissette, Texas et Corrs
pour la vivace féminité et quelques autres que l’instant me fait oublier.
A ce
Panthéon musical, je dois rajouter ma galerie des jazz qui se colore des plus
généreuses personnalités : d’Armstrong à Fitzgerald, de Bechet à Holliday,
de Reinhardt à le jeune Norah Jones, de Mc Ferrin à Mingus, etc. Joyeux défilé
de cuivres, de cordes vocales et à gratter, pincer, effleurer, de virevoltantes
blanches et noires, de trépidantes percussions et de clarinettes prolixes.
A
cette maestria de notes s’ajoutent quelques plumes qui m’illuminent par la
musicalité de leur style et la justesse de leurs raisonnements. Le roman
m’emmerde généralement, c’est donc vers les écrivains du réel et de la pensée
que mes fidélités se portent. Avant tout le compagnon Léautaud qui a partagé
des milliers d’heures avec moi, à travers la lecture de son Journal
littéraire, de ses autres écrits, mais aussi par mes propres pontes lui
étant consacrées. Heïm, écrivain à part dans mon cœur, conséquence des
affections partagées, puis de l’éloignement choisi, des désillusions l’un sur
l’autre, de cette vie curieuse qui m’a fait partager l’existence, pendant
quelques années, d’un de mes écrivains préférés. La phase critique qui anime
ces pages envers le microcosme passé de Heïm ne peut me faire renoncer à mes
goûts littéraires. Ce que je regrette, pour mon enrichissement intellectuel,
c’est que mon détournement de sa forme d’existence et de ses actions
professionnelles m’ait, de fait, détourné de ses œuvres. Seul le temps me
réconciliera avec la partie littéraire du personnage.
Pour
combler mes appétits subsistent tout de même quelques brillantes figures :
l’accrocheur Artaud, le cataclysmique Céline, le tonitruant Bloy, l’incisif
Jean-François Revel, le complexe Nietzsche pour les plus présents.
Panorama
rassurant de l’intérêt porté à une parcelle du monde, car pour le reste la
nausée émerge très vite. Cela fera l’objet d’un instantané prochain.
Lundi 27 juin
20h.
De retour de Pornic, après une journée estivale, mais sans l’envahissement des
touristes qui ne débutera que la semaine prochaine. Crêpes salées, sucrées,
baignade et bronzette : un bonheur simple appréciable.
Début
de soirée quelque peu étouffante qui confirme la tendance pré-caniculaire et
notre perte progressive du climat tempéré. Si cette voie climatique se
systématise dans les prochaines décennies, cela constituera la première vraie
sanction à notre forme inconsciente de civilisation. L’observation des
comportements attriste tant l’écart entre les bienfaits techniques et les
instincts d’appropriation se creuse.
La
prime à la crassouille, l’opportunisme comme éthique, l’illusoire frime
des branleurs comme des grincheux, l’égoïsme absolu des foireux de tout acabit,
la part navrante des échoués fiers de leurs dernières acquisitions (auto,
vidéo, technico…) : catalogue signe des déviances banalisées. Je ne vais
pas faire mon misanthrope primaire avec toutes les simplifications afférentes
pour me rassurer sur la légitimité de mes indignations. Pas trop inspiré pour
ce remplissage forcé. Me manque la verdeur et la perspective. Rien à
construire, à proposer qui justifie mes fulminations. Plus de sens dans ma
modeste dimension existentielle.
Peu
écrit en 2005 : tarissement des thèmes, assèchement des élans littéraires.
Mardi 28 juin
Une
journée en duo avec ma BB sans se fier aux élucubrations météorologiques. En
l’attendant à l’ombre d’un arbre, je goûte au petit vent salvateur.
La
mollesse de l’ordre établi vient de faire une nouvelle victime dans la région
Bretagne. La réquisition de vastes terres pour que s’ébrouent les teuffeurs
(que foutre de l’orthographe qui les désigne !), quarante mille branleurs
décérébrés, a incité l’un d’entre eux ou un malade local à égorger une jeune
fille de dix-huit ans du coin ! A dégueuler toutes ses tripes sur ces
foireux trépidants. Encore une fois, comme le dopage dans le sport, le prétendu
lieu commun de drogards et de fournisseurs en stupéfiants truffant ces
rassemblements sauvages (mais désormais cautionnés par les pouvoirs publics)
s’avère être la sordide réalité. Toutes ces faces d’autruches plongées dans
leurs décibels à gesticulations ne veulent surtout pas qu’on leur parle de
responsabilité passive de ces dérives. Là pour teuffer, bien sûr !
Le
vide du nationalisme social se confirme. Rien à l’horizon des partisans du Non,
si ce n’est l’imbécile braquage contre le libéralisme auquel aspirent les pays
émergents. Et surtout qu’on ne les soupçonne pas de rejet des autres pays, bien
sûr que non : si ce n’est qu’on ne veut pas de leur concurrence !
Alors quoi ? On les veut dans un bocal et claquer des doigts pour que,
miraculeusement, ils atteignent notre niveau social. Naïveté puérile ou
hypocrisie tactique ?
Par
ailleurs, le fait d’avoir manifesté un mécontentement pour de toutes autres
raisons que celle du projet constitutionnel doit désormais vacciner les
gouvernants pour toute nouvelle consultation.
En
écoutant une émission sur France Inter, je me rends compte de l’aberration
d’avoir requis l’avis du bon pôple ! Chacun s’est fait ses
questions et ses réponses pour rejeter un texte qu’une infime minorité a
réellement lu. Triste spectacle de ce gâchis lorsqu’on pousse au bout les
motivations des grincheux qui voudraient encore plus d’assistanat et un
fonctionnariat gonflé jusqu’à l’implosion du système.
Bonne
nouvelle, Iter sera implanté dans les Bouches-du-Rhône. Les intégristes
écologistes, alias les Pisseurs verts (Greenpeace en anglais),
rejettent un projet qui permettrait de sortir du nucléaire avec deux avantages
déterminants : des déchets à durée limitée (trente ans environ) et une
sécurité accrue (plus de risque d’explosion). Des têtes à claques qu’il
conviendrait d’engluer dans le pétrole qui permet de faire avancer leur
flottille parasitaire. Au bout de leurs contradictions pour qu’ils baissent
leur tronche arrogante.
Mercredi 29 juin
Fond
de l’air plus frais, alors qu’à Lyon l’étouffant se prolonge.
La
semaine de vacances touche à sa moitié. Délassement et repos sans transcendance
notable. Je ne parviens pas encore à me fondre dans cette convivialité
débordante et chaleureuse des B. Mon inextinguible trouble de la socialisation
parasite périodiquement mon attitude.
Ce
matin, en trempant mes tartines, une émission traitait de la perception de la
nudité des adultes par les enfants. Un traumatisme enfoui, mais durable, peut
suivre l’épreuve du regard sur les organes génitaux de ses parents. De ce côté,
mes parents ont eu l’attitude exemplaire : le respect des intimités sans
néfaste décontraction. En revanche, chez Heïm, au nom de je ne sais quelle
théorie pionnière de l’éducation, j’ai confronté mes timidités (plutôt normales
à la préadolescence) envers le corps féminin au dénudement, côté seins, des
jeunes filles présentes. Une scène me revient au hasard de la mémoire :
après-midi estivale au château d’O ; déjeuner à l’arrière, grande pelouse
sur de petites tables de jardin. À celle de Heïm, Alice sa fille en pleine
adolescence et aux formes déjà épanouies. Le temps d’aller chercher du pain
dans la cuisine et je retrouve cette sœur de cœur la poitrine à l’air, sur
demande incontestable de Heïm. La vue de ces deux mamelons d’albâtre aux tétons
bien roses et dressés, associés au visage de cet être familier adoré (voire
désiré en secret) m’a pour le moins décontenancé, poussant ma gène au point
ultime. Bien sûr ces scènes me fournissaient les images fantasmagoriques pour
mon onanisme frénétique.
Jeudi 30 juin
Le
ciel étant incertain, nous partons une journée en Vendée à la découverte d’un
musée consacré aux chouans et aux crimes de la Terreur. Souvenir de mes jeux royalistes
où j’incarnais George Cadoudal, Karl Jean Cottereau et Hermione Jean de
Florette à la chasse des Bleus à saigner. Ce trio enfantin me reste comme le
meilleur de ce passage au château d’O : intense complicité de deux garçons
et une fille de l’année 69, affection développée par les multiples jeux
partagés, imagination débordante pour nourrir nos gourmandises ludiques,
l’affirmation progressive de nos caractères préadolescents sans fragilisation de
nos liens. Voilà tout le positif de ce partage dans un cadre unique, féerique. Quel
dommage que la dimension apportée par Heïm se charge de peu reluisantes
dérives.
Tous
les sujets mènent à Heïm ? Impression de ces dernières pages. Un T.O.C.
littéraire ? No Comment.
19h.
Edifiante après-midi vendéenne, après un gustatif passage à l’Auberge du lac.
On peut tirer à boulets rouges sur le de Villiers souverainiste jusqu’à la
mauvaise foi, mais reconnaissons la qualité de son empreinte dans la gestion du
département de Vendée et la mise en valeur de sa période tragique. Du mémorial
de Vendée aux Lucs, jusqu’au Logis de la Chabotterie, nous découvrons l’horreur
génocidaire des soldats de la République « une et indivisible »,
comme il est indiqué au bas du décret officialisant l’appel à la destruction de
la contrée et à l’éradication de sa population, femmes et enfants en tête.
Le
martyr des Lucs et de ses habitants exterminés dans l’église rappelle sans
effort Oradour-sur-Glane, ni plus ni moins. Le projet de la Convention a juste
manqué des évolutions technologiques dont a bénéficié le nazisme pour sa
funeste entreprise. Les intentions sont tout autant barbares, criminelles,
jusqu’aux boutistes avec cette détermination idéologique à supprimer une
communauté humaine pour son appartenance religieuse ou prétendument
raciologique. Comment notre République n’a-t-elle pas plus fortement rejeté
cette part sombre de sa naissance ? Comment peut-elle laisser sur son Arc
de Triomphe le nom d’un général sanguinaire, le bourreau Turreau, en charge de
ce crime contre l’humanité, ni plus ni moins coupable qu’un Himmler si ce n’est
par l’ampleur du projet… mais la Vendée aurait compté cent fois plus de
rebelles et Turreau aurait eu à disposition les raffinements techniques des nazis,
le quantitatif ne serait pas un argument des camoufleurs de la sale
histoire révolutionnaire. Démonstration de ce révisionnisme cautionné par
l’Etat républicain : JB me sort un Précis d’histoire pour le brevet
élémentaire de 1932, œuvre d’une « réunion de professeurs » et
qui limite ce drame à une « guerre » entre rebelles (terroristes
dirait-on aujourd’hui) et républicains. Fi des acharnements exterminateurs
contre la population civile vendéenne.
Vendredi 1er juillet
Les
pages « faits divers » édifient sur les crasses sociales en tous
genres. Lorsqu’un peuple se montre si prompt à fustiger les élites politiques
et économiques, il devrait consulter davantage ces florilèges lamentables de la
« France de base » et relativiser les écarts des édiles, les « inatteignables » :
escroquerie, pédophilie, agression, délinquance routière… la grande parade des
vices humains s’impose comme une stagnation quotidienne.
Un
exemple de cette bêtise imbue sanctionnée par la peine capitale : quatre
jeunes dans une « Audi » (la frime ? pauvres cons !) prêtée
par l’un des pères ; une arrivée en trombe dans un village des Côtes
d’Armor ; une ligne droite idéale pour enfoncer la pédale ; rires et
déconnages à fond la caisse ; une roue qui mord sur un terre-plein et
c’est le décollage ; écrasement contre un arbre : fracas inouï de la
taule écrasée, des chairs et des os broyés. Résultat des festivités :
quatre cadavres, des familles endeuillées et aucune prise de conscience par les
déjantés de la route. Seule satisfaction : aucun piéton, aucune voiture tranquille
n’a croisé la route de ces dérisoire liquidés par une belle aube d’été…
L’élévation
vers les faiseurs du monde faisandé n’enchante pas davantage. La face cachée
du 11 septembre d’Eric Laurent ne laisse aucune tête indemne : la
complaisance américaine envers ceux qui les exècrent, le double jeu des
Saoudiens, entre intégrisme et bénéfices obscènes, l’indéfectible soutien des
services secrets pakistanais au Ben Laden tout en présentant une face vertueuse
dans la lutte antiterroriste. Les intérêts de cette malodorante frange
s’entrecroisent, les coupables se soutiennent selon la règle tacite du
« préserver l’autre pour se protéger soi-même ». Même Massoud,
d’après l’analyse de Laurent, n’avait pas l’engagement anti-talibans aussi
transparent. Bouillie de l’histoire dont la diffusion future expurgera, selon
le pays concerné, les facettes les plus immondes le concernant. Moi-même,
aberré dans certaines indignations post 11 septembre, j’ai occulté la
complexité des relations entre les pays et les hommes pour ne retenir que la
réelle horreur du crime perpétré. Sur le banc des accusés les terroristes et
leurs soutiens, bien sûr, mais aussi tous ceux qui ont contribué au
fleurissement de ces extrémistes religieux, aux motivations diverses, et ce
depuis le soutien en Afghanistan contre les forces soviétiques.
Amis-ennemis : peu importe l’étiquette, ce qui compte avant tout est de
servir ses intérêts de pouvoir, d’influence, de vengeance, de fric, etc.
De
haut en bas, rien pour réjouir l’âme et adoucir la vision désespérante de cette
putain d’humanité… sauf peut-être les cercles affectifs et culturels évoqués il
y a quelques jours. Fin des lamentations !
Ce
soir, nous dînons chez Laure et Daniel qui, après leur aventure dans la
restauration, ont retrouvé un équilibre de vie.
Samedi 2 juillet
Le
couple va très bien. De beaux enfants : un Erwan mature, jouant à
merveille son rôle d’aîné ; une Lina de vingt mois, petite poupée blonde
pleine d’entrain. Un équilibre professionnel retrouvé. Seule ombre : le
frère de Laure que nous évoquons en milieu de soirée. Archétype du malchanceux
que les circonstances s’acharnent à enfoncer un peu plus. Sa sœur le dépeint
comme la victime imméritée d’un système d’exclusion, elle ressent très mal
cette déchéance qui a poussé son collatéral à une tentative de suicide :
seul (n’ayant jamais eu de compagne identifiée), sans travail, taciturne et
isolé par nature, il entretient cette funeste spirale.
Le
pessimisme ambiant sur la stagnation, voire l’enlisement du pays atteint les
éditorialistes de la presse régionale comme celui de Ouest France ce matin. Mise en cause à peine voilée d’une
population déphasée, inconsciente des réalités qui s’imposent, irréaliste quant
aux solutions qu’elle voudrait voir mises en œuvre par un Etat qu’elle critique
à chaque occasion.
L’antienne
de Chirac, lors de la campagne référendaire, sur les formidables aspects du
pays, ne trompe plus : le Non des frileux et des grincheux a balayé toute
perspective constructrice pour nous laisser dans une bourbe hexagonale. Leur
défoulement dans l’isoloir, synonyme de rejet caractériel, ne les soulagera que
très provisoirement.
Quelle
magnifique perspective que de voir les représentants disparates du Non prendre
en main la destinée du pays ! De quelle épaisse démagogie va s’attifer
leurs discours pour faire accroire que tout s’éclaire, tout s’ouvre, que le
grand soir refondateur va dépasser notre torpeur… et surtout que nous pourrons
mener une politique salvatrice sans prendre en compte la réalité mondiale :
jouer à Cuba ou à la Corée du Nord en quelque sorte ! Fabuleux projet
d’outre tombe. Européens, priez pour nous…
Cette
semaine de vacances m’a redonné le goût d’écrire au quotidien. J’espère le
prolonger malgré la reprise professionnelle.
Dimanche 3 juillet
23h.
Vite avant l’extinction des feux. De retour à Lyon. Sur le parcours, je tombe
sur la fin d’une émission avec Philippe Séguin. Très touchant personnage dans
le témoignage de sa situation d’orphelin et des conséquences pour son parcours.
Serge Moati, le réalisateur, le ressent un peu comme son grand frère. Voilà
pour le bref instantané.
Demain,
sur le pont !
Lundi 4 juillet, 23h
Reçu
une carte de maman et Jean ayant séjourné chez Mona (ma tante divorcée de Paul)
et son mari en Tunisie. Ce soir, un courriel pour nous donner quelques
nouvelles plus détaillées après leur retour à Saint-Crépin. A noter les signes
négatifs dans le comportement du mari de Mona envers cette dernière. Que cela
tutoie la violence et la carte postale tunisienne aurait de bien trompeuses
couleurs.
Maman
regrette que nous soyons si loin de Saint-Crépin, car leurs week-ends
ensoleillés partagés avec Jim et Aurélia relèvent du doux délice familial. Nous
essaierons de les retrouver pour un petit séjour à Fontès.
Côté
actualité, rien de notable, si ce n’est les coups bas de l’Angleterre contre la
candidature de Paris 2012. Notre président s’est lui laisser aller à quelques
caricatures de bistro des rosbifs dans leur approche de la PAC. Ainsi le fait
qu’ils n’aient apporté qu’un élément à cette politique : la vache folle.
Encore plus basique : une mise en correspondance de la mauvaise cuisine
britannique et, de ce fait, de leur impossible bonne gestion des affaires
agricoles. Voilà des envolées chiraquiennes plutôt ras de terre… pour se mettre
au niveau des journaux torche-cul comme The
Sun.
Mercredi 6 juillet
22h45. Et que se poursuive
la débandade française…
Même
les bookmakers anglais ne croyaient pas à la victoire de Londres pour
l’organisation des JO en 2012. Pourtant, la métropole aux deux cents langues a
été en tête lors des quatre tours. Certes, le dernier tour n’est remporté que
par quatre voix d’avance, mais le sentiment d’injustice dans l’équipe française
porteuse du projet ne peut en être atténué.
Chirac,
à la descente de l’avion Singapour-Ecosse (?), et avant d’aller retrouver la
Reine et Tony Blair, a dû composer, endosser le masque diplomatique, mais le
regard éperdu ne trompait pas : sa fin de second mandat ne lui aura
épargné aucune catastrophe. De Gaulle, l’homme qui a dit Non, Chirac,
celui auquel on a dit Non.
Samedi 9 juillet, 1h du mat.
Le
contraste entre le réel désespérant et le pessimisme spielberguien s’affirme. D’un côté le World tour d’Al Qaida se poursuit avec le carnage opéré dans
quelques transports en commun de Londres. Là, de vrais cadavres déchiquetés, de
vraies vies brisées, d’insoignables traumatismes ; là, de vraies crapules
terroristes prêts à exterminer à l’aveugle.
De
l’autre, La Guerre des Mondes de Spielberg, tiré du roman de H. G.
Wells, annoncé comme un film sombre : d’époustouflants effets spéciaux, de
talentueux mouvements de caméra, et 90 % du film cultive cette noirceur.
Alors pourquoi gâcher cette dynamique par des concessions à l’eau de rose qui
préservent une fin positive ?
12h30. Le bâclage de cette
issue guimauve voit triompher une pitoyable humanité capable de lyncher celui
qui a réussi à faire fonctionner son automobile pour fuir avec ses enfants.
Absurdité inconciliable de ces grappes humanoïdes qui viendront à bout du seul
véhicule disponible. Et c’est cette civilisation, si encline à la barbarie, qui
vainc les puissances extraterrestres ?
Il
manque au pessimisme prétendu de Spielberg l’authenticité courageuse de feu
Kubrick. Si seulement il avait été encore parmi nous pour traiter de l’hyper
terrorisme au XXIe siècle…
Jeudi 14 juillet
Sur
rails vers Royan, les notes mélancoliques de Coldplay en puissance auditive, je
ne peux que laisser l’angoisse émue me submerger. Le massacre terroriste de
Londres marque l’amorce extrême de la détermination : le kamikaze anéantit
toute contre-offensive. Aucune mise en sécurité ne peut prétendre à la
fiabilité. Plus rien ne compte que le jusqu’au boutisme idéologique.
Cette
interminable rengaine sanglante, l’inextricable où l’on se débat, assènent
leurs règles de folie massacrante… à hurler !
Je me
revois, déambulant dans Londres avec Marianne et son compagnon d’alors,
insouciant et curieux des monuments et recoins de cette ville-monde.
Quelle différence avec tous ceux désignés pour l’écharpement sans
retour ? Moi, en mémoire d’eux, pour partager la souffrance de familles en
désolation absolue. A l’heure de l’estival, notre capacité d’oubli se fortifie,
comme une insulte dérisoire à ce qui se manigance dans l’ombre.
Avec Depeche
Mode, c’est comme le grand souffle de la catastrophe survenue : une
coloration musicale d’outre-tombe, un bilan effrayant du chaos, les cahots des
véhicules de secours sur les gravas épars, cette agitation morbide qui
ordonnance l’urgence.
8h20.
TGV stoppé en pleine voie pour un « incident technique » selon
l’euphémisme en usage. Après ce que je viens de rédiger, l’attente s’hypocondriaque…
« Avarie sur l’indicateur de vitesse », voilà la cause de notre
attente qui dégonfle toutes les hypothèses alarmistes. Ne pas savoir si l’on
fonce à 295 ou 330 km/h c’est effectivement ennuyeux !
Et
voilà ma correspondance Angoulème-Royan qui prend la forme d’un bus !
Temps de parcours évidemment plus long : la SNCF me bouffe mon si court
temps de vacances ! Gardons notre calme…
Vendredi 15 juillet
Avec
Sally, Sarah et Karl, une douceur joyeuse pour partager la détente
estivale : baignade, bronzette, ballade, glaces… La brièveté du séjour ne
peut tolérer aucun temps mort ou gâchage par une humeur inconstante. Seule
visée : aspirer le plaisir comme des bouffées d’air attendues.
Dimanche 17 juillet
A
toute allure vers Lugdunum après ce court séjour sur la côte atlantique.
Retrouver ma tendre BB, qui sort de son week-end de labeur, comble ma part
émotionnelle, mais les retrouvailles s’accompagnent d’une reprise en force des
interventions à Cqfd. Hormis quelques rallonges aux week-ends à venir, plus
rien avant le 25 août.
Bonne
complicité avec Sarah et Karl. Ils forment un couple attendrissant,
complémentaire par leur personnalité.
Quelques
pensées à l’échappée qui volatilisent toute concentration.
Vendredi 22 juillet
Quelques
notes à la guitare sèche de Jim à l’ombre ventée du jardin de Fontès :
voilà un instant de pur bonheur. Grand-mère à nos côtés aspirent cette douceur
musicale d’une fin d’après-midi estivale. L’ordre des choses inscrit dans ce
temps en apparence disparu.
Une
‘tite pensée au grand Alain Bombard qui vient de nous quitter. Le naufragé
volontaire, avec sa bouille rassurante, a définitivement marqué l’histoire
humaine : l’hérétique est, depuis bien longtemps, devenu l’orthodoxie
respectée. Hier soir, par hasard, nous tombons sur une rediffusion de son
passage en 2002 sur TMC. Occasion de voir les images tournées depuis
l’embarcation, comme une folie assumée, salutaire pour l’avancée de nos
connaissances.
L’extension
urbaine s’insinue jusque dans ce petit coin de l’Hérault : le jardin est
désormais encerclé par l’asphalte, et trois pavillons à familles bruyantes vont
pousser côté champ vendu. Le large ruban noir et puant s’impose comme un coup
supplémentaire aux souvenirs liés au lieu d’enfance, comme une volonté de nous
retirer tout ce qui nous ancre en un point.
A
Londres, quinze jours après les saloperies de terroristes kamikazes, séance
d’amateurisme voulant prolonger les basses œuvres al qaidiennes. Un résultat minable et des traces juteuses laissées
pour Scotland Yard. Que la chasse aux fripouilles s’accomplisse sans état
d’âme, c’est le moindre.
Samedi 23 juillet
Vent
du soir, ciel laiteux, un repas partagé dans le jardin à la veille de notre
départ.
Dimanche 24 juillet
Al
Qaida, la nébuleuse des immondes, n’a pas pris ses quartiers d’été. Les
concentrations touristiques l’inclinent à poursuivre le pire de son
programme : la tuerie à l’aveugle. Après les massacres de Luxor (non
labellisés par le mouvement terroriste, alors inconnu du grand public),
l’Egypte subit à nouveau le déchaînement intégriste. Près de quatre-vingt-dix
cadavres en charpie et une économie touchée dans son nerf fragile.
Pour
nous, ce matin (sans maman et Jean) la belle plage sauvage entre Marseillan et
Agde, qu’un projet voudrait légèrement urbaniser pour rapporter quelques sous
aux communes en charge des lieux. Sale coup d’élus, si cela se fait, à l’époque
de la préservation du littoral français.
Les multiples
camping-cars qui s’enracinent entre le goudron et le sable dégorgent leurs
hôtes ensommeillés. Au programme : vue sur l’immensité vert sale au son
des véhicules. Quel dépaysement !
Mardi 26 juillet
Hier
soir, appel inattendu de Heïm. Il vient d’avoir, quatre heures durant, la
première petite amie identifiée de Hubert qui a partagé avec lui notre
appartement commun à Pantin. Occasion de déverser ses souvenirs et
analyses ; pour Heïm, l’absorption de quelques bisons et la plongée
dans ses sempiternelles interrogations. L’objet de son appel : comprendre
le gouffre entre l’affection manifestée lors de mon dernier passage exprès
(conclu par le gerbage dans la voiture de Karl) et le silence quasi absolu qui
s’en est suivi. Comme à chaque fois, dominante d’un monologue outrancier et
déformateur de mes propos. Aucune envie de polémique avec lui, j’absorbe cette
logorrhée verbale tout en glissant quelque semblant d’explications. Que faire,
que dire, lorsqu’on ne ressent plus qu’un grand vide étranger lors de ces
manifestations sporadiques ? Rompre en clair, puisque la signification de
mon comportement ne lui suffit pas ? Je ne lui fournirai pas cette ultime
victoire prétendue sur la justesse de ses prévisions (prédictions). Le
balancier entre son affection affichée et les reproches larvés conditionne son
approche. Je limite mes rares interventions au « rien à déclarer ».
Ses soixante ans se feront sans ma présence, tout juste une petite
manifestation par courrier ou texto.
Parmi
son fatras argumentatif, nouvelle allusion à la non publication de mon Journal :
pas une question financière (je m’en serais douté !) mais le décalage
incongru (et donc intolérable pour lui) entre sa formidable réussite actuelle
et la narration de mon échec. MON échec ? Voilà un nouveau motif bien
gonflé de mauvaise foi. Oublié l’action collective, ne reste plus que mon
endossement final pour protéger les autres. Alors soit ! Qu’il me pardonne
alors ce détachement critique que je ne réfrènerai pas. Tout intègre, fidèle,
magnifique qu’il se dépeint, la salauderie n’est pas loin…
Vendredi 29 juillet
En
route, dans un Corail surchauffé, vers Besançon via Dijon. Un samedi programmé
dans des canoës kayaks avec Sarah, Karl et quelques-uns de leurs amis. Ma
tendre BB doit, elle, assumer son week-end de labeur. Ciel bas, grandes eaux en
descente, rien ne transparaît pour combler la villégiature expresse. Les
éclairs lézardent la grisaille pour rendre l’atmosphère un chouia
cataclysmique ! La nature a des ardeurs qui atrophient nos élans immodestes.
Samedi 30
juillet
Depuis
la magnifique demeure des parents de Sarah, je profite de l’esthétique locale.
Le père, artiste discret mais prolifique, a passé trente années pour construire
et aménager cet ensemble. Une harmonie dans la complémentarité s’exhale du
couple P. et rend plus authentique leur coin de paradis.
De
vieilles pierres blanches aux éclats rajeunis, un parc aux espaces
confortables, une multitude de pièces accueillantes pour les amis : sous
les charme des lieux au cœur d’une petite localité française. Qu’irais-je
m’aventurer hors des frontières quand l’infinité des paysages et l’humanité
prise en individualités vous comblent à ce point ? Je n’envisage aucune
fuite vers d’improbables horizons meilleurs. Cette obsession du dépaysement,
des confins en mire perpétuelle, révèle souvent des existences ravagées par le
vide du temps gâché. Il leur faudrait apprendre la beauté de l’ancrage, le goût
de l’immobilité nourrissante, la vraie liberté de rester et faire fructifier.
L’éperdu déplacement rabougrit l’âme au primaire stade de surface narratrice.
Abscons un peu, ma formulation… En incisif : ne pas bouger pour éviter
l’artificiel.
Dimanche 31juillet
La
bande d’amis sur le lit de la Lanterne s’est joyeusement défoulée. Trois canoës
de tête : Sarah et Karl pour celui de tête, l’expérience maîtrisée ;
Olivier et moi en néophytes débrouillards un peu casse-cou ; Karine et
Vincent pour fermer la marche avec une spécialisation dans le « merde on
tourne en rond… merde… ». De bons instants de complicité, de franches
rigolades et des baignades improvisées ou forcées.
Pour
le soir, défoulements au ping-pong pour parachever la fatigue physique. Sans
aucun doute, un week-end aux senteurs de vacances… Pas mécontent toutefois de
pouvoir serrer ce soir ma douce sur mon cœur.
Découverte
le soir du frère de Sarah : personnage complexe, d’apparence hautaine et
réservée, se tenant certainement en très haute considération, porté facilement
vers le mépris des autres, mais l’esprit très affûté et le discours solide.
Facile de comprendre l’extrême difficulté qu’a eue Sarah (la petite sœur) à se
sortir du dirigisme implacable de l’aîné.
Il m’a
déposé à la gare de Besançon avec son petit bolide Alfa Roméo. Curieusement,
ses pointes sur des doubles voies (il m’avouera avoir été jusqu’à 180km/h) ne
m’ont pas inquiété. Ce type de véhicule colle à la route et ses excès ne se
faisaient qu’en situation déserte d’autres véhicules. Cette expérience me
fera-t-elle abandonner mes fulminations contre les inconsciences de conduites
criminogènes ? Sûrement pas ! mais, comme toujours, la considération
à l’unité relativise nos principes. Confirmation d’une personnalité pour
beaucoup axée vers la réussite sociale, selon les canons traditionnels :
performance et volonté d’ascendant sur l’autre, malgré une politesse et une
gentillesse affichées.
Pour
le reste, des hôtes d’une chaleureuse convivialité, le sincère objectif de
faire de ces courts instants une félicité partagée. Signe d’une symbiose
renouvelée : le plaisir de l’à-propos, du retour percutant pour déclencher
les rires en cascades. Alerte, vif, de bon aloi : à aucun moment une
morosité, une parcelle de saillance taciturne n’a germé en moi : le
fonctionnement s’avère suffisamment rare pour ne pas le célébrer ici. Entre
deux indignations désespérées, figure encore la place pour de belles réunions
humaines.
Une
Sarah aimante envers Karl, taquine et complice avec moi ; Olivier à
l’esprit affûté et réceptif, aux élans humoristiques ; Vincent au rire
communicatif, crème d’homme doux et attentif envers sa « douce »
Karine qui assume mal son surpoids (mais que l’amour de son compagnon permet de
transcender) ; les parents de Sarah déjà évoqués dans ces pages et
confirmés dans leurs qualités en ce trop court dimanche… En somme, un tableau
idéal de ce que devrait être toutes les réunions amicales.
Mercredi 3 août
A
noter, dans un des groupes en formation financée par la région, un personnage
au profil intrigant. D’origine maghrébine, d’une politesse prononcée, d’une
gentillesse prévenante à l’égard des formateurs, il reste toujours à part du
groupe. Dès qu’un instant s’offre à lui (pause, devoir achevé…) il se plonge
dans un bouquin. Celui en cours pourrait révéler ce qui couve en lui : la
fin des temps chez les prophètes (titre de mémoire). Je songe à ces jeunes gens
installés, brillants, bien éduqués, sans histoire, ayant construit une famille,
mais qui n’ont pas reculé face au projet de terrorisme kamikaze. Anéantir
autrui et soi-même pour ses idées… Qualité de la détermination, mais atroce
nihilisme paré d’une pseudo renaissance.
Reçu
lundi soir le parrain de BB et son épouse, qui nous avaient prêté le très utile
échafaudage lors de la réfection de notre appartement. Couple agréable et en
phase totale avec nous sur le gâchis du rejet du traité constitutionnel pour
l’Europe.
Enfin,
Coldplay passe en concert en France : quatre date dont une à Lyon. Je n’ai
beau pas avoir le tempérament du fan, j’attendais cette nouvelle avec
impatience, au point d’aller me connecter sur leur site. Leur atmosphère musicale
m’a conquis en trois albums portant leur style et laissant une large part à
l’évolution créative. La patte du groupe et l’inspiration sans retenue :
l’équilibre dans la démarche du groupe leur assure une pérennité de carrière à
l’échelle mondiale. Bravo à la fibre musicale anglo-saxonne, encore une fois.
Les
politiques prennent leurs quelques jours de congés et les membres du
gouvernement clament aux médias ne surtout pas se couper des actions en cours.
Deux mois après le tonnerre référendaire, la rébellion électorale s’assimile à
une erreur grave d’objectif. La rentrée européenne risque de tenir de
l’équilibrisme handicapé par les humeurs françaises et néerlandaises. Du
repliement à l’effondrement, le risque n’est plus inconcevable.
Vendredi 5 août, 23h35
Ma BB
en vacances jusqu’au 30, moi au labeur renforcé jusqu’au 24. La stabilité
professionnelle est à ce prix.
Le
Portugal subit, cette année encore, de gigantesques incendies combattus par les
dérisoires moyens en sa possession.
Samedi 13 août
Week-end
prolongé à Arles. Hier soir, découverte du logis de Louise et Richard :
une ou deux pièces par étage, et le quatrième constitué d’une petite terrasse
bordant le toit. Comme souvent, animation des débats en fin de soirée : de
l’art moderne au dopage sportif, de quoi bretter avec l’intellect en passion.
Nous
logeons chez Romy, au-dessus de la vieille acariâtre qui tient le magasin La
Vie claire au rez-de-chaussée et passe ses nerfs au-dessus. Pour nous
manifester la non bienvenue, la laide foldingue, à partir de sept heures du
matin environ, fait claquer les portes de son appartement réparti sur plusieurs
niveaux (une spécialité arlésienne !) et auquel on accède par l’escalier
de service. Sans doute insatisfaite du chambard, elle le complète lors d’un
déplacement par le tintement d’un couvert de la vaisselle, tapant
vigoureusement ses pieds sur les marches. Une emmerdeuse invétérée en
somme ! Ses humeurs maussades, c’est bien tout ce qui doit péniblement
remplir sa pitoyable existence… Triste bonne femme qui cultive une jalouse
méchanceté à dégonfler avec un gargantuesque éclat de rire.
Hier,
Heïm a eu soixante ans, à fêter dans le cercle le plus restreint qu’il pouvait
imaginer. Aucun enfant de sang à ses côtés, des enfants de cœur réduits à la
furtive présence de Karl, son épouse, sa mère peut-être, et sa complice
collaboratrice Monique. A moins que quelques amis lui aient rendu visite. Pour
ma part, j’ai limité ma manifestation à un courriel lapidaire. Peut-être lui
enverrais-je un présent depuis la Touraine, lors de ma petite semaine de
vacances.
En
attendant, bien plus motivant, je vais déambuler avec ma douce au marché coloré
d’Arles.
Fin de
journée, plage des Saintes Maries avec vent doux de côté et sable déserté. La
fille de Richard goûte une dernière fois l’écume des vagues, tandis que les
adultes l’attendent sagement. Rien à redire sur cette quiétude partagée :
seul André n’y participe pas, l’eau et la plage n’ayant jamais été son élément.
Dès
que les périodes de repos se raccourcissent, je profite davantage de chaque
instant, sans laisser pointer les morosités, les pessimismes, les abattements,
versant désagréable de ma cyclothymie.
Dimanche 14 août
Un peu
d’introspection. J’ai souvent eu un rapport complice avec les petites filles.
Arrgh ! Si je camais à l’instant d’un arrêt cardiaque, d’une attaque
cérébrale, que pourrait-on conjecturer ? Je m’empresse donc de noter que
cette complicité ne charrie aucune purulence malsaine, aucune dérive perverse,
aucun penchant… p.é.d.o.p.h.i.l.e. ! A-y-est le mot est lâché. Ou plutôt
si, ma pédophilie est grande, mais dans sa seule acception étymologique !
J’aime les enfants s’ils sont aimables… ce qui réduit considérablement la
frange humaine concernée. Mais je digresse de mon exposé initial.
J’ai
remarqué, dans mon comportement, chaque fois qu’une enfant manifeste, par ses
paroles et ses attitudes, une inclination au rapport affectif, une systématique
prise de distance avec l’être juvénile. Non point que j’anticipe un élan
scabreux et déplacé de ma part, une quelconque tentative sexuelle
m’horrifierait, me dégoûterait même ! mais je considère avec la plus
extrême méfiance le regard interprétatif des adultes. Ne surtout pas faire
naître chez eux le soupçon abusif, le doute accusateur. Voilà une manifestation
sans conteste du poids social et de ses conditionnements.
Je
dois tout de même confesser l’excitation ressentie pour une bien plus jeune que
moi, lorsque j’avais onze ou douze ans… En visite chez des amis de ma tante
Mona, une fillette de six ou sept ans m’allumait explicitement, venant, par
exemple, s’asseoir sur moi et frotter sans retenue ses petites fesses sur mon
sexe précoce. Un souvenir révélateur de ce qui peut arriver si l’on ne prend
pas garde de mettre des bornes là où l’enfant ne voit qu’un jeu émoustillant.
C’est bien là le rôle de l’adulte.
Notre
potentiel crade ne connaît pas de mesure dans notre for intérieur. Etre moral,
ce n’est pas annihiler ces émergences in
petto, mais de savoir ce qui peut exister dans la sphère sociale (le social
commence avec l’autre, quel que soit le degré d’intimité partagé) et de doser
le possible en fonction de la configuration externe.
Lundi 15 août
Pas du
tout la part sombre, aigrie ou désespérée qui a triomphé hier après-midi.
Retour aux Saintes Maries, direction plage, avant l’arrivée je prends soin
d’acheter une belle planche dans l’espoir de bénéficier des mêmes vagues que
samedi. Vœu comblé au centuple : la Bleue agitée m’a fait renouer avec le
pan juvénile en léthargie dans un coin de ma carcasse. Même la fille de Richard,
dix ans, n’a pas tenu la distance de l’amusement total. A son excuse : la
violence des vagues pesait beaucoup plus pour son frêle corps.
Jeudi 25 août
Privé
de mon Manus XIII, ayant pris le XII complet par erreur, je me contente
du verso de feuilles mobiles. Recopiage suivra à Lyon.
Arrivés
hier soir à Pernay, reçus comme des amis chers par Lydie, rejointe peu après
par Corentin, nous passons la soirée ensemble dans leur joli logis campagnard.
Toujours la gentillesse incarnée dans leur réception, je ressens quelques
tensions, notamment entre Lydie et sa fille Adèle. La petite fille blonde de
Royan mûrit, ses cheveux foncent, ses formes s’affirment, ses treize ans
complexifient sa bouillonnante personnalité. Début septembre elle entre en
internat à Tours, à sa demande. Comme Elo (mais avec quelques années d’avance)
elle veut goûter l’éloignement du cocon oppresseur.
Pluie
fine sur le tourisme, qui fait du bien aux nappes, mais engrisaillent les
paysages. Nous apprécierons plus profondément les intérieurs châtelains.
Programme du jour : Abilly, La Guerche, le Grand-Pressigny, Chambon et
Boussay. Boulimique ?
Vendredi 26 août
Début
humide au Grand-Pressigny, arrêt gourmand à l’auberge du Pont Neuf à Cussay et
l’après-midi de visites en enfilade. Château de Boussay, entouré d’eau, avec
deux chérubins de la demeure jouant sur une barque ; château de Rouvray,
près de Chambon, et son vieil occupant comme guide, archétype de l’aristocrate
désargenté, négligé sous les ongles, avec son costume vert en grosse côte, qui
nous dévoile laborieusement les atours de son domaine dégradé ; forteresse
de La Guerche, enfin, beaucoup plus professionnelle dans son accueil, avec sa
jeune guide passionnée, qui nous rappelle Fanny dans sa verve et sa plastique.
Hier
soir, petite visite à Lydie et Corentin (Adèle passe furtivement nous embrasser
avant de retourner se scotcher sur MSN) qui nous révèlent le projet pour
dimanche : promenade autour de Pernay en… Torpédo 1934. Restaurée par le
père de Lydie, il n’en existerait plus que deux exemplaires en France, et
celui-ci serait le mieux conservé. Avec mon Panama sur la tête, la frime
s’annonce jouisse !
Samedi 27 août
Au
programme du jour : un croissant à l’Est de Tours truffé de huit châteaux
plus Amboise en son cœur.
Hier,
après treize ans et mon voyage en Indre-et-Loire avec Kate (qui n’avait pas
donné lieu à un quelconque épanchement dans ce Journal) je retourne avec
ma BB sur les lieux de mastodontes touristiques du département :
Villandry, Ussé et Azay-le-Rideau hier, Chenonceau et peut-être Amboise
aujourd’hui. L’aménagement pour recevoir les dizaines de milliers de visiteurs,
sur une saison, tranche avec la timidité de l’accueil de petits châteaux comme
Vouvray ou même La Guerche.
Première
déception du séjour : les Songes et lumières, spectacle visuel et
auditif dans le par cet sur les murs d’Azay. Sommaire, statique voire bâclé,
rien de l’enchantement annoncé sur leurs affiches disséminées dans le
département.
Dimanche 28 août
Jour
de la Torpédo 1934 pour une ballade mémorable. Hier, notre croissant s’est
réduit à trois points : Chenonceau, Athée-sur-Cher et Montlouis-sur-Loire.
A ce dernier, exposition dans le parc à l’anglaise des photographies La
terre vue du ciel de Yann Arthus Bertrand. Le soir, partage d’une omelette
aux œufs de pintade avec Lydie et Corentin.
J’apprends
qu’à Chancaux, près de Loches, Gonzague Saint-Bris a invité ses amis écrivains
pour une fête du livre. Parmi eux, Madeleine Chapsal que j’ai perdue de vue
depuis quelques années. Epoque illusoire où je me croyais éditeur, voire
inscrit dans le monde des lettres. Belle baudruche dégonflée depuis. Ecoulement
du temps, depuis, autour d’ambitions bien plus modestes et réalistes. Le
méprisable serait de persister à cultiver ces chimères jusqu’au pitoyable. J’écris,
certes, mais rien qui mérite plus que sa trace à l’encre manuscrite.
A
noter : les propriétaires du château de Montlouis-sur-Loire, qui fait
l’objet d’une exploitation commerciale diversifiée (chambres d’hôtes, visites,
réceptions…) sont deux frères de Broglie (prononcer de Breuil) fils du
ministre assassiné dans les années soixante-dix, affaire sombre de la Ve
République restée non élucidée. Le Crapouillot s’en était fait l’écho
dans plusieurs de ses numéros.
18h30.
Splendide journée qui s’achève. Déambulation autour de Pernay avec la Rosalie :
les gens nous font des petits signes amicaux, de largues sourires, des pouces
dressés, admirateurs… Jamais je n’aurais vu autant de comportements positifs
dans le monde automobile. Il faut une superbe antiquité pour provoquer du
consensuel convivial, pour que ceux qui nous suivent à 60km/h de pointe ne
songent même plus à nous doubler, pour que ceux qui nous croisent sur les
étroites routes départementales s’écartent respectueusement, voire s’arrêtent.
Une féerie sur route, instant rare à savourer. Sur notre trajet, quelques jolis
châteaux et jardins qui portent à dix-sept le nombre de sites vus ou visités en
quatre jours. Des vacances remplies qui s’achèveront demain à Loches, avant un
retour ensoleillé sur nos terres lyonnaises.
Lundi 29 août
La
plupart des estivants ont repris leur labeur : nous nous préparons pour
une journée estivale à Loches. Le jouissif de se détendre en sachant les autres
happés par leurs obligations, est un peu
basique, mais efficace pour la paix intérieure.
Lors
d’un déjeuner avec ma BB, j’évoquais l’idée de reprendre contact avec Alice, une
fois Heïm décédé. Pourquoi attendre ? Pour ne pas présenter le flanc aux
critiques qui conforteraient un peu plus Heïm dans ses certitudes d’avoir
raison sur tout et tous. Je dois l’avouer, les deux êtres dont je regrette de
m’être éloigné pour la complicité quasi permanente que l’on partageait se
résument à Karl et Alice. Si je conserve un lien épisodique avec le premier, la
seconde a subi mes foudres, et sans doute ma haine circonstancielle, lors de sa
rupture affective avec Heïm et surtout de son départ avec Leborgne me laissant
la charge de liquider Sebm. Très loin tout cela, et j’en viens presque à lui
donner raison. J’espère qu’elle ressent les mêmes choses, et qu’une fois la
lourde présence de Heïm évanouie, nous pourrons rétablir une saine et
inaltérable affection.
Samedi 3 septembre, 23h30
Chaleur
accablante atténuée par le ventilo.
Les
Etats-Unis subissent, sur une surface équivalent une demie France, les
conséquences dramatiques de la dévastatrice Katrina : cyclone dévoilant
les graves faiblesses du pays le plus puissant. Les images de jungle urbaine,
de population tiers mondisées, de réactions dérisoires des autorités,
pourraient renforcer les extrémistes anti-américains dans leur inatteignable
victoire contre le Grand Satan. Le cocasse absolu : un Fidel Castro
proposant une aide (médicale, je crois) à l’administration Bush… qui
l’accepte ! Jamais aucun romancier n’aurait pu songer à une si extravagante
situation.
Finalement
l’aventureuse expédition en Irak n’est-elle pas en train de vider le pays de sa
substance financière et logistique ? Imaginons une attaque surprise de
masse d’une puissance étrangère (étatique ou plus sûrement nébuleuse terroriste)
sur le sol américain. Comment rapatrier efficacement les forces militaires
concentrées loin du pays qu’elles sont censées défendre ? Espérons que
cela n’arrive jamais, sinon l’Europe deviendrait alors première dans la ligne
de mire des apprentis destructeurs de la civilisation occidentale.
L’implication
des grands médias français dans l’image que doit donner notre pays à son grand
allier les oblige à occulter les très nombreuses réactions de satisfaction des
haineux de l’Amérique (que l’on peut aussi qualifier de complaisants pour les
tarés de l’islamisme) présents sur notre sol.
Notre
pays, si attentif à réprimer les manifestations de racisme et d’antisémitisme,
devrait se doter d’un arsenal juridique et judiciaire (notamment par
l’expulsion ou l’emprisonnement) de tous ceux qui s’adonnent à l’éloge ou
l’admiration passive de nos ennemis civilisationnels. Hitler c’est de
l’histoire, alors que là c’est l’urgence de la survie présente. Notre capacité
d’accueil ne doit pas constituer le premier jalon de notre destruction.
Le
terrain politique français qui devait tonner de l’étripement larvé entre
Sarkozy et de Villepin vient brusquement d’adopter la mine grave des émotions
quasi consensuelles : notre président est hospitalisé au Val de Grâce pour
une semaine après un « petit » (insistent les médias) accident
vasculaire qui lui a brouillé la vue. L’hôpital militaire accueille
périodiquement Heïm pour divers examens : il serait amusant de les
savoir tous deux sous le même toit !
Samedi 10 septembre
A la
veille du quatrième sombre anniversaire de l’hyperterrorisme. Les terres rouges
de Lions m’accueillent. Les voix féminines assurent le minimum musical.
Le 11 septembre écologique stigmatise les Etats-Unis dans leurs failles de
développement. Serait-ce le fédéralisme qui paralyse la réactivité adéquate,
qui englue toute action d’envergure ? Serait-ce la ségrégation larvée qui
a retenu le déferlement des gros moyens pour sauver les rescapés du
fléau ? Serait-ce le signe d’une superpuissance anémiée par ses engagements
extérieurs, incapable d’une saine gestion intra-muros par temps de messianisme
à la sauce Bush ? La cohorte des occupants du cloaque pétrifie :
similitude avec les aires depuis longtemps abandonnées à leur chaos.
L’affliction
demeure localisée à son environnement immédiat : le ludique qui se
déchaîne ici, en zone pour l’instant préservée, ne peut occulter les corps
gonflés flottants, charognes improvisées laissées au hasard des artères
submergées, le temps des vivants à évacuer n’étant point achevé.
Le
superflu, à côté, mais si troublant, c’est une vue plongeante sur un pied
féminin délicieusement chaussé. Du pointu cuir blanc entouré d’un simili
dentelle d’albâtre derrière lequel se dessinent les orteils mignons. Les
envolées lyriques autour d’une finesse de peau, d’un grain velouté, valent tous
les drames cataclysmiques. Pour le meilleur de l’incarnation des délicatesses
de ce monde, ce pied méritait le piédestal du charme.
Série
de mélodies à boire pour nourrir les hôtes enivrés. A chaque fois, l’hymne de
98, le moisi I will survive, tisse la communion d’une soirée, avant de
se klaxonner, de s’insulter et de s’écraser sitôt engoncé dans sa taule
roulante. Pas à une contradiction près le convive déconfit. Ondulations et
strangulations se cumulent sans pudeur. Et les islamistes fustigent nos
affalements barbares. L’éradication jumelée des populations et de leurs mœurs
fétides s’accomplit.
Jeudi 15 septembre
Journée
estivale au parc de la Tête d’Or pour, certainement, la dernière pause en
semaine de l’été. Une mise à profit de cette douceur ensoleillée pour corriger
les reliquats de divers groupes en formation.
L’actualité
ronronne du sociopolitique intérieur et de l’après catastrophe de la
Nouvelle-Orléans. Chirac expérimente la convalescence au planning allégé,
laissant le bellâtre de Villepin représenter la France à l’ONU pour le
soixantième anniversaire de sa création. Opportune consécration de
circonstances pour celui qui a fait vibrer le Conseil de sécurité lors de
l’opposition au coup de force américain en Irak.
Au
café du musée, à la Cité internationale, un gars allumé sur un banc se lève,
périodiquement, pour pousser quelques gueulantes dans le vide. Discours
incohérent duquel, finalement, je me rapproche parfois. Le déjanté a eu
toutefois la lucidité pour attraper son bus à temps.
Que
peut valoir un témoignage écrit lorsqu’on l’ampute de l’indicible, du plus
secret, de ce qui formerait la facette malsaine, donc attractive, du
diariste ? Une telle transparence ne s’admet que dans le roman ou l’œuvre
posthume de mémoire.
Changement
de décor : sur un banc qui borde l’allée du parc, le défilé des coureurs
s’égrène avec toute la diversité des souffles, des mouvements, des mines… voilà
bien un sport que je ne pratique pas. La course à pied m’emmerde au plus haut
point, et je ne crois pas à sa vertu physique. Mes quarante minutes de marche
quotidienne m’apportent bien plus. Cet acharnement à pousser son corps jusqu’à
la défaillance anéantit tout attrait, si ce n’est pour croquer quelques
portraits cocasses.
Par
exemple le bellâtre musculeux qui vient de passer pour la seconde fois :
un physique de membre du GIGN avec le maillot culotte intégré, qui veut en
mettre plein la vue de ses collègues. La femme aux yeux clairs dont la course
en solitaire accentue le regard interrogateur. La silhouette parfaite d’une
demoiselle qui peut largement se dispenser de ces agitations (à moins qu’elles
en soient la source). La majorité suit le même sens, comme un parcours obligé,
mais quelques récalcitrants retiennent l’inverse pour multiplier les
croisements. La jeunette aux vêtements amples, pantalon synthétique dont les
jambes font un son de crissement.
A une
trentaine de mètres dans deux directions différentes : un écureuil maître
du saut de branche en branche, un autre aux aguets dans l’herbe. Trois fois
pour l’archétype du GIGN ! Tous ces gens qui s’épuisent sans raison
rationnelle, ça me suggère un bâillement. Là, à dix mètres de l’écureuil
réactif à la moindre secousse suspecte. Le p’tit gars, plus tout jeune, nageant
dans un tee-shirt trop large, trop long, et poursuivant l’effort avec un rictus
ravagé. La jeune femme, ustensiles pro au côté (petite gourde, pochon de
sucreries, etc.) qui conservent son rythme comme un bien précieux. Que tout ce
beau monde s’épuise, moi je me détends en attendant ma BB.
Petite
toile ce soir pour suivre les aventures du « bon bout de la raison »,
celle de Rouletabille bien sûr : après la chambre jaune
télédiffusée hier soir, la dame en noir va nous révéler la face
inavouable du reporter.
Et de
quatre pour le commando gendarme en solitaire… Le style inverse : deux
braves dames qui devraient mieux marcher tant la lenteur et la modestie des pas
laissent supposer l’incapacité pédestre. Le jogging : course vaine pour se
purger des malfaisances de la vie urbaine.
Du
remplissage pour rien tout cela ? Pas pour la gloriole, la rémunération ou
l’utilitaire : un semblant d’existence pseudo artistique à l’image de
cette flopée de pseudo athlètes. Rien de bien sérieux donc. Quelques illusions
d’être lu sur la toile d’Internet… en réalité du pas grand-chose… Le factice de
toutes ces vies qui s’agrègent autour d’une improbable santé préservée voire
améliorée.
Dimanche 25 septembre, 22h35
Nouveau
relâchement dans ce suivi, alors que mes activités d’écriture s’éparpillent.
Avec Internet depuis quelques mois, un petit site, intitulé Indignation,
présente quelques extraits de mon Journal habillés en articles indignés
sur divers sujets. Plus récemment un autre site, sur le même modèle de base,
baptisé Journal réfractaire, donne place au diariste 1991. Une façon de
sortir très timidement de l’état manuscrit pour ces pages, mais rien de
transcendant pour la quantité de lecteurs. Dernière initiative, pour cumuler
davantage de pages, l’ouverture d’un blog, Loïc Decrauze en verve, qui
reprend le contenu effacé, par manque de place, sur les deux sites évoqués.
Très
factuel out ça, et bien fade de style, mais nécessaire jalonnement d’une vie
somme toute très calme. Intérêt propre de garder trace des événements ayant
marqué ma modeste existence. Ouh ! que tout cela est mauvais… aucun enclin
à écrire, pas d’inspiration, aucune envolée… Fade, fade !
Ce
n’est pas avec cet avachissement artistique que je pourrais poursuivre la
rédaction du récit inspiré de mon Gâchis 91-99. J’ai redécouvert le
travail effectué ce qui m’a redonné l’envie de ce projet.
Semaine
de vraie rentrée professionnelle pour Cqfd, avec une intensité maximale du 10
octobre à début décembre. Présence des aspirants lieutenants qu’il faudra
préparer sans relâche.
Quoi
d’autre ? Emma et François semblent avoir trouvé une maison à acheter dans
un patelin rural, Elo a rompu avec Ivan, Liselle a quitté Châlon-sur-Saône,
Michelle ma cousine a mis au monde son deuxième enfant (dans le désordre tout
ça), Joëlle semble atteinte de dépression et ne souhaite toujours pas nous voir
(dernière entrevue pour le passage à la nouvelle année)…
Côté
actualité, l’international domine avec le déchaînement de dame Nature contre
les Etats-Unis : les intégristes musulmans trouveront toute satisfaction
dans ce signe prétendu divin… Position à mépriser et à combattre. Les points
chauds du globe s’entretiennent au sang des sacrifiés : Irak, Israël et
Palestine, Afghanistan, Afrique pour partie, Amérique du Sud partiellement…
Revu
ce soir avec plaisir Le Placard qui campe avec finesse comique les
travers de notre univers professionnel dans l’alchimie humaine nécessaire mais
truffée de ratés.
Avec
mes binocles sur le nez, je ne parviens pas à faire décoller la plume. Ne pas
insister et s’éclipser.
Un an
et deux mois que le Manus XIII est ouvert. Bien poussif.
Peut-être
devrais-je narrer le clandestin, le vraiment perso, les délires sur le tchat
par exemple, les dérives dans ce monde virtuel, vraie drogue pour l’esprit et
ses aspirations érotiques.
Mardi 4 octobre, 22h30
Coucher
tôt, pour lever à l’aube, le rythme s’accélère dans mes interventions à Cqfd.
Pas le temps de voir défiler trop vite ce temps. Je me rapproche de la
quarantaine sans avoir vraiment joui à plein de l’existence. Les impératifs
matériels hypnotisent notre temps de vie alloué et l’on remet à plus tard les
impossibles réalisations.
Chirac
de retour sur la scène médiatique, après son souci médical, vient moucher et
ridiculiser le choix de titre du Parisien, l’un des seuls journaux parus
aujourd’hui en cette journée folklore de manifestation. Devant caméras et
micros, il revient sur sa position sans atermoiement concernant la future
adhésion de la Turquie. On peut reconnaître, sans partager sa finalité, la
force de ses arguments : préférons-nous avoir une Turquie avec nous dans
une Europe plus lourde face aux Etats-Unis, ou voir ce grand pays,
humilié d’avoir été rejeté malgré ses efforts de démocratisation, tomber dans
l’escarcelle des intégristes islamistes ? Vrai problème qui, je le
confesse, effrite un peu ma conviction. Que sera notre pays dans quinze ans, et
que vaudra notre Union ? Peut-être ne pas se hâter de répondre, mais
apprécier les faits, les changements réels.
Dans
cette télé de plus en plus merdique, quelques perles d’émissions où fuse
l’esprit, le raisonnement et qui maintient l’art du débat télévisuel comme au
bon temps du sublime Droit de réponse de l’irremplaçable Polac.
Ces
émissions auxquelles je souhaite rendre cet hommage confidentiel : C
dans l’air d’Yves Calvi, qui vient de se voir confier en plus l’émission
mensuelle Mots croisés ; N’ayons pas peur des mots sur ITV
avec les truculentes interventions de Philippe Tesson, Riposte de Serge
Moati…
Dimanche 9 octobre
Chaleur
ensoleillée pour ce jour de veillée d’armes à Cqfd, nos vingt-deux aspirants
lieutenant débarquent, complétant nos emplois du temps à bloc. Plongée dans la
note de synthèse, panoramas tous azimuts de l’actualité, des institutions et de
tout ce qui peut enrichir ces têtes curieuses de connaissances.
Nous
saurons demain si de Villepin est un bravache grandiloquent ou s’il fait
effectivement « liquider » les braillards de la Société Navrante des
Cons Maritimes. Cette frange nationaliste qui pousse à la corsisation
des emplois aura réussi, avec la complicité de la CGT, à anéantir cette
société, ruiner l’économie de l’île et engluer les activités du coin. Les
intégristes du syndicalisme, la STC, exigent une nation corse, mais veulent,
dans le même temps, conserver le pognon de l’hexagone pour leur personne morale
sous perfusion financière. La performance de Corsica Ferrie s’explique aussi
par les incompétences cumulées, à tous les échelons, de sa concurrente
moribonde.
Je
l’ai vécu au premier plan à l’été 2003 : retards, incapacité à encadrer et
éclairer les voyageurs mécontents, impossible réactivité… Aucune tolérance donc
pour ces troupes engraissées par notre argent et qui se croyaient à l’abri de
toute sanction. Leur prétendu service public, ils l’ont méprisé, sali, tout au
long de ces décennies de déficit. Qu’ils s’acquittent donc de cette ardoise et
cessent d’encombrer les plages médiatiques.
Samedi 5 novembre, 1h40 du mat.
Un
mois d’abstinence dans ce Manus XIII qui n’en finit pas de s’éterniser
sous ma plume sporadique.
A la
période pédagogique chargée chez Cqfd, je peux invoquer une relative léthargie
de l’esprit. Rien d’irrémédiable, mais une inclination à laisser s’écouler le
temps, à laisser vrombir le monde, sans réaction solide et argumentée.
Pourtant,
la semaine des « racailles », le déchaînement des
« voyous » à « karchériser » au plus vite, impose la
gueulante. Les yeux se fermant et la plume m’échappant des mains… A suivre.
Dimanche 6 novembre
Les
médias font leur compte rendu quotidien des vandalismes, saccages et incendies
criminels opérés maintenant dans toute la France. L’émulation du pire avec le
compteur médiatique amorce une période encore plus sombre pour le pays. La
barbarie couvait bien chez les « racailles » : capables de
verser de l’essence sur des voyageurs dans un bus et de laisser cramer une
handicapée ; capables de détruire des écoles primaires ; capables
bientôt de tabasser au hasard des rues. Le jeu destructeur ne cessera qu’avec
un drame majeur (un incendie qui tuerait quelques dizaines de personnes) ou
l’envoi de l’armée et l’imposition d’un couvre-feu dans ces zones urbaines.
L’Etat ne doit rien céder.
Dimanche 13 novembre
De
retour au bercail lyonnais après les chaleureux séjours chez maman et papa.
J’ai dû focaliser une bonne partie de mon temps sur la correction de la
foultitude de copies embarquées.
Malaise
informulable lorsque maman et Gilles nous ont déposés à la gare de Cergy
Saint-Christophe pour que l’on prenne le RER A. Cette ville nouvelle, prototype
sans âme du dortoir aux relents de ghetto pour maghrébins et noirs, m’est
remontée à l’arrière gorge en déambulant dans son artère principale en
décrépitude. Pourtant, rien de hideux pour l’architecture, et même un quartier
conçu par Bofill qui tend à la grandiose esthétique, mais un peuplement
monolithique dont les saillances se résument aux quelques terreurs locales. Le
gros du reste vivote dans cette ville fantoche, alternant entre peur diffuse et
apathie salvatrice. Je m’explique mieux, cette replongée dans le sordide
invivable (par l’ambiance dégagée par les traîneurs du bitume) mon total
retrait de toute vie extérieure en dehors du lycée. Un aller-retour entre
l’établissement scolaire et l’appartement HLM de la rue Montedour suffisait à
alimenter ma nausée existentielle. Extrême détachement de ce monde barbare,
refuge dans l’écriture ésotérique (Les boyaux de la pomme à Guillaume)
et une misanthropie galopante.
Dans Le
Monde Week-end, le témoignage anonyme d’une habitante de la
Courneuve, à la cité des 4000, depuis vingt-huit ans. Une insulte pour la dignité
humaine que cette pesante quotidienneté qui fait de votre vie un renoncement de
chaque instant. La lucidité ne l’a pourtant pas abandonnée. Sans doute encore
plus terrible à vivre. Cette rapide immersion au sein de cette
localité-dépotoir m’a un peu plus édifié sur l’influence primordiale du cadre
de vie sur la santé psychologique de chacun. Et par cadre incluons les grappes
humaines qui ennoblissent ou empuantissent l’ensemble minéral.
Dimanche 20 novembre, 1h30
L’essoufflement
des vandales de cités ne doit pas nous endormir. A croiser ces bandes de
branleurs primaires, on ne peut qu’exacerber son exécration pour ces humains de
façade. Ces ineptes ont toujours tout à reprocher au système et rien à remettre
en cause chez eux. Parodie d’existence qui sert les potentats de l’économie
illicite. Et la collectivité paiera encore, quelques ajouts aux fonds perdus
pour éviter une politique expéditive qui ne s’encombrerait pas de ces mollesses
démocratiques.
Sortit
de ces purulences pour le quotidien banal d’un temps qui défile.
23h.
Le tournis de ces semaines à grande vitesse ne laisse aucune place au
retranchement créatif. Mes blogs et sites sont en sommeil depuis des lustres et
rien en moi ne m’incline à les reprendre. Un vide cultivé pour ne rien avoir à espérer
comme avenir artistique. Seule cette sauce noire sur carreaux vivote
péniblement, sans impérative justification, aux accents de plus en plus fades…
Avec
ma BB, la vie s’écoule sans saillance, mais dans une douceur renouvelée. Sans
doute une lourde fainéantise existentielle ne m’incline à aucun dépassement de
moi. Ma perspective se borne au gentillet chez-soi et aux plaisirs de
l’instant.
Le
cirque campe chez les socialos : un Congrès qui aboutit à la synthèse des
ennemis d’hier. Bonne figure pour la parade, jusqu’à la désignation (fin 2006)
du candidat aux élections présidentielles.
Jeudi 24 novembre,23h34
Premières
neiges sur Lugdunum, je maintiens mon éveil pour quelques notes. Appel d’Elo ce
soir : elle a raté son DECF et doit subir les foudres maternelles. Son
éloignement à Clermont Ferrand n’a pas apaisé les fureurs de la dame. Dans ses
délires verbaux, elle ira même jusqu’à reprocher à mon ex élève de ne pas
m’avoir pris comme petit ami ! Pour le moins incongru de la part d’une
mère qui me payait pour que j’enseigne le français puis la philo à sa protégée.
Quel gâchis que leur vie avec tout le potentiel du bonheur harmonieux mis à mal
par ces coups de folie.
Dimanche 11 décembre
Hier
soir, alors que nous recevions Jean-Luc (frère d’Anna) et sa compagne Barbara,
appel de maman écœurée : Bruce s’est bien marié avec cette femme d’origine
du Kirghiztan qualifiée de « garce manipulatrice ». Refusant
d’embrasser sa belle-famille, y compris les adorables petiots Alex et Raph, au
nom de sacro saints et fumeux principes, l’immigrée clandestine s’est répandue
en effusions baisouillantes sur ses amis présents. Son mépris
inexplicable (sauf à être la résultante de discours conditionnants de Bruce ou
d’une stratégie de mariage blanc visant à écarter d’emblée les membres
familiaux gênants pour son méprisable dessein) ne s’accompagne évidemment pas
d’une existence assumée dans son volet financier : six mois de loyer non
payés avec papa caution. Le duo malfaisant réserve encore de bien crasses
surprises.
Vendredi 23 décembre
La
tournée festive s’amorce avec ses enivrements culinaires et les chaleureuses
plongées familiales.
Coup
d’envoi avec la petite et joyeuse équipe de Cqfd chez Vattel, sélectionné par
O., l’initiateur des parenthèses conviviales. Occasion d’amplifier les
complicités avec les membres de l’équipe pédagogique, notamment L. (responsable
de la formation), H. et S. Par certains aspects, la mécanique humoristique
instaurée s’apparente à celle qui émerge à chaque retrouvaille avec Karl.
Hier
soir, après plus de deux mois et demi d’abstinence bloguienne, je
modifie les huit pages de mon site Indignation.
Sélection des passages, depuis 1991, rédigés au lendemain de Noël, avant ou
après le Nouvel An : du sombre pour l’essentiel. La charnière 93-94 s’affirme
comme le summum de mes désespérances cultivées. Bientôt douze ans après ces
désillusions abyssales, mon univers lyonnais a enterré ces épisodes de
perdition dérisoire. L’engluement dans ces affaires en ruines m’a vacciné
contre toute ambition mal placée, aventure collective où l’on ne maîtrise que
son engagement moral, sans influx réel sur la machine occupationnelle.
Un
bleu ciel d’hiver surplombe notre déplacement grande vitesse. L’apaisant
défilement de ces paysages du centre suspend nos confinements urbains :
les harmonies des pastels endormis, les dénivellations pelées où le bois impose
ses marrons dégradés.
Alternance
du brouillard enveloppant et des luminosités à fleur de ciel avec l’extrême
émotion de That Particular Time d’Alanis Morrissette : les sens
exultent.
Samedi 24 décembre
Au
chaud, la maisonnée de Saint-Crépin, le Noël s’annonce paisible, gourmand et
ludique.
Quelques
numéros de presse sur l’actualité de l’année 2005 : drames humains,
saloperies politiques, trahisons et accords interlopes, le lot commun d’une
rance humanité. Si notre propre vie semble préservée des malheurs en chaîne, le
spectacle rapporté du monde inclinerait à l’érémitisme définitif. Mon retrait
maximal de l’activité publique m’a fait abandonner le suivi d’un embryon groupusculaire
à Lyon, pour agiter les idées, débattre et rédiger… Aucun entrain pour ces
fariboles intellectualisante. Je reste dans cette ombre absolue du diariste
épisodique, répétitif, ronchon et démobilisé. Seules lucarnes pour le
tout-venant : deux blogs et deux micro-sites reprenant quelques pages
choisies de ce Journal. Bien maigre ambition, mais qui colle sans effort
à ma nature réfractaire : réfléchir et s’indigner sur le monde, oui, mais
qu’il n’envahisse pas !
Le
couple des néfastes, la kirghize et le caractériel, ne sont point associés au
Noël familial. Une douceur de vivre est ainsi préservée, même si cela nourrira
leur ressentiment pour cette famille qui les rejette ! Je n’éprouvais déjà
plus rien d’affectif ou de positif pour ce collatéral, mais son alliance avec
une manipulatrice pétrie d’opportunisme grossier (pas besoin de la jauger en
réel, les dires des proches me suffisent amplement !) m’incline à cultiver
méfiance, dégoût et abhorration du
malfaisant. Les années passées, la maturité n’a pas émergé chez le brother
déphasé. Exit ! J’y consacre trop de lignes à ces nuisibles.
Lundi 26 décembre
Trop
gâtés nous sommes, chargés pour rejoindre Le Cellier via Nantes. Parmi les
présents, le Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles
Dantzig : plus de 950 pages de notices subjectives sur les auteurs, œuvres
et concepts littéraires qui comptent pour cette irrévérencieuse érudition au
phrasé alerte. Plaisir de retrouver, dans les quelques dizaines d’écrivains
retenus, le père Léautaud, ce « vieux libertin d’Ancien Régime »
aux « éternuements de cynisme ». La hardiesse du partial docte
littéraire le conduit à déceler chez le « grogneur » bourru un tendre
lyrique. Voilà qui aurait fait sortir quelque son tonitruant, entre indignation
affichée et acquiescement camouflé, du bougre.
D’autres
se prennent les griffes de Dantzig, leurs œuvres ravalées à d’inutiles
remplissages : ainsi le trio décadent Bloy, Huysmans et Villiers faisant
clapoter leurs fureurs au son de leur propre avachissement. Un peu cette
sensation dans mes remugles brassés sans perspectives.
Nouvel
exemple de mépris pour le genre du Journal chez l’exégète. Tout sauf une
œuvre d’art : « On y range des bouts de phrases dans l’idée de s’en
servir un jour dans un livre, des esquisses, des crottes ». L’égoïsme de
la sélection atteint là l’égocentrisme déformant des intentions littéraires et
le syllogisme simpliste ! Tout écrit-réservoir est de la fiente
littéraire… mineure et conclusion comme des boulevards.
Cette
forme arlequine de dictionnaire, avec des trous et ses accrocs, vivifie
l’approche de ceux que les référentiels Robert, Larousse and Cie
empoussièrent un peu à force de convenances objectivo-synthétiques.
A
propos de mon coup de Bic hier sur le couple Kirghize-Bruce, le modéré
circonspect pourrait me reprocher mon enclin à fustiger un être que je n’ai
jamais rencontré. A-t-on jamais eu besoin de voir le criminel en action pour le
condamner au regard d’un faisceau concordant de preuves ? Le cumul des
témoignages me dispense et me préserve d’une désagréable confirmation.
Mardi 27 décembre
Ce
soir, Noël dans la famille B. Troisième édition en trois jours de bombance
abondante…
L’actualité
2005 a charrié ses lots contrastés de constructions attractives et de massacres
à l’aveugle, de découvertes époustouflantes et de crasses stratégies, de
créations inspirées qui galvanisent les sens et de miasmes rebutants des
encombrants de la vie.
En
somme, une année ni plus ni moins humaine que les milliers que notre espèce
humaine a épuisées sous des cieux divinisés : pour une agitation inutile
dans ces confins indéterminés, mais qui occupe nos cortex angoissés.
Retour
prosaïque, donc : la scène politique française va présenter en 2006 ses
tensions un cran au-dessus avant le show de l’élection présidentielle. Le
fringant Chirac de 1995 prendra la porte de l’Elysée, dépité par tant de
versatilité populaire. Pour le reste, la bataille ouverte annonce ses coups
d’éclat, ses montages, ses hypocrisies, ses retournements opportunistes, rien
de plus, en fait, que dans la plupart des cloaques professionnels, dans cette
malodorante fosse de la vie collective.
Reste
la masse laborieuse, en rien meilleure que ceux qui la dirigent (ou croient le
faire) car méchamment simpliste par méconnaissance abyssale et incapacité à
raisonner subtilement. Et je me sens de plus en plus à l’image de ce surnombre
vivotant. S’accommoder par confort lâche conditionne la majorité des
existences. Confort lâche ou conscience désespérée de l’inanité de tout
engagement… Finalement, ceux qui se croient individualités pensantes (moi dans
toute mon anonyme splendeur !) ressemblent, avec toute la tartufferie de
ceux qui s’en défendent, aux bestiaux humanoïdes qu’ils méprisent. Une façon,
là aussi, de justifier un chouia sa parcelle de lucidité.
Bonne
année tout de même…
Vendredi 30 décembre, 23h20
Les
ingrédients hivernaux (neige, glace et froidure) ont contraint papa à différer
le départ pour Lyon. Demain matin, l’adoucissement des conditions devrait
permettre le voyage pour passer un dernier moment tamponné 2005 avec
nous ; Anna, sur le pont bancaire, attrapera un TGV devant parvenir à Lyon
à 18h. De la notation de concierge tout cela… il faudrait élever un peu mes
interventions… L’inspiration se barre furieusement !
Avec
un petit effort ce Manus XIII pourrait être achevé avec l’année :
sentiment de nouvelles résolutions de tenue de ce Journal ; un
suivi plus constant et renouvelant le triptyque perso-pro-monde.
Hier
soir, dîner chez Albert et Rose. Parfois attristant de les voir décrépir dans
cette demeure au blafard sordide. Lui, physiquement ravagé par les excès
passés, les mains grossies par le labeur manuel accompli, les ongles aux
teintes écœurantes, la couperose du visage en expansion. Son infinie
gentillesse ne peut occulter l’épreuve du temps et les coups de l’existence.
Son épouse, atteinte par une extinction de voix, présente un état maladif qui
amplifie la disgrâce de ses lignes. Là encore, un caractère généreux et
convivial qui n’est point relayé par son physique. Le duo se recroqueville pour
une fin sans éclat, sans révolte, rythmée par les quelques distractions glanées
et les visites périodiques des proches comme André et Annette… Leur chemin de
croix, c’est une présence sans faille pour soutenir la sœur d’Albert qui assume
un quotidien infernal avec son salaud de mari atteint d’Alzheimer. Un sordide
que tente d’atténuer ce gentil couple par leurs multiples aides à l’épouse
maudite : après s’être sacrifiée pour sa tyrannique de mère, elle doit se
dévouer à l’ignoble mari.
Message,
sur portable, de Sally pour ses vœux les plus mielleux. Sa nouvelle proposition
de réunion affective, suggérée par Sarah, consiste à louer un chalet dans le
Jura trois jours en février prochain. Peu probable que cela inspire BB et que
nos emplois du temps le permettent. L’éloignement des restes d’une vieille vie
se confirme, sans regret, sans amertume, mais renforcé dans une défiance pour
ces élans incongrus.
Samedi 31 décembre
Les
rétrospectives pour ce jour ultime, si banal, n’auraient pour objet que de
remplir cette fin de cahier, ne sachant pas si le suivant attisera une
inspiration en perdition.
Peut-être
devrais-je ne rien tenter, ou choisir un sujet à l’avenant. La fréquentation
des commerces le dernier jour de l’année, l’agressivité des automobilistes y
compris ce jour… Bof, bof… On verra si le cours de la journée m’accrochera
davantage.
3h45 du matin (du
01.01.06). Enfin dans le dodo pour roupiller de tout son saoul, le corps bien
détendu.
Une
gentillette Saint-Sylvestre aux accents familiaux, sans danse frénétique ni
débordement aviné. Des plats frais, variés et légers, dont une tourte à la
viande succulente concoctée par Jean-Luc. A minuit, échanges joyeux de
boulettes avec nos sarbacanes spéciales cotillons. Raph et Alex ont pu se défouler
face aux quelques adultes (dont moi, j’avoue !) déchaînés. Parmi les
convives, un couple en amitié avec Barbara et Jean-Luc, d’origine tourangelle
et installé à Lyon depuis quelques années : l’air réservé, voire engoncé,
ils ne se sont pas réellement déridés au cours de la soirée. Difficile
d’établir une complicité, même éphémère, dans cet état d’esprit. Sympathiques
tout de même, l’homme nous parle avec passion de son métier original :
ingénieur en déconstruction de centrales nucléaires. L’ère de ces opérations
complexes, devant durer une vingtaine d’années, va bientôt commencer. Hormis ce
sursaut d’accroche, rien de bien liant dans leur attitude. Moi, l’ours mal
socialisé, je ne vais pas leur reprocher.
Enfin,
voilà une année calme, sur un plan personnel, qui est enterrée.
Comme
résolutions pour la naissante ? Avant tout, tenir davantage de suivi les
pages de ce Journal. Progresser dans la curiosité tous azimuts du monde
et sa découverte avec une pointe légère de naïveté.
Pour
achever ces lignes, une pensée douce à ma BB, endormie à mes côtés et qui
partage mon existence depuis quatre ans. Continuons sur ce tendre tracé…
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