2005 – S'Unir à l'Essentiel

 

Un 31 au soir en dualité amicale avec Joëlle : discussions diverses, partie d’échec avec Cognac et cigares, tchat improvisé…

Hier, en fin de matinée, entrevue dans un pub proche de La Part Dieu de Bruce et Michelle, sa petite amie américaine qui est venue pour quinze jours en France. Ils doivent rejoindre Marseille et ont fait une halte à Lyon pour passer la nuit de la Saint-Sylvestre. Le collatéral a fait passer le message de sa présence furtive dans la capitale des Gaules par papa, pour que je puisse éventuellement le voir.

23h15. Un nouveau tour de piste professionnel dès demain, sous des auspices privilégiés. Au loin, des millions de gens ont été figés dans le désespoir par la Camarde nature. Je n’avais pas vu les images animées du chaos au moment du tsunami : ce soir le JT de TF1 a fait un résumé de ces vues stupéfiantes. La solidarité internationale semble prendre forme, l’émotion être sincère chez les journalistes sur place.

Pour les SPP, je ne pouvais faire autrement que de leur concevoir un devoir basé sur un article portant sur cette poignante actualité. La facette choisie : la contribution de la France dans l’aide internationale et le rôle de la Sécurité civile, notamment.

Maman et Jean nous adressent leurs vœux par courriel, et par-dessus tout « un beau bébé pour 2005 ». Nous verrons bien si ce bouleversement personnel interviendra cette année.

 

Dimanche 9 janvier, près de 3h

De retour du Red Lions avec ma BB : Bonny et Eddy nous ont d’abord rendu visite dans notre nid, avant de nous précéder au pub dansant. Ce lieu accueille quelques donzelles allumées du fondement. Ce soir, une grande brunette aux déhanchements lascifs et à la peau moite alpaguait à distance pour mieux se faire désirer sur la piste ; une noire charnelle et sculpturale, à la mini-jupe sans ambiguïté et au compagnon peut-être payeur, faisait jouer ses formes près du bar. Deux silhouettes à trombiner pour l’hygiène et à fuir vite sitôt le plastique pollué. Belle ambiance cependant, malgré un son trop fort et une aération douteuse, mais très performante pour le tabagisme passif.

 

Jeudi 20 janvier

Bush prête serment aujourd’hui. Ce soir, dans C dans l’air, défilent les questions SMS de téléspectateurs qui révèlent l’anti-américanisme primaire d’une bonne partie de cet hexagone branlant et donneur de leçons. A N’ayons pas peur des mots sur ITV, Mélenchon nous gratine de sa bave critique qu’on ne retrouve pas pour stigmatiser les tyrans réels. Chez ces journalistes et politiques, une part de simplisme qui conforte les positionnements ambigus à l’égard des intégristes. L’antienne des fonctionnaires, voilà un vrai terrain que l’on peut évacuer tant apparaissent irréalistes et dérisoires leurs revendications. Un manque de courage politique ne permet pas de rationaliser les fonctions publiques.

 

Dimanche 30 janvier, 19h30

Retour vers ma BB après un très gentil week-end à Paris, chez Sally, rue de l’Université. Avant cela, entrevue avec Bella, accointance parisienne non vue depuis six ou sept ans. Face à sa détresse existentielle, je n’ai pu m’empêcher de lui promettre me porter garant si elle trouvait un studio pour s’extraire de son enfer actuel. J’espère ne pas m’aberrer dans cette démarche. J’en parlerai à BB pour avoir son avis et me ferai transmettre avant tous les documents pour prendre la mesure de cet engagement.

Ai rencontré, à l’occasion de ce séjour, Sarah, la compagne de Karl : agréable jeune femme au caractère bien affirmé et curieuse de tout. Si nous pouvions organiser quelques séjours partagés en quatuor, cela pourrait donner de bons moments vécus.

Au théâtre Saint-Georges, vu Les Rustres de Goldoni avec, comme grogneur en chef, le truculent Galabru. Parmi les comédiens présents, sa jolie fille et son fils à la bonne bouille. Très touché de voir ce comique des années de Funès. Au début du programme, le petit texte d’hommage écrit par ce dernier peu de temps avant sa mort pour son compagnon d’écran. La farce bruyante n’a pas séduit Sally, Karl et Sarah, alors que mon goût pour les tonalités gouailleuses a été comblé. En outre, nous avons eu droit à quelques improvisations savoureuses face à un public participatif.

Dès demain, course pédagogique en perspective.

 

Dimanche 6 février, 23h30

A toute allure, les semaines. Ma BB m’est revenue après un week-end au Cellier, pour l’anniversaire de son papa. Annonce du mariage François et Emma les 18 et 19 juin prochain.

Ce soir, Sarkozy chez Fogiel : beaucoup de sueur perlante, un public acquis à sa cause et une rhétorique bien huilée. Parviendra-t-il à échapper aux coups meurtriers de ses ennemis de l’intérieur, les chiraquiens purs et durs de l’UMP ? A cinquante ans, il ne pourrait se permettre un second purgatoire pour cause de trahison proclamée sur son compte. L’ambition déborde, en tout cas, du moindre de ses gestes… quel univers étranger à ma conception de l’action. Sans doute la volonté acharnée finit-elle par payer…

Premier engagement juridique de complaisance accepté depuis mes aventures éditoriales dans le Nord : je suis le trésorier d’une association à vocation artistique montée par Eddy, notamment pour produire le projet de spectacle dans lequel Bonny jouera…

 

Vendredi 12 février

Sur des terres familières en phase nocturne, un lion rouge aux accents anglo-saxons, pour faire le point d’une vie au rythme pépère… Point de drame personnel en symbiose avec les à-coups des humanités à hurler pour occulter les plaintes. Avec ma BB, mes années de purgatoire parisien ont sombré dans l’altérité exotique à ne jamais approcher. Reste ces empilements sans cohérence des traces d’une singularité d’existence au côté de Heïm, passées par pertes affectives. L’accroissement de mon détachement de cette période atténue sans doute mes capacités scripturales, mais que préférer lorsque toute ambition éditoriale s’est évanouie ? Le griffonnage inspiré par ses tourments ou la sérénité teintée d’un peu d’abandon… La seule contrée à fouiller, que je n’ose aborder, a quelques senteurs fictionnelles. Concevoir ses élans en ordonnant ses dérives attiserait peut-être la plume, avant de se répandre dans la barbante satisfaction. De l’art de se perdre dans un nihilisme involontaire. Se laisser bercer sans y croire vraiment, par les quelques effusions qui nous galvanisent.

Rien de plus dérouillant que l’instinctif déhanchement sur une mélodie inspirante. L’agilité de l’ondulation d’une demoiselle réconcilie avec la beauté du monde. Grincheux une minute, euphorique la suivante avant d’essayer le désabusement sans concession. Les micro-convivialités s’improvisent et je me conforte dans mon penchant favori : témoin contempteur.

Nouveau retour et un sujet de rogne : la couenne du lourdaud de service qui décuple ses crasses avec l’alcool ingurgité. Ma vision simplificatrice se satisfait-elle d’archétypes pour consoler ses propres incapacités ? Dans ce lieu aux complicités vaporeuses, je vois sur l’autre rive, via les pavés antiques, la vieille dame aux béquilles d’outre-tombe qui semble nous rappeler, nous les ludiques artificiels, que la déliquescence nous bringuebalera bientôt…

Un air inspirant, mais une foultitude ingérable, à dégueuler par les panards dans une fustigation meurtrière. Le fil du déjantage fait dériver mes foudres autarciques. L’actu pour pourvoir mes indignations dans cette logorrhée de pituiteux simulé.

Les gesticulations à reculons du Fillon a drainé la partie infime des lycéens se traînant sur l’asphalte… Comme l’a analysé Luc Ferry, la gestion politique devient impossible dans cette soumission aux fadaises contestataires relayées par Big Media. Ceci qu’on balance en modèle, nous irritant du messianisme américain. Voilà bien les cul-entre-deux de plus en plus de Français : se goberger d’une prétendue virginité internationale, la bave perfide contre les Américains qui focaliseraient le pire. Ne leur a-t-on pas appris l’extrême salauderie des autres nations retenues par leur seul manque de moyens. Les a-t-on fait renifler les atrocités des Hussein, Laden et autres intégristes du dernier soir, conversions opportunistes avec dans leur traîne sanglante ces milliers de nervis ennemis déclarés de notre civilisation.

Cette défiance affichée nous replonge dans cette époque d’indécision qui nous faisait renoncer à tout engagement tranché. La diplomatie du louvoiement, sauf auprès de nos plus anciens alliés, se légitime, pour la plupart, au nom d’une intolérable ingérence de l’hyperpuissance. Que notre histoire plaide pour notre exemplarité. Combien d’observateurs finauds avaient-ils prédit le chaos absolu rendant impossible toute tenue sérieuse d’élections en Irak ? Participation qui dépasse de loin celle de certains de nos scrutins : le confort engourdit les citoyens et parasite leur jugement. Pas de contrition hexagonale face à cette réussite inespérée. Ça se gausse toujours des pratiques outre atlantiques, ça s’envenime pour accroire à notre meilleure évolution civilisationnelle. Et dire que l’on pourrait croire que cela nous protègerait d’attentats à la mode irakienne ! Du leurre de préservation qui n’entravera en rien le déferlement des sacrifiés aux tripes incandescentes… Notre molle détermination aura alors toute la consonance du vendu aux vomissures ineptes et pétrifiées par l’absconse stratégie. A rebours de ces collabos subliminaux des intégrismes, il me faut me nettoyer le cortex de ces conditionnements nationaux.

 

Dimanche 14 février, 19h15

Dans notre nid rutilant, j’attends ma BB pour filer à Toussieu visiter Albert et Rose et retrouver les parents B. Un très gentil moment assuré.

Hier soir, au Red Lions, avec quelques accointances féminines, j’avais eu la bonne idée d’emporter mon Manus portable : ma bougonnerie s’est accommodée du griffonnage plus ou moins inspiré. Comme au temps de mes escapades parisiennes le Bic au côté, j’ai pu modeler l’horizon à mon humeur.

Les fous et leur condition dans Riposte du chaleureux Moati. Quelle part de nous-mêmes cultive l’insensé ? Comment cela peut-il nous submerger ? Ai-je trop été préservé pour laisser cette facette me dominer ? A chacun son Shock Corridor : pour moi, le monde social auquel je me suis adapté après les désillusions sur l’univers de Heïm, aux implications minantes si l’on ne répond plus aux critères adéquats.

Le jeu des regards dans ces antres de l’enivrement musical peut leurrer ou conforter dans l’idée préconçue sur une donzelle… A la vue de mon activité scribouillarde, une jeune femme épicée d’origine maghrébine s’approche de moi pour s’enquérir du contenu de mes écritures. Atours féminins en contraste avec une voix disgracieuse, forcée pour surpasser les décibels ambiants, et une imprégnation d’alcool avancée. Malgré tout, une sensibilité qu’il aurait fallu canaliser si elle ne se laissait emporter par toutes les attractions masculines des alentours. Un désenchantement de fond compensé par le ludique sans doute… un peu comme moi ? A la différence que mon cœur est chaudement pris…

 

Samedi 19 février

Lové dans un fauteuil au coin lecture de notre grande pièce, quelques notes balancées du Classic Jazz de Time Life reçu ce matin, je vais rejoindre ma gourmandise intellectuelle entamée hier, le Traité d’athéologie de Michel Onfray. Plaisir des sens cumulés pour goûter plus densément à cette ‘tite pause professionnelle.

Les parents B de passage, je regarde hier soir avec André les extraits des trente-neuf et quarantième audiences du procès Papon. Plongée édifiante au cœur de l’administration provinciale d’une France occupée. L’ex préfet de la Gironde, avec ses 87 ans, affiche une forme intellectuelle impressionnante, au point de s’indigner avec vigueur face aux démonstrations de maître Lévy. Le maître mot de cette affaire, révélatrice d’un fonctionnement étatique qui a probablement encore cours, est la COMPLEXITE. Entre les courriers échangés par les différents services, le rapport aux autorités allemandes, l’absence d’engagement franc et massif pour la Résistance, l’indécelable militantisme idéologique en faveur de l’occupant (pour la plupart) et cette lourde atmosphère entourant les engagements professionnels au sein d’une administration dépendante du bon vouloir des vainqueurs : l’écheveau conjoncturel ne facilite pas l’établissement des responsabilités, même pour ceux à la tête de fiefs administratifs. Papon sait parfaitement s’en servir.

L’Espagne ratifie ce week-end le traité constitutionnel, et notre débat hexagonal laisse planer de plus en plus de doutes quant à l’issue de notre prochain référendum. Je ne serai que spectateur de cette consultation, puisque j’ai fait trop tard les démarches pour l’inscription sur les listes électorales. « Un Si qui donne le la » pour reprendre le titre bien rythmé d’un gratuit d’informations sur Lyon. Un point d’interrogation me semble manquer à la fin de cette formule : l’incertitude domine.

Nous verrons certainement dimanche midi, après le départ des B, Aline et Pedro autour de moules-frites servies à la Halle de Lyon. Très heureux que leur histoire s’ancre et que cela me donne l’occasion de revoir plus souvent ma chère camarade de lycée, celle qui a certainement le mieux réussi et qui m’a le plus révélé, par ce qu’elle est, la fatuité de certains de mes préjugés.

Shue et John s’installent eux en Andorre… finalement, ma chère persane aura cédé à l’exécration de la capitale par son mari. Elle va retrouver la beauté des espaces, mais perdre la pétillance citadine : son amour pour John comblera les manques existentiels.

Le temps passant, les silences de celles qui étaient des amies ne me perturbent en rien, comme si j’accordais plus d’intérêt à la dynamique de ce qui peut s’entretenir (et se conquérir) qu’au remugle des liens distendus ou anéantis.

 

Lundi 21 février, 0h35

Petit prolongement nocturne pour raison de vacances qui me laissent quelques plages pour ces écarts.

Via Fogiel, appris la dernière frasque langagière du lugubre Dieudonné : depuis l’Algérie, il dénonce les commémorations ayant eu lieu en rapport avec la Shoah comme étant de la « pornographie mémoriel ». Certes, rien qui puisse exciter l’obsédé ou le miséreux des burnes… Sa formule m’aurait sans doute ravi il y a encore quelques années, elle me navre et m’écœure aujourd’hui. Bas le masque de ce prosélyte à paillettes du ben ladénisme. Sa vie artistique a été engraissée par un public dont il ne souhaiterait, finalement, que l’asservissement (lui, le pauvre descendant d’esclaves) à son intégrisme antisémite. Un Djamel Debouze a d’ailleurs, dans un premier temps, soutenu certains autres propos dans ma même veine du triste noir, avant de se rétracter affirmant qu’il avait été piégé par le gus… ou que les intérêts de carrière primaient… A force d’antiaméricanisme primaire, ces black-blancs-beurs du feu pote système dérapent plus ou moins ouvertement, et consciemment, vers les ennemis de notre civilisation. Les plus déjantés rêvent déjà d’une France islamisée, talibanisée avec des lieux de culte financés par nos impôts. A vomir au plus vite… Moi, je préfèrerai toujours cent Bush impérialistes à un Ben Laden agonisant. Question d’instinct et de logique civilisationnels.

 

Mercredi 23 février, 0h10

Depuis hier, une ridicule, dérisoire, infinitésimale présence littéraire sur le net. Baptisé Indignation, ce site personnel de huit pages présente quelques extraits de ce Journal, sous l’anodine apparence de billets isolés. Dieudonné au diable ! a la vedette et figure dans l’Indignactu de ce microsite. Si les deux gros moteurs de recherche, Voilà et Google, le retiennent dans leurs listes, j’aurais peut-être quelque chance d’attirer quelques internautes égarés… Un soupirail dans cet anonymat forcené.

Première réaction par courriel : Isabelle T. retrouve la vigueur de ma plume (sans allusion scabreuse) et a été particulièrement touchée par le texte sur ma grand-mère et les photos retrouvées.

Michel Bouquet en François Mitterrand rongé par le cancer et inspiré pour sa fin de pouvoir, donne corps à la densité intellectuelle du politique des lettres.

 

Jeudi 24 février, 0h50

Le procès Papon, diffusé par la chaîne Histoire, nous dévoile les arcanes de l’administration française dans ses rapports complexes avec les autorités allemandes. La position de l’entre-deux laisse une marge à l’interprétation que ne manquent pas d’exploiter tant les parties civiles et le ministère public que le vivace Papon assisté de quelques avocats, au premier rang desquels le respecté maître Varaut.

Le procès ne peut pas verser dans le spectaculaire puisqu’il s’agit d’établir (ou pas) la complicité de crime contre l’humanité. Ainsi, lors de l’examen des lettres et rapports concernant les convois de juifs partis du camp de Mérignac à destination de Drancy, une majeure partie des déportés est considérée comme inatteignable par les autorités françaises, car répondant expressément aux impératifs de la solution finale. En revanche, la marge des cas douteux (juifs de nationalité française, Français d’origine incertaine, mariage avec un aryen ou une aryenne, etc.) pouvait permettre aux autorités préfectorales de les soustraire à ce funeste destin… Dans le cas d’un Papon, cette complicité prendrait plutôt la forme d’une omission ou d’un engagement insuffisant pour préserver la vie des sauvables. Lorsque le président de la cour d’assises, Monsieur Castagnède, présente les dossiers, il considère une bonne partie des victimes comme hors de portée des bureaucrates. (A suivre…)

 

Vendredi 25 février

De retour dans cet antre familier pour s’essayer au contraste des inspirations à rebours du ludique en germe. Déjà écrit sur le procès Papon, mais au fil des audiences le malaise se confirme, quelle que soit la performance argumentative.

Pause, trois slows successifs : parmi elles Valérie et Chafia, deux charmantes codirectrices d’un magasin Maison du monde. Entre ondulations dansantes et parcours personnel, Chafia me révèle avoir subi un braquage par armes à Bron avec mari et fils traumatisés. Toujours fascinant de plonger dans les instantanés de vie d’inconnues inspirantes.

Digression à achever en indiquant la révélation de Valérie : point de soutien-gorge pour maintenir les dénivellations troublantes.

Grand écart pour revenir à Papon : le malaise tient aux rouges administratifs tenant pour inéluctable la poursuite des carrières dans le climat délétère de la persécution ouverte et de l’extermination programmée.

 

Dimanche 27 février, 22h40

Fin de la pause pédagogique, modeste reprise demain matin, sans passion, mais pour la nécessité basique et vitale. En berne la créativité, il me faut me résoudre à cette trajectoire terne mais sereine. Garder un chouia de pulsion pour se démarquer des conditionnements de la médiacratie. Gaymard lourdé pour ses maladresses, ses mensonges, le choc d’un loyer hypertrophié pour le commun ? Dangereux Canard enchaîné que fait se suicider un Bérégovoy et renoncer à sa fulgurante trajectoire ministérielle un Gaymard. Le claironnement paye : les têtes tombent. L’anonymat a finalement du bon pour l’équilibre existentiel.

 

Samedi 5 mars, depuis le Red Lions

Les subtilités administratives abordées par le procès Papon laisse l’amertume de l’acte de courage manqué. La défense de l’ancien secrétaire général de la Gironde joue sur la résistance en filigrane, le sabotage clandestin, l’accomplissement des possibles ruptures dans le contexte historique d’une autorité administrative fantoche, aux arcanes d’autant plus développées que l’illusoire s’impose. Une préfecture déliquescente à la parure de baudruche agissante.

 

Mercredi 9 mars, 22h30

Quelques réactions à la découverte de mon site Indignation, la plupart positives. La seule critique (d’une accointance lyonnaise, Laurence) souligne le « manque de vie » d’une écriture trop axée sur « l’intellectualisation des concepts », expression qui tutoie le pléonasme ! La réaction enflammée face à une actualité qui ne m’atteint pas directement ne peut que se parer d’un raisonnement violent, certes, mais un peu détaché.

La diffusion du procès Papon approche de son terme : nous en sommes aux plaidoiries des avocats des parties civiles. A chacun son angle d’attaque du haut fonctionnaire de Vichy. Prestations brillantes, mais dont on ne peut occulter la démarche interprétative et l’inéluctable partialité. L’opposition frontale des témoins qui se sont succédé, contre ou en faveur de Papon, interdit toute simplification du sujet.

Demain la grève bazar du privé et du public ne va pas redorer le climat.

 

Mercredi 16 mars, 22h

Sortir la réalité prégnante d’une situation dramatique surpasse l’efficacité du plus brillant discours.

En diffusant aux aspirants spp (sapeurs-pompiers professionnels) le documentaire des frères Naudet suivant le parcours d’un bleu au sein d’une caserne de New York, j’ai touché leurs fibres sensibles.

Au matin du 11 septembre 2001, l’un des frères accompagne quelques pompiers en intervention pour une fuite de gaz, à quelques rues du World Trade Center. Le bruit, inhabituel dans le ciel de la ville, d’un moteur aérien à basse altitude, fait faire un quart de tour à la caméra qui sera la seule à filmer le premier acte du sanglant hyperterrorisme d’Al Qaïda. Malheureusement, aucun reporter ne se trouvait aux abords du Pentagone lorsqu’un autre avion de ligne l’a pris pour cible : cela a permis l’écho donné aux nauséeuses thèses d’un français, escroc intellectuel surfant sur la vague de l’anti-américanisme primaire.

Suite à cette attaque, insoupçonnable par le lambda, se met en branle toute la machine des secours, au premier rang desquels les pompiers qui paieront de quelques centaines de vies leur abnégation (presque naïve) à sauver des personnes dans les étages des tours visées. Leur entrée dans le hall de la première touchée (la seconde à s’écrouler), l’organisation improvisée de cette montée interminable dans le ventre du monstre de béton, le bruit terrible des corps qui s’écrasent au sol, travailleurs des tours situés au-dessus de l’impact des avions, voués à une mort certaine et qui se jettent dans le vide pour une fuite impossible, la dévotion de tous ces hommes du feu visiblement dépassés par le cataclysme en cours : tout cela touche, fascine et horrifie nos candidats spp.

 

Samedi 2 avril

La charge des anti-traité constitutionnel européen a trouvé son paroxysme aberrant dans la dernière intervention du patibulaire Emmanuelli. Venu bretter avec le rhétoricien affûté Sarkozy, il s’est essayé à tous les amalgames qui fleurissent en pots-pourris dans le camp hétéroclite du Non. Sa plus inepte trouvaille : déceler dans le droit à la vie, rappelé par le texte, une volonté pernicieuse de s’en prendre au droit à l’avortement, à l’IVG et à tout ce qui a construit la modernité de notre civilisation. Rien de moins ! Tout est bon, même la pire des salauderies intellectuelles, pour servir la clique opportuniste. Le lot des cocos, des révolutionnaires de l’extrême gauche, des populistes de l’extrême droite, des souverainistes d’arrière-garde, des pontes socialo en quête d’un tremplin pour leur carrière politique, tout ce micmac en orbite du Non salvateur, veulent entraîner, par un ratissage extra large, tous les mécontents de la politique chiraquienne.

Moyen facile : le chiffon rouge de l’amalgame. La Turquie menace d’entrer ? Elle s’imposera grâce au traité ! La directive Bolkestein choque ? Elle reviendra poussée par la tonalité libérale de la constitution ! Tout ce qui se fait de contestable sous l’empire du Traité de Nice, c’est la faute au nouveau Traité de Rome ! Et la mixture passe au regard des sondages. Les manipulateurs sont bien sûr les défenseurs du projet.

Une constitution fixe un cadre, elle ne contient pas la politique qui s’inscrira dans ces règles. Comment une alternance politique aurait-elle pu être possible sous la Ve sinon ? Les fadaises abusives captent la grogne des insatisfaits, mais comment s’accorderont-ils sur un nouveau projet et comment convaincront-ils les vingt-quatre autres membres ?

 

Dimanche 3 avril

Les pourfendeurs du Traité constitutionnel n’osent pas s’en tenir à la descente en règle du texte. Le parcourant, ils ne peuvent rencontrer que des progrès, si minimes soient-ils, par rapport au Traité de Nice en vigueur. Le seul fait d’insuffler une valeur constitutionnelle à la Charte des droits fondamentaux devrait suffire à déclencher l’adhésion enthousiaste. La simple lecture des titres de cette Charte rendrait jaloux 80 % des populations de la planète, ceux pour qui la survie occulte tout autre droit.

 

Lundi 11 avril, 22h05

Pas encore pour ce siècle la maturité : aucune baisse des violences, aucune atténuation des croyances. L’enterrement du Pape, sa couverture médiatique et la dévotion irraisonnée de foules immenses marquent la constante caverneuse d’une humanité écartelée entre ses superficialités ludiques et ses arriérations dévotes.

Certes Jean-Paul II, déjà surnommé le Grand et canonisé par le bon peuple, a marqué, par son infatigable message colporté dans cent trente nations, le cours historique des trois dernières décennies ; mais l’élan humaniste du grand voyageur se charge de l’encombrante religiosité, des rigidités canoniques sermonnées en toute occasion, des certitudes archaïques qui ne tolèrent aucun écart. Voilà l’autorité spirituelle vénérée qui a versé dans cette manipulation originelle.

La clairvoyance pour d’autres cieux, en d’autres temps. Amen !

 

Mardi 12 avril, 8h15

Que veulent les Fabius, Le Pen, Besancenot, de Villiers and Co ? Certainement pas le rayonnement d’une France à la pointe de la construction européenne. Au projet d’inspiration française qui a survécu aux compromis à quinze, à ce traité constitutionnel sans équivalent dans le monde dans ce qu’il consacre comme droits pour les citoyens, les révisionnistes constitutionnels voudraient (du moins ils le laissent croire) y substituer un autre traité qui ne répondrait qu’à leurs fantasmes idéologiques et qui sortirait miraculeusement du chapeau à vingt-cinq ! Ne nous leurrons pas. En cas de non français il ne faudra plus compter avoir un compatriote à la tête d’une très future, voire hypothétique convention en charge de rédiger un texte en phase avec les attentes hétéroclites de cette clique du « Non ». Un rejet du traité constitutionnel le 29 mai prochain équivaudrait à une démolition pure et simple sans aucune préfiguration bénéfique de l’avenir. L’occasion sera trop belle pour vingt pays membres ayant choisi la voie parlementaire pour la ratification, de détrôner la France de sa fragile place de leader dans la construction européenne et de stigmatiser sa frilosité absurde. Même si nous étions les premiers d’une série de « Non », nous porterions la responsabilité d’avoir attisé les scepticismes, les nationalismes et les chauvinismes de tous poils, et rien ne permettrait avant longtemps de trouver un nouvel accord. Chaque pays, échaudé par ce projet avorté par la nation même qui en est à l’origine, se recroquevillerait sur ses propres intérêts, lesquels n’ont pas grand-chose à voir, à l’état brut, avec les desiderata des Fabius-Le Pen and Co qui rassemblent autour du « Non » une impossible ambition commune. C’est donc bien un « Non » à l’avancée européenne et l’embrassement du néant politique.

La malignité démagogique s’est révélée dès l’instant que cette clique a mis sur le dos d’un cadre constitutionnel proposé ce qui relève de la politique menée sous le règne du traité de Nice qui restera bien ancré en cas de victoire des grincheux.

L’entrée automatique de la Turquie ? Mensonge : l’article 58 définit la procédure à suivre pour toute nouvelle adhésion et renvoie aux règles constitutionnelles de chaque Etat membre pour la ratification de celle-ci. Notre récente révision a consacré la voie référendaire pour cette question sensible. A moins d’une abrogation de cette avancée démocratique, la Turquie ne pourra pas entrer dans l’Union sans que le peuple français donne sa bénédiction ! Alors, responsable de quoi le texte de Valéry Giscard d’Estaing ? De la directive Bolkenstein, diabolisée par de Villiers et son piètre dictionnaire des rimes pour mauvais poète balbutiant ? Pas seul le souverainiste bien sûr : les Mélenchon, Buffet, Maigret and Co viennent en renfort pour les arguties et les amalgames. Ce qu’on fait dire à la directive sur la libéralisation (quelle terrorisante perspective !) des services ? Aucun rapport avec le nouveau cadre proposé. L’article 133 fixe le principe pour les travailleurs européens : le bénéfice du système législatif, réglementaire et administratif (le droit du travail plein et entier, donc) du pays membre dans lequel il se trouve. Les services se font avec quoi ? Des travailleurs et non l’œuvre du Saint-Esprit !

Certes on peut interpréter de mauvaise foi des principes généreux et protecteurs. Le négationniste institutionnel Emmanuelli, pas le fondateur du Samu social mais le dangereux démagogue patibulaire, a même décelé dans l’article 62 et son « droit à la vie », qui côtoie l’impossibilité pour un Etat membre d’appliquer la peine de mort, la remise en cause de l’avortement pour les femmes ! Rien que ça !

Le mérite de ce délire interprétatif est de faire tomber les masques de ces irresponsables prêts aux pires truquages pour servir leur malodorante carrière. Prêts à tout détruire, y compris l’avancée européenne. Alors, sans doute, le pourfendeur Emmanuelli va-t-il faire trembler les chaumières en imaginant une Union libératrice des pédophiles et des tueurs en série parce que la Constitution proposée consacre dans son article 66 le « droit à la liberté » ! Puis, dans une dénonciation des voies ouvertes à tous les démons, le bougre va sans doute percevoir la promotion cachée du négationnisme à la sauce Faurisson dans l’article 71 qui rappelle le droit à la liberté d’expression « sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières ». Bravo saint Emmanuelli de nous ouvrir les yeux sur ce torchon constitutionnel !

A nous de prendre la mesure du cirque des illusions mises en scène par les animateurs du « Non », lesquels se tireront sans pitié dans les pattes sitôt le scrutin du 29 mai passé, incapables de rédiger un texte  remplaçant celui qu’ils auront piétiné et impuissant sur la scène européenne face aux autres Etats membres effarés par tant d’opportunisme. A nous de faire l’effort de plonger dans le projet proposé pour en comprendre la substantifique (et bénéfique) moelle sans relais manipulateur. A nous de démontrer notre maturité démocratique et non de prendre en otage de nos innombrables mécontentements une consultation à visée constructive. A nous de ne pas donner l’exemple d’un repliement stérile qui occasionnerait le délitement du projet européen et réduirait d’autant notre place dans le concert des nations. L’Europe nous regarde et ne nous pardonnera pas cette volte-face mesquine. Le reste du monde raillera notre versatilité de petite envergure.

 

Samedi 23 avril

Le lion rouge visité, j’y retrouve Elvis par hasard, en compagnie de quelques accointances. Dans les osselets vibrants, la reprise de Don’t Worry… de Wonder par le rythmique John Legend. Découvert dans quelques images du créatif Hitch, l’irrépressible penchant à me procurer cet envoûtement musical. Les décrochés sinueux de l’air doivent correspondre aux instincts de l’instant.

Programme très moyen au lion défraîchi : voix mal assurée, airs dans envolée, tempo sans conviction… Les résonances du Legend d’Hitch m’arrachent à ces blafardes prestations.

Les aberrations du raisonnement : du croulant Le Pen à la faiblarde Buffet, en visitant les autres incongrus qui tentent de faire basculer l’Europe. Les inconciliables œuvrent de fait en commun en feignant de croire leur clocher majoritaire. Tous les démons, ils s’en aspergent pour rallier les innombrables mécontents. Silence sur l’effective impuissance de la France au sein d’une Union atomisée.

Sur la piste, un phénomène d’allumeuse, dégénérée par l’alcool, qui m’a collé dès mon pied posé sur la piste et que j’ai gentiment, mais fermement, congédié. Bien m’en a pris à l’observation des collages successifs qui se font vers les mâles en manque. Pitoyable donzelle qui rétracterait le plus déterminé des ruts.

Patrick Rotman vient encore de signer un documentaire d’exception sur un pan de la sombre histoire. Après la lutte délétère en Algérie, entre torture et terreur partagées, mise en images dans L’Ennemi intime, après le rappel d’une Libération en souffrances de l’hexagone, il délivre son talent dans Les Survivants, fresque lugubre des méfaits de la Solution finale. Témoignages choisis pour une émotion percutante, images d’archives mises en son pour visualiser l’innommable. La signature Rotman tient dans la puissance de l’exactitude qui dispense de toute polémique les esprits ronchons. Ces semblants de vie passée, aux membres décharnés, à la tête ballotante, aux expressions d’horreur putréfiée. A voir pousser par une mécanique sans âme ces monceaux blanchâtres en voie de putréfaction, cela pétrifie. Ce déferlement de l’inconcevable nous remet en pleine face l’hideux potentiel de l’humanité.

 

Jeudi 28 avril

Une semaine de vacances qui commence sous le soleil dardant au parc de la Tête d’Or, côté roseraie. Je goûte à ce farniente pour laisser venir les quelques petites indignations du moment.

Vu, réunis sur France 3, les principaux leaders politiques ancrés sur le « Non ». Confirmation de l’impossible fonctionnement, au lendemain du 29 mai, en cas de victoire de la tranchée des frileux.

Chacun voudrait se croire dépositaire de la majorité mécontente pour une obscure refondation sous l’égide du Traité de Nice, et ce à vingt-sept pays membres (dès 2007). A ce stade, ce n’est plus de l’utopie, mais de la dangereuse naïveté, ou plus certainement de l’opportunisme à courte vue.

Ce qui forme la différence fondamentale entre les deux camps tient dans la viabilité de l’après référendum : d’un côté, un accord commun pour adopter le cadre institutionnel proposé, quitte à ce que le contenu des politiques menées dans ce cadre diffère selon les obédiences politiques ; de l’autre, un consensus pour rejeter le traité, mais des désaccords irréductibles quant au contenu d’un projet ultérieur. Aucun d’eux n’étant, à l’unité, majoritaire chez les électeurs prêts à voter Non, comment pourront-ils défendre quelque proposition de nouveau traité aussi ambitieux ?

Remarquons d’ailleurs que tous ces grincheux ne constituent qu’un sac à critiques, et qu’aucun n’a présenté un texte cohérent qui serait le socle de cette irréaliste refondation. En outre, comment les dissonances à l’intérieur d’un « Non » aux couleurs criardes seront-elles perçues par les autres pays membres ? Certainement pas comme un modèle sérieux à suivre.

La victoire du « Non », si elle devait avoir lieu, laisserait très vite place à un terrible désenchantement des votants sitôt la conscience acquise des impuissances intérieures.

Chacun cultive sa chapelle argumentative contre le texte proposé en feignant de ne pas entendre les raisons du voisin infréquentable, lequel contribue pourtant à grossir la troupe des contempteurs disparates. Stratégie politique du néant de cette flopée d’autruches ensablées par leur rengaine idéologique respective. Tristes pitres inconséquents !

 

Samedi 28 mai

A la veille du redouté référendum, je me dore, avec ma BB, dans l’immense jardin (ou le petit parc !) de maman et Jean. J’en ai bouffé à satiété du débat sur le sujet, des analyses journalistiques, de la confrontation politique. Rien à faire, je ne trouve aucun attrait aux arguments des Non. Le summum du grotesque revient à la grosse vache blondasse fille de Le Pen, qui tiendrait un rôle plus en phase au rayon charcuterie d’une surface assez étendue pour l’accueillir. Comment un père comme Le Pen, dont on ne peut contester la vivacité intellectuelle, peut-il cautionner cette relève creuse, au timbre de voix irritant, à l’inanité argumentative ? Piètre représentation de l’extrême droite annonciatrice peut-être d’une dégénérescence par absence de leader potable. Vers la gauche, la Buffet donnait l’impression d’une antienne mal maîtrisée, d’un leitmotiv oublieux des interpellations d’en face. Les communistes ayant tout refusé de la construction européenne depuis 1957, quelle crédibilité peut avoir leur Non ? Ce n’est qu’une posture idéologique sans une once de construction viable sur ruines de ce qu’ils auront contribué à exploser, bien contents de reprendre un peu de vigueur… en trompe l’œil. Les prochaines élections les rabougriront à nouveau à leur portion réelle.

A cette triste bande de démolisseurs, rajoutons l’escroc de Villiers qui, lors du débat sur France 2, a ressorti son ignoble chiffon rouge pour angoisser davantage, et abusivement, les Français. Parce qu’il a vu cité le nom de la Turquie dans l’acte final, cela équivaudrait à une entrée automatique de ce grand pays en cas d’adoption du traité. Quel pitre malhonnête que Cohn Bendit ne se gênera pas d’apostropher. Aussi couillon que de prétendre que la signature des témoins, dans un acte de mariage, les lieraient au couple dans un impensable quatuor matrimonial. Avec ce genre d’argument, comme celui d’Emmanuelli mettant en garde les Françaises sur une remise en cause du droit à l’avortement par ce traité décidément infâme, la clique du Non révèle sa démarche fallacieuse, opportuniste et criminelle pour la construction européenne. Et le pire, c’est qu’une majorité d’électeurs risque d’aller dans leur sens. Dès le 30, nous verrons cette victoire du vide, avec chaque partisan du Non, ramener la couverture du scrutin à lui. Aucune position commune pour cette association malfaisante, hormis celle du piétinement de ce subtil compromis institutionnel. Qu’ils aillent au diable !

Curieux hasard, ce matin, sur le quai du TGV, je croise maître Vergès, tout gris, et quelques heures avant, une radio m’informe de la mort de maître Varaut, l’un des plus brillants et des plus respectés avocats de sa génération qui avait assuré, avec panache, la défense de Maurice Papon, toujours vivant.

 

Lundi 20 juin

De retour à Lyon pour une petite semaine avant de petites vacances au Cellier. Emma et François se sont passé l’anneau d’or au doigt pour officialiser leur ère duale. Deux jours festifs dans un gîte accueillant avec les membres des deux familles. Le bon enfant a primé sur les caractères de chacun pour faire de ces instants un doux délire joyeux et mesuré.

Découverte de quelques personnalités : la complexe de Richard, le compagnon de Louise, a retenu l’essentiel de la chauffe neuronale. Penchant à prolonger les convivialités arrosées jusqu’à l’ivresse en solitaire. Son observation a révélé certains stigmates comportementaux de Heïm, réserve faite de la singularité hors norme du dernier. Le cynisme marmonné, le déplacement comme une mission viciée, l’allusif accentué pour mieux enfouir ce que l’on ne tolère pas chez soi… Attractivité certaine des éclats du personnage, mais au prix d’un quotidien heurté, où l’insatisfaction pourrait faire basculer l’osmose.

Depuis le tchou tchou rapide, la luxuriance des paysages ne peut laisser augurer les inconséquences de notre ivre humanité, acharnée dans ses frénétiques perditions. La verdoyance hexagonale ne peut masquer les égoïsmes délétères de chacun, prêt à sacrifier le bien commun pour pérenniser, à sa pauvre échelle, les facilités acquises, et surtout ne pas se sentir bridé dans la satisfaction de ses maîtres envies. Primauté de la courte vue ou, pire, reconnaissance des traumatismes globaux avec, pour les plus pernicieux, un prosélytisme pseudo écologique en s’accordant les dérogations les plus étendues pour que rien n’entache le confort dans un système sociétal pourtant critiqué. Le crime contre l’individualité dressé pour parasiter toute révolution efficace de nos modes de vie contraint les plus lucides d’entre nous à hurler dans l’insane étroitesse de nos volontés perdues (ou jamais atteintes). L’addition de nos renoncements pourrait bien générer la gestion à rebours d’une survie menacée. Pompe habituelle des alarmistes masturbatoires ? Si seulement…

 

Jeudi 23 juin

Surtout ne pas émettre une seule critique contre les bons citoyens. Leur mécontentement est plus que jamais légitime et on ne peut qu'admettre la voix des urnes... Texte trop compliqué (alors pourquoi s'embarrasser de le consulter ce bon pôple), trop libéral (un modèle du genre à côté du traité de Nice, c'est évident !), incapable de répondre aux aspirations de perfection égocentrique... Savatons tout, en se moquant des incongruités argumentatives qui, de l'extrême droite à l'extrême gauche, ont joué des peurs comme jamais ! Le tableau apocalyptique français n'est plus tolérable ? Que le bon pôple aille voir dans les tranchées insalubres de nombre de contrées...

Que notre pays est devenu frileux, replié sur lui-même, encombrés de petits vieux avant l'heure... et bien qu’ils en bouffent du nationalisme social à la Besancenot... avec ses grands soirs pour pendre du possédant. Quelle puissance d'action que ces Buffet et Bassine Le Pen : le bazar de l'hôtel de passe politique est né...

Et surtout, que l'on supprime tout notre commerce extérieur pour pouvoir mettre en œuvre cet isolement salutaire pour notre économie moribonde. Et que l'assistanat généralisé continue à creuser sous nos caisses, vides depuis belle lurette.

Et vive la France rance !

 

Samedi 25 juin, 19h env.

De retour au Cellier, une semaine après le mariage d’Emma et François. Nous les retrouvons ce soir pour un dîner à trois couples et la découverte des plus de cent photos prises pour ce moment festif.

Huit jours de repos avec ma BB dans cette région aux montées de mercure plus modestes, et bien plus vivables qu’à Lyon.

Mon site Indignation a dépassé les 500 visites et je renouvelle régulièrement les extraits de mon Journal calibrés comme des articles, des instantanés d’humeur, des fulminations sans retenue. Peut-être qu’un jour j’y publierais des extraits sensibles sur Heïm.

Dernièrement, je me suis essayé à l’écriture directe à l’ordinateur, sans passer par la plume, au lendemain de la déferlante du Non, La Victoire du vide révélatrice surtout d’une inquiétante montée du nationalisme social. Une bonne part de la gauche, et pas seulement de l’extrême, si encline à donner à tout va des leçons de morale, d’humanisme et de générosité vient, en filigrane vicieux, de se retrouver dans le vieux discours lepéniste du « travail aux Français ».

 

Dimanche 26 juin

A l’ombre d’un arbre, dans le jardin venté des parents B, un ciel au bleu laiteux pour confortable toit, je laisse s’échapper idées et impressions que je voudrais fixer. A trente-cinq berges bien entamées, je n’ai toujours pas l’abondance scripturale naturelle. Se forcer à noircir ces pages pour atténuer le leurre d’une existence…

Einstein aurait lui cent ans, et la vivacité de son empreinte lui confère la pérenne jeunesse. Poursuivre jusqu’au bout ses projets, identifier ses inspirations et en former un apport incontournable dans le domaine choisi : voilà une vie à sens. Le reste n’est que remplissage accessoire.

Reste le champ des sentiments qui me réserve quelques bornes d’attache essentielles à l’équilibre. Ma BB au-dessus de tout, bien sûr, mes parents de sang et de cœur (maman-Jean ; papa-Anna), ma grand-mère adorée pour sa gentillesse, son courage et son amour de la vie malgré les terribles épreuves de la grande vieillesse, les frères qui partagent quelques affinités avec moi (Jim et sa compagne Aurélia, Alex et Raph), la chaleureuse famille B, quelques amies fidèles et leur compagnon éventuel, Karl et Sally enfin, seules personnes de l’univers actuel ou ancien de Heïm avec lesquelles un lien subsiste. Voilà, en résumé, ma contrée affective aux frontières fluctuantes. Modestie du champ relationnel qui favorise l’exploitation infinie des vagabondages intérieurs.

Car les compagnons d’une route ne se limitent pas à ses contemporains bien vivants. Le peuple des ombres adorées prend une part grandissante le temps passant : le mien demeure restreint, la vie m’ayant encore préservé des pertes traumatisantes par leur insulte à l’ordre naturel. Je garde dans mon cœur l’image sobre, parfois bourrue, mais si attachante de mon grand-père maternel, ce cher Gustave avec qui j’aurais voulu partager quelques conversations intimistes. Je cultive, par ce que papa peut m’en dire (et Heïm à une époque, reconnaissons-le), le souvenir de ma grand-mère paternelle, cette chère Madame D. au beau nom préservé de l’extinction. Au second plan, je garde le souvenir ému du grand-père/papa de Sandre, Jean R., avec qui j’ai partagé un an durant quelques dizaines de conversations complices. Voilà tout. Un cimetière du cœur bien réduit finalement et que j’espère (vainement) garder à cette taille le plus longtemps possible.

Enfin, je n’oublie pas la troupe des artistes, musiciens et écrivains avant tout, qui nourrissent mon temps de vie d’une si transcendante façon. Un peu à l’image de la théorie des cordes pour l’explication universelle, la vie affectivo-spirituelle se complexifie de multiples dimensions simultanées qui varient selon le champ d’oscillations de ses pensées. Parmi ces créateurs, vivants ou morts, que je ne croiserai jamais mais dont l’apport équivaut (et parfois dépasse) une affection ou une amitié, mon inclination me porte d’abord vers quelques musiciens-interprètes dont les mélodies, et parfois les paroles, m’imprègnent et fondent une bonne part de cette beauté enchanteresse du monde, un peu comme le paysage sonore de ce jardin estival. Mes incontournables piliers de la chanson française : Brassens le maître talent dans l’irrévérence poétique, Brel l’impétueux, Lapointe l’attachant, Nougaro le débordant, Gainsbourg dans ses débuts, Aznavour et quelques joyaux, Jonasz en douceur jazzée, Mitchell et Lavilliers en virile créativité. Quelques sonorités agréables avec l’inquiet de Palmas, le suave Daho, le feu groupe lyonnais L’Affaire Luis Trio, et c’est à peu près tout pour la musique hexagonale.

La niaiserie des paroles ne devait pas entraver mes penchants mélomanes. La solution : rester imperméable à l’anglais et se passionner pour le son anglo-saxon. De là, un suivi fidèle de quelques artistes auxquels je tiens verser de l’argent (manifestation prosaïque mais sincère de mon goût pour leurs œuvres) pour posséder leurs créations musicales : Al Jarreau aux modulés vocaliques uniques, Sting l’intarissable talent (un Kubrick ou un Spielberg de la musique), le groupe Coldplay de récente constitution mais aux envolées enivrantes, Björk la fascinante, George Michael pour sa rythmique et ses ondulations vocales, Seal la transparence inspirée, Kravitz le rocailleur mélodique, Sade l’envoûtante, Omar qui swingue sans pareil, Supertramp indémodable, U2 encore meilleur le temps passant, Morrissette, Texas et Corrs pour la vivace féminité et quelques autres que l’instant me fait oublier.

A ce Panthéon musical, je dois rajouter ma galerie des jazz qui se colore des plus généreuses personnalités : d’Armstrong à Fitzgerald, de Bechet à Holliday, de Reinhardt à le jeune Norah Jones, de Mc Ferrin à Mingus, etc. Joyeux défilé de cuivres, de cordes vocales et à gratter, pincer, effleurer, de virevoltantes blanches et noires, de trépidantes percussions et de clarinettes prolixes.

A cette maestria de notes s’ajoutent quelques plumes qui m’illuminent par la musicalité de leur style et la justesse de leurs raisonnements. Le roman m’emmerde généralement, c’est donc vers les écrivains du réel et de la pensée que mes fidélités se portent. Avant tout le compagnon Léautaud qui a partagé des milliers d’heures avec moi, à travers la lecture de son Journal littéraire, de ses autres écrits, mais aussi par mes propres pontes lui étant consacrées. Heïm, écrivain à part dans mon cœur, conséquence des affections partagées, puis de l’éloignement choisi, des désillusions l’un sur l’autre, de cette vie curieuse qui m’a fait partager l’existence, pendant quelques années, d’un de mes écrivains préférés. La phase critique qui anime ces pages envers le microcosme passé de Heïm ne peut me faire renoncer à mes goûts littéraires. Ce que je regrette, pour mon enrichissement intellectuel, c’est que mon détournement de sa forme d’existence et de ses actions professionnelles m’ait, de fait, détourné de ses œuvres. Seul le temps me réconciliera avec la partie littéraire du personnage.

Pour combler mes appétits subsistent tout de même quelques brillantes figures : l’accrocheur Artaud, le cataclysmique Céline, le tonitruant Bloy, l’incisif Jean-François Revel, le complexe Nietzsche pour les plus présents.

Panorama rassurant de l’intérêt porté à une parcelle du monde, car pour le reste la nausée émerge très vite. Cela fera l’objet d’un instantané prochain.

 

Lundi 27 juin

20h. De retour de Pornic, après une journée estivale, mais sans l’envahissement des touristes qui ne débutera que la semaine prochaine. Crêpes salées, sucrées, baignade et bronzette : un bonheur simple appréciable.

Début de soirée quelque peu étouffante qui confirme la tendance pré-caniculaire et notre perte progressive du climat tempéré. Si cette voie climatique se systématise dans les prochaines décennies, cela constituera la première vraie sanction à notre forme inconsciente de civilisation. L’observation des comportements attriste tant l’écart entre les bienfaits techniques et les instincts d’appropriation se creuse.

La prime à la crassouille, l’opportunisme comme éthique, l’illusoire frime des branleurs comme des grincheux, l’égoïsme absolu des foireux de tout acabit, la part navrante des échoués fiers de leurs dernières acquisitions (auto, vidéo, technico…) : catalogue signe des déviances banalisées. Je ne vais pas faire mon misanthrope primaire avec toutes les simplifications afférentes pour me rassurer sur la légitimité de mes indignations. Pas trop inspiré pour ce remplissage forcé. Me manque la verdeur et la perspective. Rien à construire, à proposer qui justifie mes fulminations. Plus de sens dans ma modeste dimension existentielle.

Peu écrit en 2005 : tarissement des thèmes, assèchement des élans littéraires.

 

Mardi 28 juin

Une journée en duo avec ma BB sans se fier aux élucubrations météorologiques. En l’attendant à l’ombre d’un arbre, je goûte au petit vent salvateur.

La mollesse de l’ordre établi vient de faire une nouvelle victime dans la région Bretagne. La réquisition de vastes terres pour que s’ébrouent les teuffeurs (que foutre de l’orthographe qui les désigne !), quarante mille branleurs décérébrés, a incité l’un d’entre eux ou un malade local à égorger une jeune fille de dix-huit ans du coin ! A dégueuler toutes ses tripes sur ces foireux trépidants. Encore une fois, comme le dopage dans le sport, le prétendu lieu commun de drogards et de fournisseurs en stupéfiants truffant ces rassemblements sauvages (mais désormais cautionnés par les pouvoirs publics) s’avère être la sordide réalité. Toutes ces faces d’autruches plongées dans leurs décibels à gesticulations ne veulent surtout pas qu’on leur parle de responsabilité passive de ces dérives. Là pour teuffer, bien sûr !

Le vide du nationalisme social se confirme. Rien à l’horizon des partisans du Non, si ce n’est l’imbécile braquage contre le libéralisme auquel aspirent les pays émergents. Et surtout qu’on ne les soupçonne pas de rejet des autres pays, bien sûr que non : si ce n’est qu’on ne veut pas de leur concurrence ! Alors quoi ? On les veut dans un bocal et claquer des doigts pour que, miraculeusement, ils atteignent notre niveau social. Naïveté puérile ou hypocrisie tactique ?

Par ailleurs, le fait d’avoir manifesté un mécontentement pour de toutes autres raisons que celle du projet constitutionnel doit désormais vacciner les gouvernants pour toute nouvelle consultation.

En écoutant une émission sur France Inter, je me rends compte de l’aberration d’avoir requis l’avis du bon pôple ! Chacun s’est fait ses questions et ses réponses pour rejeter un texte qu’une infime minorité a réellement lu. Triste spectacle de ce gâchis lorsqu’on pousse au bout les motivations des grincheux qui voudraient encore plus d’assistanat et un fonctionnariat gonflé jusqu’à l’implosion du système.

Bonne nouvelle, Iter sera implanté dans les Bouches-du-Rhône. Les intégristes écologistes, alias les Pisseurs verts (Greenpeace en anglais), rejettent un projet qui permettrait de sortir du nucléaire avec deux avantages déterminants : des déchets à durée limitée (trente ans environ) et une sécurité accrue (plus de risque d’explosion). Des têtes à claques qu’il conviendrait d’engluer dans le pétrole qui permet de faire avancer leur flottille parasitaire. Au bout de leurs contradictions pour qu’ils baissent leur tronche arrogante.

 

Mercredi 29 juin

Fond de l’air plus frais, alors qu’à Lyon l’étouffant se prolonge.

La semaine de vacances touche à sa moitié. Délassement et repos sans transcendance notable. Je ne parviens pas encore à me fondre dans cette convivialité débordante et chaleureuse des B. Mon inextinguible trouble de la socialisation parasite périodiquement mon attitude.

Ce matin, en trempant mes tartines, une émission traitait de la perception de la nudité des adultes par les enfants. Un traumatisme enfoui, mais durable, peut suivre l’épreuve du regard sur les organes génitaux de ses parents. De ce côté, mes parents ont eu l’attitude exemplaire : le respect des intimités sans néfaste décontraction. En revanche, chez Heïm, au nom de je ne sais quelle théorie pionnière de l’éducation, j’ai confronté mes timidités (plutôt normales à la préadolescence) envers le corps féminin au dénudement, côté seins, des jeunes filles présentes. Une scène me revient au hasard de la mémoire : après-midi estivale au château d’O ; déjeuner à l’arrière, grande pelouse sur de petites tables de jardin. À celle de Heïm, Alice sa fille en pleine adolescence et aux formes déjà épanouies. Le temps d’aller chercher du pain dans la cuisine et je retrouve cette sœur de cœur la poitrine à l’air, sur demande incontestable de Heïm. La vue de ces deux mamelons d’albâtre aux tétons bien roses et dressés, associés au visage de cet être familier adoré (voire désiré en secret) m’a pour le moins décontenancé, poussant ma gène au point ultime. Bien sûr ces scènes me fournissaient les images fantasmagoriques pour mon onanisme frénétique.

 

Jeudi 30 juin

Le ciel étant incertain, nous partons une journée en Vendée à la découverte d’un musée consacré aux chouans et aux crimes de la Terreur. Souvenir de mes jeux royalistes où j’incarnais George Cadoudal, Karl Jean Cottereau et Hermione Jean de Florette à la chasse des Bleus à saigner. Ce trio enfantin me reste comme le meilleur de ce passage au château d’O : intense complicité de deux garçons et une fille de l’année 69, affection développée par les multiples jeux partagés, imagination débordante pour nourrir nos gourmandises ludiques, l’affirmation progressive de nos caractères préadolescents sans fragilisation de nos liens. Voilà tout le positif de ce partage dans un cadre unique, féerique. Quel dommage que la dimension apportée par Heïm se charge de peu reluisantes dérives.

Tous les sujets mènent à Heïm ? Impression de ces dernières pages. Un T.O.C. littéraire ? No Comment.

19h. Edifiante après-midi vendéenne, après un gustatif passage à l’Auberge du lac. On peut tirer à boulets rouges sur le de Villiers souverainiste jusqu’à la mauvaise foi, mais reconnaissons la qualité de son empreinte dans la gestion du département de Vendée et la mise en valeur de sa période tragique. Du mémorial de Vendée aux Lucs, jusqu’au Logis de la Chabotterie, nous découvrons l’horreur génocidaire des soldats de la République « une et indivisible », comme il est indiqué au bas du décret officialisant l’appel à la destruction de la contrée et à l’éradication de sa population, femmes et enfants en tête.

Le martyr des Lucs et de ses habitants exterminés dans l’église rappelle sans effort Oradour-sur-Glane, ni plus ni moins. Le projet de la Convention a juste manqué des évolutions technologiques dont a bénéficié le nazisme pour sa funeste entreprise. Les intentions sont tout autant barbares, criminelles, jusqu’aux boutistes avec cette détermination idéologique à supprimer une communauté humaine pour son appartenance religieuse ou prétendument raciologique. Comment notre République n’a-t-elle pas plus fortement rejeté cette part sombre de sa naissance ? Comment peut-elle laisser sur son Arc de Triomphe le nom d’un général sanguinaire, le bourreau Turreau, en charge de ce crime contre l’humanité, ni plus ni moins coupable qu’un Himmler si ce n’est par l’ampleur du projet… mais la Vendée aurait compté cent fois plus de rebelles et Turreau aurait eu à disposition les raffinements techniques des nazis, le quantitatif ne serait pas un argument des camoufleurs de la sale histoire révolutionnaire. Démonstration de ce révisionnisme cautionné par l’Etat républicain : JB me sort un Précis d’histoire pour le brevet élémentaire de 1932, œuvre d’une « réunion de professeurs » et qui limite ce drame à une « guerre » entre rebelles (terroristes dirait-on aujourd’hui) et républicains. Fi des acharnements exterminateurs contre la population civile vendéenne.

 

Vendredi 1er juillet

Les pages « faits divers » édifient sur les crasses sociales en tous genres. Lorsqu’un peuple se montre si prompt à fustiger les élites politiques et économiques, il devrait consulter davantage ces florilèges lamentables de la « France de base » et relativiser les écarts des édiles, les « inatteignables » : escroquerie, pédophilie, agression, délinquance routière… la grande parade des vices humains s’impose comme une stagnation quotidienne.

Un exemple de cette bêtise imbue sanctionnée par la peine capitale : quatre jeunes dans une « Audi » (la frime ? pauvres cons !) prêtée par l’un des pères ; une arrivée en trombe dans un village des Côtes d’Armor ; une ligne droite idéale pour enfoncer la pédale ; rires et déconnages à fond la caisse ; une roue qui mord sur un terre-plein et c’est le décollage ; écrasement contre un arbre : fracas inouï de la taule écrasée, des chairs et des os broyés. Résultat des festivités : quatre cadavres, des familles endeuillées et aucune prise de conscience par les déjantés de la route. Seule satisfaction : aucun piéton, aucune voiture tranquille n’a croisé la route de ces dérisoire liquidés par une belle aube d’été…

L’élévation vers les faiseurs du monde faisandé n’enchante pas davantage. La face cachée du 11 septembre d’Eric Laurent ne laisse aucune tête indemne : la complaisance américaine envers ceux qui les exècrent, le double jeu des Saoudiens, entre intégrisme et bénéfices obscènes, l’indéfectible soutien des services secrets pakistanais au Ben Laden tout en présentant une face vertueuse dans la lutte antiterroriste. Les intérêts de cette malodorante frange s’entrecroisent, les coupables se soutiennent selon la règle tacite du « préserver l’autre pour se protéger soi-même ». Même Massoud, d’après l’analyse de Laurent, n’avait pas l’engagement anti-talibans aussi transparent. Bouillie de l’histoire dont la diffusion future expurgera, selon le pays concerné, les facettes les plus immondes le concernant. Moi-même, aberré dans certaines indignations post 11 septembre, j’ai occulté la complexité des relations entre les pays et les hommes pour ne retenir que la réelle horreur du crime perpétré. Sur le banc des accusés les terroristes et leurs soutiens, bien sûr, mais aussi tous ceux qui ont contribué au fleurissement de ces extrémistes religieux, aux motivations diverses, et ce depuis le soutien en Afghanistan contre les forces soviétiques. Amis-ennemis : peu importe l’étiquette, ce qui compte avant tout est de servir ses intérêts de pouvoir, d’influence, de vengeance, de fric, etc.

De haut en bas, rien pour réjouir l’âme et adoucir la vision désespérante de cette putain d’humanité… sauf peut-être les cercles affectifs et culturels évoqués il y a quelques jours. Fin des lamentations !

Ce soir, nous dînons chez Laure et Daniel qui, après leur aventure dans la restauration, ont retrouvé un équilibre de vie.

 

Samedi 2 juillet

Le couple va très bien. De beaux enfants : un Erwan mature, jouant à merveille son rôle d’aîné ; une Lina de vingt mois, petite poupée blonde pleine d’entrain. Un équilibre professionnel retrouvé. Seule ombre : le frère de Laure que nous évoquons en milieu de soirée. Archétype du malchanceux que les circonstances s’acharnent à enfoncer un peu plus. Sa sœur le dépeint comme la victime imméritée d’un système d’exclusion, elle ressent très mal cette déchéance qui a poussé son collatéral à une tentative de suicide : seul (n’ayant jamais eu de compagne identifiée), sans travail, taciturne et isolé par nature, il entretient cette funeste spirale.

Le pessimisme ambiant sur la stagnation, voire l’enlisement du pays atteint les éditorialistes de la presse régionale comme celui de Ouest France ce matin. Mise en cause à peine voilée d’une population déphasée, inconsciente des réalités qui s’imposent, irréaliste quant aux solutions qu’elle voudrait voir mises en œuvre par un Etat qu’elle critique à chaque occasion.

L’antienne de Chirac, lors de la campagne référendaire, sur les formidables aspects du pays, ne trompe plus : le Non des frileux et des grincheux a balayé toute perspective constructrice pour nous laisser dans une bourbe hexagonale. Leur défoulement dans l’isoloir, synonyme de rejet caractériel, ne les soulagera que très provisoirement.

Quelle magnifique perspective que de voir les représentants disparates du Non prendre en main la destinée du pays ! De quelle épaisse démagogie va s’attifer leurs discours pour faire accroire que tout s’éclaire, tout s’ouvre, que le grand soir refondateur va dépasser notre torpeur… et surtout que nous pourrons mener une politique salvatrice sans prendre en compte la réalité mondiale : jouer à Cuba ou à la Corée du Nord en quelque sorte ! Fabuleux projet d’outre tombe. Européens, priez pour nous…

Cette semaine de vacances m’a redonné le goût d’écrire au quotidien. J’espère le prolonger malgré la reprise professionnelle.

 

Dimanche 3 juillet

23h. Vite avant l’extinction des feux. De retour à Lyon. Sur le parcours, je tombe sur la fin d’une émission avec Philippe Séguin. Très touchant personnage dans le témoignage de sa situation d’orphelin et des conséquences pour son parcours. Serge Moati, le réalisateur, le ressent un peu comme son grand frère. Voilà pour le bref instantané.

Demain, sur le pont !

 

Lundi 4 juillet, 23h

Reçu une carte de maman et Jean ayant séjourné chez Mona (ma tante divorcée de Paul) et son mari en Tunisie. Ce soir, un courriel pour nous donner quelques nouvelles plus détaillées après leur retour à Saint-Crépin. A noter les signes négatifs dans le comportement du mari de Mona envers cette dernière. Que cela tutoie la violence et la carte postale tunisienne aurait de bien trompeuses couleurs.

Maman regrette que nous soyons si loin de Saint-Crépin, car leurs week-ends ensoleillés partagés avec Jim et Aurélia relèvent du doux délice familial. Nous essaierons de les retrouver pour un petit séjour à Fontès.

Côté actualité, rien de notable, si ce n’est les coups bas de l’Angleterre contre la candidature de Paris 2012. Notre président s’est lui laisser aller à quelques caricatures de bistro des rosbifs dans leur approche de la PAC. Ainsi le fait qu’ils n’aient apporté qu’un élément à cette politique : la vache folle. Encore plus basique : une mise en correspondance de la mauvaise cuisine britannique et, de ce fait, de leur impossible bonne gestion des affaires agricoles. Voilà des envolées chiraquiennes plutôt ras de terre… pour se mettre au niveau des journaux torche-cul comme The Sun.

 

Mercredi 6 juillet

22h45. Et que se poursuive la débandade française…

Même les bookmakers anglais ne croyaient pas à la victoire de Londres pour l’organisation des JO en 2012. Pourtant, la métropole aux deux cents langues a été en tête lors des quatre tours. Certes, le dernier tour n’est remporté que par quatre voix d’avance, mais le sentiment d’injustice dans l’équipe française porteuse du projet ne peut en être atténué.

Chirac, à la descente de l’avion Singapour-Ecosse (?), et avant d’aller retrouver la Reine et Tony Blair, a dû composer, endosser le masque diplomatique, mais le regard éperdu ne trompait pas : sa fin de second mandat ne lui aura épargné aucune catastrophe. De Gaulle, l’homme qui a dit Non, Chirac, celui auquel on a dit Non.

 

Samedi 9 juillet, 1h du mat.

Le contraste entre le réel désespérant et le pessimisme spielberguien s’affirme. D’un côté le World tour d’Al Qaida se poursuit avec le carnage opéré dans quelques transports en commun de Londres. Là, de vrais cadavres déchiquetés, de vraies vies brisées, d’insoignables traumatismes ; là, de vraies crapules terroristes prêts à exterminer à l’aveugle.

De l’autre, La Guerre des Mondes de Spielberg, tiré du roman de H. G. Wells, annoncé comme un film sombre : d’époustouflants effets spéciaux, de talentueux mouvements de caméra, et 90 % du film cultive cette noirceur. Alors pourquoi gâcher cette dynamique par des concessions à l’eau de rose qui préservent une fin positive ?

12h30. Le bâclage de cette issue guimauve voit triompher une pitoyable humanité capable de lyncher celui qui a réussi à faire fonctionner son automobile pour fuir avec ses enfants. Absurdité inconciliable de ces grappes humanoïdes qui viendront à bout du seul véhicule disponible. Et c’est cette civilisation, si encline à la barbarie, qui vainc les puissances extraterrestres ?

Il manque au pessimisme prétendu de Spielberg l’authenticité courageuse de feu Kubrick. Si seulement il avait été encore parmi nous pour traiter de l’hyper terrorisme au XXIe siècle…

 

Jeudi 14 juillet

Sur rails vers Royan, les notes mélancoliques de Coldplay en puissance auditive, je ne peux que laisser l’angoisse émue me submerger. Le massacre terroriste de Londres marque l’amorce extrême de la détermination : le kamikaze anéantit toute contre-offensive. Aucune mise en sécurité ne peut prétendre à la fiabilité. Plus rien ne compte que le jusqu’au boutisme idéologique.

Cette interminable rengaine sanglante, l’inextricable où l’on se débat, assènent leurs règles de folie massacrante… à hurler !

Je me revois, déambulant dans Londres avec Marianne et son compagnon d’alors, insouciant et curieux des monuments et recoins de cette ville-monde. Quelle différence avec tous ceux désignés pour l’écharpement sans retour ? Moi, en mémoire d’eux, pour partager la souffrance de familles en désolation absolue. A l’heure de l’estival, notre capacité d’oubli se fortifie, comme une insulte dérisoire à ce qui se manigance dans l’ombre.

Avec Depeche Mode, c’est comme le grand souffle de la catastrophe survenue : une coloration musicale d’outre-tombe, un bilan effrayant du chaos, les cahots des véhicules de secours sur les gravas épars, cette agitation morbide qui ordonnance l’urgence.

8h20. TGV stoppé en pleine voie pour un « incident technique » selon l’euphémisme en usage. Après ce que je viens de rédiger, l’attente s’hypocondriaque… « Avarie sur l’indicateur de vitesse », voilà la cause de notre attente qui dégonfle toutes les hypothèses alarmistes. Ne pas savoir si l’on fonce à 295 ou 330 km/h c’est effectivement ennuyeux !

Et voilà ma correspondance Angoulème-Royan qui prend la forme d’un bus ! Temps de parcours évidemment plus long : la SNCF me bouffe mon si court temps de vacances ! Gardons notre calme…

 

Vendredi 15 juillet

Avec Sally, Sarah et Karl, une douceur joyeuse pour partager la détente estivale : baignade, bronzette, ballade, glaces… La brièveté du séjour ne peut tolérer aucun temps mort ou gâchage par une humeur inconstante. Seule visée : aspirer le plaisir comme des bouffées d’air attendues.

 

Dimanche 17 juillet

A toute allure vers Lugdunum après ce court séjour sur la côte atlantique. Retrouver ma tendre BB, qui sort de son week-end de labeur, comble ma part émotionnelle, mais les retrouvailles s’accompagnent d’une reprise en force des interventions à Cqfd. Hormis quelques rallonges aux week-ends à venir, plus rien avant le 25 août.

Bonne complicité avec Sarah et Karl. Ils forment un couple attendrissant, complémentaire par leur personnalité.

Quelques pensées à l’échappée qui volatilisent toute concentration.

 

Vendredi 22 juillet

Quelques notes à la guitare sèche de Jim à l’ombre ventée du jardin de Fontès : voilà un instant de pur bonheur. Grand-mère à nos côtés aspirent cette douceur musicale d’une fin d’après-midi estivale. L’ordre des choses inscrit dans ce temps en apparence disparu.

Une ‘tite pensée au grand Alain Bombard qui vient de nous quitter. Le naufragé volontaire, avec sa bouille rassurante, a définitivement marqué l’histoire humaine : l’hérétique est, depuis bien longtemps, devenu l’orthodoxie respectée. Hier soir, par hasard, nous tombons sur une rediffusion de son passage en 2002 sur TMC. Occasion de voir les images tournées depuis l’embarcation, comme une folie assumée, salutaire pour l’avancée de nos connaissances.

L’extension urbaine s’insinue jusque dans ce petit coin de l’Hérault : le jardin est désormais encerclé par l’asphalte, et trois pavillons à familles bruyantes vont pousser côté champ vendu. Le large ruban noir et puant s’impose comme un coup supplémentaire aux souvenirs liés au lieu d’enfance, comme une volonté de nous retirer tout ce qui nous ancre en un point.

A Londres, quinze jours après les saloperies de terroristes kamikazes, séance d’amateurisme voulant prolonger les basses œuvres al qaidiennes. Un résultat minable et des traces juteuses laissées pour Scotland Yard. Que la chasse aux fripouilles s’accomplisse sans état d’âme, c’est le moindre.

 

Samedi 23 juillet

Vent du soir, ciel laiteux, un repas partagé dans le jardin à la veille de notre départ.

 

Dimanche 24 juillet

Al Qaida, la nébuleuse des immondes, n’a pas pris ses quartiers d’été. Les concentrations touristiques l’inclinent à poursuivre le pire de son programme : la tuerie à l’aveugle. Après les massacres de Luxor (non labellisés par le mouvement terroriste, alors inconnu du grand public), l’Egypte subit à nouveau le déchaînement intégriste. Près de quatre-vingt-dix cadavres en charpie et une économie touchée dans son nerf fragile.

Pour nous, ce matin (sans maman et Jean) la belle plage sauvage entre Marseillan et Agde, qu’un projet voudrait légèrement urbaniser pour rapporter quelques sous aux communes en charge des lieux. Sale coup d’élus, si cela se fait, à l’époque de la préservation du littoral français.

Les multiples camping-cars qui s’enracinent entre le goudron et le sable dégorgent leurs hôtes ensommeillés. Au programme : vue sur l’immensité vert sale au son des véhicules. Quel dépaysement !

 

Mardi 26 juillet

Hier soir, appel inattendu de Heïm. Il vient d’avoir, quatre heures durant, la première petite amie identifiée de Hubert qui a partagé avec lui notre appartement commun à Pantin. Occasion de déverser ses souvenirs et analyses ; pour Heïm, l’absorption de quelques bisons et la plongée dans ses sempiternelles interrogations. L’objet de son appel : comprendre le gouffre entre l’affection manifestée lors de mon dernier passage exprès (conclu par le gerbage dans la voiture de Karl) et le silence quasi absolu qui s’en est suivi. Comme à chaque fois, dominante d’un monologue outrancier et déformateur de mes propos. Aucune envie de polémique avec lui, j’absorbe cette logorrhée verbale tout en glissant quelque semblant d’explications. Que faire, que dire, lorsqu’on ne ressent plus qu’un grand vide étranger lors de ces manifestations sporadiques ? Rompre en clair, puisque la signification de mon comportement ne lui suffit pas ? Je ne lui fournirai pas cette ultime victoire prétendue sur la justesse de ses prévisions (prédictions). Le balancier entre son affection affichée et les reproches larvés conditionne son approche. Je limite mes rares interventions au « rien à déclarer ». Ses soixante ans se feront sans ma présence, tout juste une petite manifestation par courrier ou texto.

Parmi son fatras argumentatif, nouvelle allusion à la non publication de mon Journal : pas une question financière (je m’en serais douté !) mais le décalage incongru (et donc intolérable pour lui) entre sa formidable réussite actuelle et la narration de mon échec. MON échec ? Voilà un nouveau motif bien gonflé de mauvaise foi. Oublié l’action collective, ne reste plus que mon endossement final pour protéger les autres. Alors soit ! Qu’il me pardonne alors ce détachement critique que je ne réfrènerai pas. Tout intègre, fidèle, magnifique qu’il se dépeint, la salauderie n’est pas loin…

 

Vendredi 29 juillet

En route, dans un Corail surchauffé, vers Besançon via Dijon. Un samedi programmé dans des canoës kayaks avec Sarah, Karl et quelques-uns de leurs amis. Ma tendre BB doit, elle, assumer son week-end de labeur. Ciel bas, grandes eaux en descente, rien ne transparaît pour combler la villégiature expresse. Les éclairs lézardent la grisaille pour rendre l’atmosphère un chouia cataclysmique ! La nature a des ardeurs qui atrophient nos élans immodestes.

 

Samedi 30  juillet

Depuis la magnifique demeure des parents de Sarah, je profite de l’esthétique locale. Le père, artiste discret mais prolifique, a passé trente années pour construire et aménager cet ensemble. Une harmonie dans la complémentarité s’exhale du couple P. et rend plus authentique leur coin de paradis.

De vieilles pierres blanches aux éclats rajeunis, un parc aux espaces confortables, une multitude de pièces accueillantes pour les amis : sous les charme des lieux au cœur d’une petite localité française. Qu’irais-je m’aventurer hors des frontières quand l’infinité des paysages et l’humanité prise en individualités vous comblent à ce point ? Je n’envisage aucune fuite vers d’improbables horizons meilleurs. Cette obsession du dépaysement, des confins en mire perpétuelle, révèle souvent des existences ravagées par le vide du temps gâché. Il leur faudrait apprendre la beauté de l’ancrage, le goût de l’immobilité nourrissante, la vraie liberté de rester et faire fructifier. L’éperdu déplacement rabougrit l’âme au primaire stade de surface narratrice. Abscons un peu, ma formulation… En incisif : ne pas bouger pour éviter l’artificiel.

 

Dimanche 31juillet

La bande d’amis sur le lit de la Lanterne s’est joyeusement défoulée. Trois canoës de tête : Sarah et Karl pour celui de tête, l’expérience maîtrisée ; Olivier et moi en néophytes débrouillards un peu casse-cou ; Karine et Vincent pour fermer la marche avec une spécialisation dans le « merde on tourne en rond… merde… ». De bons instants de complicité, de franches rigolades et des baignades improvisées ou forcées.

Pour le soir, défoulements au ping-pong pour parachever la fatigue physique. Sans aucun doute, un week-end aux senteurs de vacances… Pas mécontent toutefois de pouvoir serrer ce soir ma douce sur mon cœur.

Découverte le soir du frère de Sarah : personnage complexe, d’apparence hautaine et réservée, se tenant certainement en très haute considération, porté facilement vers le mépris des autres, mais l’esprit très affûté et le discours solide. Facile de comprendre l’extrême difficulté qu’a eue Sarah (la petite sœur) à se sortir du dirigisme implacable de l’aîné.

Il m’a déposé à la gare de Besançon avec son petit bolide Alfa Roméo. Curieusement, ses pointes sur des doubles voies (il m’avouera avoir été jusqu’à 180km/h) ne m’ont pas inquiété. Ce type de véhicule colle à la route et ses excès ne se faisaient qu’en situation déserte d’autres véhicules. Cette expérience me fera-t-elle abandonner mes fulminations contre les inconsciences de conduites criminogènes ? Sûrement pas ! mais, comme toujours, la considération à l’unité relativise nos principes. Confirmation d’une personnalité pour beaucoup axée vers la réussite sociale, selon les canons traditionnels : performance et volonté d’ascendant sur l’autre, malgré une politesse et une gentillesse affichées.

Pour le reste, des hôtes d’une chaleureuse convivialité, le sincère objectif de faire de ces courts instants une félicité partagée. Signe d’une symbiose renouvelée : le plaisir de l’à-propos, du retour percutant pour déclencher les rires en cascades. Alerte, vif, de bon aloi : à aucun moment une morosité, une parcelle de saillance taciturne n’a germé en moi : le fonctionnement s’avère suffisamment rare pour ne pas le célébrer ici. Entre deux indignations désespérées, figure encore la place pour de belles réunions humaines.

Une Sarah aimante envers Karl, taquine et complice avec moi ; Olivier à l’esprit affûté et réceptif, aux élans humoristiques ; Vincent au rire communicatif, crème d’homme doux et attentif envers sa « douce » Karine qui assume mal son surpoids (mais que l’amour de son compagnon permet de transcender) ; les parents de Sarah déjà évoqués dans ces pages et confirmés dans leurs qualités en ce trop court dimanche… En somme, un tableau idéal de ce que devrait être toutes les réunions amicales.

 

Mercredi 3 août

A noter, dans un des groupes en formation financée par la région, un personnage au profil intrigant. D’origine maghrébine, d’une politesse prononcée, d’une gentillesse prévenante à l’égard des formateurs, il reste toujours à part du groupe. Dès qu’un instant s’offre à lui (pause, devoir achevé…) il se plonge dans un bouquin. Celui en cours pourrait révéler ce qui couve en lui : la fin des temps chez les prophètes (titre de mémoire). Je songe à ces jeunes gens installés, brillants, bien éduqués, sans histoire, ayant construit une famille, mais qui n’ont pas reculé face au projet de terrorisme kamikaze. Anéantir autrui et soi-même pour ses idées… Qualité de la détermination, mais atroce nihilisme paré d’une pseudo renaissance.

Reçu lundi soir le parrain de BB et son épouse, qui nous avaient prêté le très utile échafaudage lors de la réfection de notre appartement. Couple agréable et en phase totale avec nous sur le gâchis du rejet du traité constitutionnel pour l’Europe.

Enfin, Coldplay passe en concert en France : quatre date dont une à Lyon. Je n’ai beau pas avoir le tempérament du fan, j’attendais cette nouvelle avec impatience, au point d’aller me connecter sur leur site. Leur atmosphère musicale m’a conquis en trois albums portant leur style et laissant une large part à l’évolution créative. La patte du groupe et l’inspiration sans retenue : l’équilibre dans la démarche du groupe leur assure une pérennité de carrière à l’échelle mondiale. Bravo à la fibre musicale anglo-saxonne, encore une fois.

Les politiques prennent leurs quelques jours de congés et les membres du gouvernement clament aux médias ne surtout pas se couper des actions en cours. Deux mois après le tonnerre référendaire, la rébellion électorale s’assimile à une erreur grave d’objectif. La rentrée européenne risque de tenir de l’équilibrisme handicapé par les humeurs françaises et néerlandaises. Du repliement à l’effondrement, le risque n’est plus inconcevable.

 

Vendredi 5 août, 23h35

Ma BB en vacances jusqu’au 30, moi au labeur renforcé jusqu’au 24. La stabilité professionnelle est à ce prix.

Le Portugal subit, cette année encore, de gigantesques incendies combattus par les dérisoires moyens en sa possession.

 

Samedi 13 août

Week-end prolongé à Arles. Hier soir, découverte du logis de Louise et Richard : une ou deux pièces par étage, et le quatrième constitué d’une petite terrasse bordant le toit. Comme souvent, animation des débats en fin de soirée : de l’art moderne au dopage sportif, de quoi bretter avec l’intellect en passion.

Nous logeons chez Romy, au-dessus de la vieille acariâtre qui tient le magasin La Vie claire au rez-de-chaussée et passe ses nerfs au-dessus. Pour nous manifester la non bienvenue, la laide foldingue, à partir de sept heures du matin environ, fait claquer les portes de son appartement réparti sur plusieurs niveaux (une spécialité arlésienne !) et auquel on accède par l’escalier de service. Sans doute insatisfaite du chambard, elle le complète lors d’un déplacement par le tintement d’un couvert de la vaisselle, tapant vigoureusement ses pieds sur les marches. Une emmerdeuse invétérée en somme ! Ses humeurs maussades, c’est bien tout ce qui doit péniblement remplir sa pitoyable existence… Triste bonne femme qui cultive une jalouse méchanceté à dégonfler avec un gargantuesque éclat de rire.

Hier, Heïm a eu soixante ans, à fêter dans le cercle le plus restreint qu’il pouvait imaginer. Aucun enfant de sang à ses côtés, des enfants de cœur réduits à la furtive présence de Karl, son épouse, sa mère peut-être, et sa complice collaboratrice Monique. A moins que quelques amis lui aient rendu visite. Pour ma part, j’ai limité ma manifestation à un courriel lapidaire. Peut-être lui enverrais-je un présent depuis la Touraine, lors de ma petite semaine de vacances.

En attendant, bien plus motivant, je vais déambuler avec ma douce au marché coloré d’Arles.

Fin de journée, plage des Saintes Maries avec vent doux de côté et sable déserté. La fille de Richard goûte une dernière fois l’écume des vagues, tandis que les adultes l’attendent sagement. Rien à redire sur cette quiétude partagée : seul André n’y participe pas, l’eau et la plage n’ayant jamais été son élément.

Dès que les périodes de repos se raccourcissent, je profite davantage de chaque instant, sans laisser pointer les morosités, les pessimismes, les abattements, versant désagréable de ma cyclothymie.

 

Dimanche 14 août

Un peu d’introspection. J’ai souvent eu un rapport complice avec les petites filles. Arrgh ! Si je camais à l’instant d’un arrêt cardiaque, d’une attaque cérébrale, que pourrait-on conjecturer ? Je m’empresse donc de noter que cette complicité ne charrie aucune purulence malsaine, aucune dérive perverse, aucun penchant… p.é.d.o.p.h.i.l.e. ! A-y-est le mot est lâché. Ou plutôt si, ma pédophilie est grande, mais dans sa seule acception étymologique ! J’aime les enfants s’ils sont aimables… ce qui réduit considérablement la frange humaine concernée. Mais je digresse de mon exposé initial.

J’ai remarqué, dans mon comportement, chaque fois qu’une enfant manifeste, par ses paroles et ses attitudes, une inclination au rapport affectif, une systématique prise de distance avec l’être juvénile. Non point que j’anticipe un élan scabreux et déplacé de ma part, une quelconque tentative sexuelle m’horrifierait, me dégoûterait même ! mais je considère avec la plus extrême méfiance le regard interprétatif des adultes. Ne surtout pas faire naître chez eux le soupçon abusif, le doute accusateur. Voilà une manifestation sans conteste du poids social et de ses conditionnements.

Je dois tout de même confesser l’excitation ressentie pour une bien plus jeune que moi, lorsque j’avais onze ou douze ans… En visite chez des amis de ma tante Mona, une fillette de six ou sept ans m’allumait explicitement, venant, par exemple, s’asseoir sur moi et frotter sans retenue ses petites fesses sur mon sexe précoce. Un souvenir révélateur de ce qui peut arriver si l’on ne prend pas garde de mettre des bornes là où l’enfant ne voit qu’un jeu émoustillant. C’est bien là le rôle de l’adulte.

Notre potentiel crade ne connaît pas de mesure dans notre for intérieur. Etre moral, ce n’est pas annihiler ces émergences in petto, mais de savoir ce qui peut exister dans la sphère sociale (le social commence avec l’autre, quel que soit le degré d’intimité partagé) et de doser le possible en fonction de la configuration externe.

 

Lundi 15 août

Pas du tout la part sombre, aigrie ou désespérée qui a triomphé hier après-midi. Retour aux Saintes Maries, direction plage, avant l’arrivée je prends soin d’acheter une belle planche dans l’espoir de bénéficier des mêmes vagues que samedi. Vœu comblé au centuple : la Bleue agitée m’a fait renouer avec le pan juvénile en léthargie dans un coin de ma carcasse. Même la fille de Richard, dix ans, n’a pas tenu la distance de l’amusement total. A son excuse : la violence des vagues pesait beaucoup plus pour son frêle corps.

 

Jeudi 25 août

Privé de mon Manus XIII, ayant pris le XII complet par erreur, je me contente du verso de feuilles mobiles. Recopiage suivra à Lyon.

Arrivés hier soir à Pernay, reçus comme des amis chers par Lydie, rejointe peu après par Corentin, nous passons la soirée ensemble dans leur joli logis campagnard. Toujours la gentillesse incarnée dans leur réception, je ressens quelques tensions, notamment entre Lydie et sa fille Adèle. La petite fille blonde de Royan mûrit, ses cheveux foncent, ses formes s’affirment, ses treize ans complexifient sa bouillonnante personnalité. Début septembre elle entre en internat à Tours, à sa demande. Comme Elo (mais avec quelques années d’avance) elle veut goûter l’éloignement du cocon oppresseur.

Pluie fine sur le tourisme, qui fait du bien aux nappes, mais engrisaillent les paysages. Nous apprécierons plus profondément les intérieurs châtelains. Programme du jour : Abilly, La Guerche, le Grand-Pressigny, Chambon et Boussay. Boulimique ?

 

Vendredi 26 août

Début humide au Grand-Pressigny, arrêt gourmand à l’auberge du Pont Neuf à Cussay et l’après-midi de visites en enfilade. Château de Boussay, entouré d’eau, avec deux chérubins de la demeure jouant sur une barque ; château de Rouvray, près de Chambon, et son vieil occupant comme guide, archétype de l’aristocrate désargenté, négligé sous les ongles, avec son costume vert en grosse côte, qui nous dévoile laborieusement les atours de son domaine dégradé ; forteresse de La Guerche, enfin, beaucoup plus professionnelle dans son accueil, avec sa jeune guide passionnée, qui nous rappelle Fanny dans sa verve et sa plastique.

Hier soir, petite visite à Lydie et Corentin (Adèle passe furtivement nous embrasser avant de retourner se scotcher sur MSN) qui nous révèlent le projet pour dimanche : promenade autour de Pernay en… Torpédo 1934. Restaurée par le père de Lydie, il n’en existerait plus que deux exemplaires en France, et celui-ci serait le mieux conservé. Avec mon Panama sur la tête, la frime s’annonce jouisse !

 

Samedi 27 août

Au programme du jour : un croissant à l’Est de Tours truffé de huit châteaux plus Amboise en son cœur.

Hier, après treize ans et mon voyage en Indre-et-Loire avec Kate (qui n’avait pas donné lieu à un quelconque épanchement dans ce Journal) je retourne avec ma BB sur les lieux de mastodontes touristiques du département : Villandry, Ussé et Azay-le-Rideau hier, Chenonceau et peut-être Amboise aujourd’hui. L’aménagement pour recevoir les dizaines de milliers de visiteurs, sur une saison, tranche avec la timidité de l’accueil de petits châteaux comme Vouvray ou même La Guerche.

Première déception du séjour : les Songes et lumières, spectacle visuel et auditif dans le par cet sur les murs d’Azay. Sommaire, statique voire bâclé, rien de l’enchantement annoncé sur leurs affiches disséminées dans le département.

 

Dimanche 28 août

Jour de la Torpédo 1934 pour une ballade mémorable. Hier, notre croissant s’est réduit à trois points : Chenonceau, Athée-sur-Cher et Montlouis-sur-Loire. A ce dernier, exposition dans le parc à l’anglaise des photographies La terre vue du ciel de Yann Arthus Bertrand. Le soir, partage d’une omelette aux œufs de pintade avec Lydie et Corentin.

J’apprends qu’à Chancaux, près de Loches, Gonzague Saint-Bris a invité ses amis écrivains pour une fête du livre. Parmi eux, Madeleine Chapsal que j’ai perdue de vue depuis quelques années. Epoque illusoire où je me croyais éditeur, voire inscrit dans le monde des lettres. Belle baudruche dégonflée depuis. Ecoulement du temps, depuis, autour d’ambitions bien plus modestes et réalistes. Le méprisable serait de persister à cultiver ces chimères jusqu’au pitoyable. J’écris, certes, mais rien qui mérite plus que sa trace à l’encre manuscrite.

A noter : les propriétaires du château de Montlouis-sur-Loire, qui fait l’objet d’une exploitation commerciale diversifiée (chambres d’hôtes, visites, réceptions…) sont deux frères de Broglie (prononcer de Breuil) fils du ministre assassiné dans les années soixante-dix, affaire sombre de la Ve République restée non élucidée. Le Crapouillot s’en était fait l’écho dans plusieurs de ses numéros.

18h30. Splendide journée qui s’achève. Déambulation autour de Pernay avec la Rosalie : les gens nous font des petits signes amicaux, de largues sourires, des pouces dressés, admirateurs… Jamais je n’aurais vu autant de comportements positifs dans le monde automobile. Il faut une superbe antiquité pour provoquer du consensuel convivial, pour que ceux qui nous suivent à 60km/h de pointe ne songent même plus à nous doubler, pour que ceux qui nous croisent sur les étroites routes départementales s’écartent respectueusement, voire s’arrêtent. Une féerie sur route, instant rare à savourer. Sur notre trajet, quelques jolis châteaux et jardins qui portent à dix-sept le nombre de sites vus ou visités en quatre jours. Des vacances remplies qui s’achèveront demain à Loches, avant un retour ensoleillé sur nos terres lyonnaises.

 

Lundi 29 août

La plupart des estivants ont repris leur labeur : nous nous préparons pour une journée estivale à Loches. Le jouissif de se détendre en sachant les autres happés par leurs obligations, est un  peu basique, mais efficace pour la paix intérieure.

Lors d’un déjeuner avec ma BB, j’évoquais l’idée de reprendre contact avec Alice, une fois Heïm décédé. Pourquoi attendre ? Pour ne pas présenter le flanc aux critiques qui conforteraient un peu plus Heïm dans ses certitudes d’avoir raison sur tout et tous. Je dois l’avouer, les deux êtres dont je regrette de m’être éloigné pour la complicité quasi permanente que l’on partageait se résument à Karl et Alice. Si je conserve un lien épisodique avec le premier, la seconde a subi mes foudres, et sans doute ma haine circonstancielle, lors de sa rupture affective avec Heïm et surtout de son départ avec Leborgne me laissant la charge de liquider Sebm. Très loin tout cela, et j’en viens presque à lui donner raison. J’espère qu’elle ressent les mêmes choses, et qu’une fois la lourde présence de Heïm évanouie, nous pourrons rétablir une saine et inaltérable affection.

 

Samedi 3 septembre, 23h30

Chaleur accablante atténuée par le ventilo.

Les Etats-Unis subissent, sur une surface équivalent une demie France, les conséquences dramatiques de la dévastatrice Katrina : cyclone dévoilant les graves faiblesses du pays le plus puissant. Les images de jungle urbaine, de population tiers mondisées, de réactions dérisoires des autorités, pourraient renforcer les extrémistes anti-américains dans leur inatteignable victoire contre le Grand Satan. Le cocasse absolu : un Fidel Castro proposant une aide (médicale, je crois) à l’administration Bush… qui l’accepte ! Jamais aucun romancier n’aurait pu songer à une si extravagante situation.

Finalement l’aventureuse expédition en Irak n’est-elle pas en train de vider le pays de sa substance financière et logistique ? Imaginons une attaque surprise de masse d’une puissance étrangère (étatique ou plus sûrement nébuleuse terroriste) sur le sol américain. Comment rapatrier efficacement les forces militaires concentrées loin du pays qu’elles sont censées défendre ? Espérons que cela n’arrive jamais, sinon l’Europe deviendrait alors première dans la ligne de mire des apprentis destructeurs de la civilisation occidentale.

L’implication des grands médias français dans l’image que doit donner notre pays à son grand allier les oblige à occulter les très nombreuses réactions de satisfaction des haineux de l’Amérique (que l’on peut aussi qualifier de complaisants pour les tarés de l’islamisme) présents sur notre sol.

Notre pays, si attentif à réprimer les manifestations de racisme et d’antisémitisme, devrait se doter d’un arsenal juridique et judiciaire (notamment par l’expulsion ou l’emprisonnement) de tous ceux qui s’adonnent à l’éloge ou l’admiration passive de nos ennemis civilisationnels. Hitler c’est de l’histoire, alors que là c’est l’urgence de la survie présente. Notre capacité d’accueil ne doit pas constituer le premier jalon de notre destruction.

Le terrain politique français qui devait tonner de l’étripement larvé entre Sarkozy et de Villepin vient brusquement d’adopter la mine grave des émotions quasi consensuelles : notre président est hospitalisé au Val de Grâce pour une semaine après un « petit » (insistent les médias) accident vasculaire qui lui a brouillé la vue. L’hôpital militaire accueille périodiquement Heïm pour divers examens : il serait amusant de les savoir tous deux sous le même toit !

 

Samedi 10 septembre

A la veille du quatrième sombre anniversaire de l’hyperterrorisme. Les terres rouges de Lions m’accueillent. Les voix féminines assurent le minimum musical. Le 11 septembre écologique stigmatise les Etats-Unis dans leurs failles de développement. Serait-ce le fédéralisme qui paralyse la réactivité adéquate, qui englue toute action d’envergure ? Serait-ce la ségrégation larvée qui a retenu le déferlement des gros moyens pour sauver les rescapés du fléau ? Serait-ce le signe d’une superpuissance anémiée par ses engagements extérieurs, incapable d’une saine gestion intra-muros par temps de messianisme à la sauce Bush ? La cohorte des occupants du cloaque pétrifie : similitude avec les aires depuis longtemps abandonnées à leur chaos.

L’affliction demeure localisée à son environnement immédiat : le ludique qui se déchaîne ici, en zone pour l’instant préservée, ne peut occulter les corps gonflés flottants, charognes improvisées laissées au hasard des artères submergées, le temps des vivants à évacuer n’étant point achevé.

Le superflu, à côté, mais si troublant, c’est une vue plongeante sur un pied féminin délicieusement chaussé. Du pointu cuir blanc entouré d’un simili dentelle d’albâtre derrière lequel se dessinent les orteils mignons. Les envolées lyriques autour d’une finesse de peau, d’un grain velouté, valent tous les drames cataclysmiques. Pour le meilleur de l’incarnation des délicatesses de ce monde, ce pied méritait le piédestal du charme.

Série de mélodies à boire pour nourrir les hôtes enivrés. A chaque fois, l’hymne de 98, le moisi I will survive, tisse la communion d’une soirée, avant de se klaxonner, de s’insulter et de s’écraser sitôt engoncé dans sa taule roulante. Pas à une contradiction près le convive déconfit. Ondulations et strangulations se cumulent sans pudeur. Et les islamistes fustigent nos affalements barbares. L’éradication jumelée des populations et de leurs mœurs fétides s’accomplit.

 

Jeudi 15 septembre

Journée estivale au parc de la Tête d’Or pour, certainement, la dernière pause en semaine de l’été. Une mise à profit de cette douceur ensoleillée pour corriger les reliquats de divers groupes en formation.

L’actualité ronronne du sociopolitique intérieur et de l’après catastrophe de la Nouvelle-Orléans. Chirac expérimente la convalescence au planning allégé, laissant le bellâtre de Villepin représenter la France à l’ONU pour le soixantième anniversaire de sa création. Opportune consécration de circonstances pour celui qui a fait vibrer le Conseil de sécurité lors de l’opposition au coup de force américain en Irak.

Au café du musée, à la Cité internationale, un gars allumé sur un banc se lève, périodiquement, pour pousser quelques gueulantes dans le vide. Discours incohérent duquel, finalement, je me rapproche parfois. Le déjanté a eu toutefois la lucidité pour attraper son bus à temps.

Que peut valoir un témoignage écrit lorsqu’on l’ampute de l’indicible, du plus secret, de ce qui formerait la facette malsaine, donc attractive, du diariste ? Une telle transparence ne s’admet que dans le roman ou l’œuvre posthume de mémoire.

Changement de décor : sur un banc qui borde l’allée du parc, le défilé des coureurs s’égrène avec toute la diversité des souffles, des mouvements, des mines… voilà bien un sport que je ne pratique pas. La course à pied m’emmerde au plus haut point, et je ne crois pas à sa vertu physique. Mes quarante minutes de marche quotidienne m’apportent bien plus. Cet acharnement à pousser son corps jusqu’à la défaillance anéantit tout attrait, si ce n’est pour croquer quelques portraits cocasses.

Par exemple le bellâtre musculeux qui vient de passer pour la seconde fois : un physique de membre du GIGN avec le maillot culotte intégré, qui veut en mettre plein la vue de ses collègues. La femme aux yeux clairs dont la course en solitaire accentue le regard interrogateur. La silhouette parfaite d’une demoiselle qui peut largement se dispenser de ces agitations (à moins qu’elles en soient la source). La majorité suit le même sens, comme un parcours obligé, mais quelques récalcitrants retiennent l’inverse pour multiplier les croisements. La jeunette aux vêtements amples, pantalon synthétique dont les jambes font un son de crissement.

A une trentaine de mètres dans deux directions différentes : un écureuil maître du saut de branche en branche, un autre aux aguets dans l’herbe. Trois fois pour l’archétype du GIGN ! Tous ces gens qui s’épuisent sans raison rationnelle, ça me suggère un bâillement. Là, à dix mètres de l’écureuil réactif à la moindre secousse suspecte. Le p’tit gars, plus tout jeune, nageant dans un tee-shirt trop large, trop long, et poursuivant l’effort avec un rictus ravagé. La jeune femme, ustensiles pro au côté (petite gourde, pochon de sucreries, etc.) qui conservent son rythme comme un bien précieux. Que tout ce beau monde s’épuise, moi je me détends en attendant ma BB.

Petite toile ce soir pour suivre les aventures du « bon bout de la raison », celle de Rouletabille bien sûr : après la chambre jaune télédiffusée hier soir, la dame en noir va nous révéler la face inavouable du reporter.

Et de quatre pour le commando gendarme en solitaire… Le style inverse : deux braves dames qui devraient mieux marcher tant la lenteur et la modestie des pas laissent supposer l’incapacité pédestre. Le jogging : course vaine pour se purger des malfaisances de la vie urbaine.

Du remplissage pour rien tout cela ? Pas pour la gloriole, la rémunération ou l’utilitaire : un semblant d’existence pseudo artistique à l’image de cette flopée de pseudo athlètes. Rien de bien sérieux donc. Quelques illusions d’être lu sur la toile d’Internet… en réalité du pas grand-chose… Le factice de toutes ces vies qui s’agrègent autour d’une improbable santé préservée voire améliorée.

 

 

Dimanche 25 septembre, 22h35

Nouveau relâchement dans ce suivi, alors que mes activités d’écriture s’éparpillent. Avec Internet depuis quelques mois, un petit site, intitulé Indignation, présente quelques extraits de mon Journal habillés en articles indignés sur divers sujets. Plus récemment un autre site, sur le même modèle de base, baptisé Journal réfractaire, donne place au diariste 1991. Une façon de sortir très timidement de l’état manuscrit pour ces pages, mais rien de transcendant pour la quantité de lecteurs. Dernière initiative, pour cumuler davantage de pages, l’ouverture d’un blog, Loïc Decrauze en verve, qui reprend le contenu effacé, par manque de place, sur les deux sites évoqués.

Très factuel out ça, et bien fade de style, mais nécessaire jalonnement d’une vie somme toute très calme. Intérêt propre de garder trace des événements ayant marqué ma modeste existence. Ouh ! que tout cela est mauvais… aucun enclin à écrire, pas d’inspiration, aucune envolée… Fade, fade !

Ce n’est pas avec cet avachissement artistique que je pourrais poursuivre la rédaction du récit inspiré de mon Gâchis 91-99. J’ai redécouvert le travail effectué ce qui m’a redonné l’envie de ce projet.

Semaine de vraie rentrée professionnelle pour Cqfd, avec une intensité maximale du 10 octobre à début décembre. Présence des aspirants lieutenants qu’il faudra préparer sans relâche.

Quoi d’autre ? Emma et François semblent avoir trouvé une maison à acheter dans un patelin rural, Elo a rompu avec Ivan, Liselle a quitté Châlon-sur-Saône, Michelle ma cousine a mis au monde son deuxième enfant (dans le désordre tout ça), Joëlle semble atteinte de dépression et ne souhaite toujours pas nous voir (dernière entrevue pour le passage à la nouvelle année)…

Côté actualité, l’international domine avec le déchaînement de dame Nature contre les Etats-Unis : les intégristes musulmans trouveront toute satisfaction dans ce signe prétendu divin… Position à mépriser et à combattre. Les points chauds du globe s’entretiennent au sang des sacrifiés : Irak, Israël et Palestine, Afghanistan, Afrique pour partie, Amérique du Sud partiellement…

Revu ce soir avec plaisir Le Placard qui campe avec finesse comique les travers de notre univers professionnel dans l’alchimie humaine nécessaire mais truffée de ratés.

Avec mes binocles sur le nez, je ne parviens pas à faire décoller la plume. Ne pas insister et s’éclipser.

Un an et deux mois que le Manus XIII est ouvert. Bien poussif.

Peut-être devrais-je narrer le clandestin, le vraiment perso, les délires sur le tchat par exemple, les dérives dans ce monde virtuel, vraie drogue pour l’esprit et ses aspirations érotiques.

 

Mardi 4 octobre, 22h30

Coucher tôt, pour lever à l’aube, le rythme s’accélère dans mes interventions à Cqfd. Pas le temps de voir défiler trop vite ce temps. Je me rapproche de la quarantaine sans avoir vraiment joui à plein de l’existence. Les impératifs matériels hypnotisent notre temps de vie alloué et l’on remet à plus tard les impossibles réalisations.

Chirac de retour sur la scène médiatique, après son souci médical, vient moucher et ridiculiser le choix de titre du Parisien, l’un des seuls journaux parus aujourd’hui en cette journée folklore de manifestation. Devant caméras et micros, il revient sur sa position sans atermoiement concernant la future adhésion de la Turquie. On peut reconnaître, sans partager sa finalité, la force de ses arguments : préférons-nous avoir une Turquie avec nous dans une Europe plus lourde face aux Etats-Unis, ou voir ce grand pays, humilié d’avoir été rejeté malgré ses efforts de démocratisation, tomber dans l’escarcelle des intégristes islamistes ? Vrai problème qui, je le confesse, effrite un peu ma conviction. Que sera notre pays dans quinze ans, et que vaudra notre Union ? Peut-être ne pas se hâter de répondre, mais apprécier les faits, les changements réels.

Dans cette télé de plus en plus merdique, quelques perles d’émissions où fuse l’esprit, le raisonnement et qui maintient l’art du débat télévisuel comme au bon temps du sublime Droit de réponse de l’irremplaçable Polac.

Ces émissions auxquelles je souhaite rendre cet hommage confidentiel : C dans l’air d’Yves Calvi, qui vient de se voir confier en plus l’émission mensuelle Mots croisés ; N’ayons pas peur des mots sur ITV avec les truculentes interventions de Philippe Tesson, Riposte de Serge Moati…

 

Dimanche 9 octobre

Chaleur ensoleillée pour ce jour de veillée d’armes à Cqfd, nos vingt-deux aspirants lieutenant débarquent, complétant nos emplois du temps à bloc. Plongée dans la note de synthèse, panoramas tous azimuts de l’actualité, des institutions et de tout ce qui peut enrichir ces têtes curieuses de connaissances.

Nous saurons demain si de Villepin est un bravache grandiloquent ou s’il fait effectivement « liquider » les braillards de la Société Navrante des Cons Maritimes. Cette frange nationaliste qui pousse à la corsisation des emplois aura réussi, avec la complicité de la CGT, à anéantir cette société, ruiner l’économie de l’île et engluer les activités du coin. Les intégristes du syndicalisme, la STC, exigent une nation corse, mais veulent, dans le même temps, conserver le pognon de l’hexagone pour leur personne morale sous perfusion financière. La performance de Corsica Ferrie s’explique aussi par les incompétences cumulées, à tous les échelons, de sa concurrente moribonde.

Je l’ai vécu au premier plan à l’été 2003 : retards, incapacité à encadrer et éclairer les voyageurs mécontents, impossible réactivité… Aucune tolérance donc pour ces troupes engraissées par notre argent et qui se croyaient à l’abri de toute sanction. Leur prétendu service public, ils l’ont méprisé, sali, tout au long de ces décennies de déficit. Qu’ils s’acquittent donc de cette ardoise et cessent d’encombrer les plages médiatiques.

 

Samedi 5 novembre, 1h40 du mat.

Un mois d’abstinence dans ce Manus XIII qui n’en finit pas de s’éterniser sous ma plume sporadique.

A la période pédagogique chargée chez Cqfd, je peux invoquer une relative léthargie de l’esprit. Rien d’irrémédiable, mais une inclination à laisser s’écouler le temps, à laisser vrombir le monde, sans réaction solide et argumentée.

Pourtant, la semaine des « racailles », le déchaînement des « voyous » à « karchériser » au plus vite, impose la gueulante. Les yeux se fermant et la plume m’échappant des mains… A suivre.

 

Dimanche 6 novembre

Les médias font leur compte rendu quotidien des vandalismes, saccages et incendies criminels opérés maintenant dans toute la France. L’émulation du pire avec le compteur médiatique amorce une période encore plus sombre pour le pays. La barbarie couvait bien chez les « racailles » : capables de verser de l’essence sur des voyageurs dans un bus et de laisser cramer une handicapée ; capables de détruire des écoles primaires ; capables bientôt de tabasser au hasard des rues. Le jeu destructeur ne cessera qu’avec un drame majeur (un incendie qui tuerait quelques dizaines de personnes) ou l’envoi de l’armée et l’imposition d’un couvre-feu dans ces zones urbaines. L’Etat ne doit rien céder.

 

Dimanche 13 novembre

De retour au bercail lyonnais après les chaleureux séjours chez maman et papa. J’ai dû focaliser une bonne partie de mon temps sur la correction de la foultitude de copies embarquées.

Malaise informulable lorsque maman et Gilles nous ont déposés à la gare de Cergy Saint-Christophe pour que l’on prenne le RER A. Cette ville nouvelle, prototype sans âme du dortoir aux relents de ghetto pour maghrébins et noirs, m’est remontée à l’arrière gorge en déambulant dans son artère principale en décrépitude. Pourtant, rien de hideux pour l’architecture, et même un quartier conçu par Bofill qui tend à la grandiose esthétique, mais un peuplement monolithique dont les saillances se résument aux quelques terreurs locales. Le gros du reste vivote dans cette ville fantoche, alternant entre peur diffuse et apathie salvatrice. Je m’explique mieux, cette replongée dans le sordide invivable (par l’ambiance dégagée par les traîneurs du bitume) mon total retrait de toute vie extérieure en dehors du lycée. Un aller-retour entre l’établissement scolaire et l’appartement HLM de la rue Montedour suffisait à alimenter ma nausée existentielle. Extrême détachement de ce monde barbare, refuge dans l’écriture ésotérique (Les boyaux de la pomme à Guillaume) et une misanthropie galopante.

Dans Le Monde Week-end, le témoignage anonyme d’une habitante de la Courneuve, à la cité des 4000, depuis vingt-huit ans. Une insulte pour la dignité humaine que cette pesante quotidienneté qui fait de votre vie un renoncement de chaque instant. La lucidité ne l’a pourtant pas abandonnée. Sans doute encore plus terrible à vivre. Cette rapide immersion au sein de cette localité-dépotoir m’a un peu plus édifié sur l’influence primordiale du cadre de vie sur la santé psychologique de chacun. Et par cadre incluons les grappes humaines qui ennoblissent ou empuantissent l’ensemble minéral.

 

Dimanche 20 novembre, 1h30

L’essoufflement des vandales de cités ne doit pas nous endormir. A croiser ces bandes de branleurs primaires, on ne peut qu’exacerber son exécration pour ces humains de façade. Ces ineptes ont toujours tout à reprocher au système et rien à remettre en cause chez eux. Parodie d’existence qui sert les potentats de l’économie illicite. Et la collectivité paiera encore, quelques ajouts aux fonds perdus pour éviter une politique expéditive qui ne s’encombrerait pas de ces mollesses démocratiques.

Sortit de ces purulences pour le quotidien banal d’un temps qui défile.

23h. Le tournis de ces semaines à grande vitesse ne laisse aucune place au retranchement créatif. Mes blogs et sites sont en sommeil depuis des lustres et rien en moi ne m’incline à les reprendre. Un vide cultivé pour ne rien avoir à espérer comme avenir artistique. Seule cette sauce noire sur carreaux vivote péniblement, sans impérative justification, aux accents de plus en plus fades…

Avec ma BB, la vie s’écoule sans saillance, mais dans une douceur renouvelée. Sans doute une lourde fainéantise existentielle ne m’incline à aucun dépassement de moi. Ma perspective se borne au gentillet chez-soi et aux plaisirs de l’instant.

Le cirque campe chez les socialos : un Congrès qui aboutit à la synthèse des ennemis d’hier. Bonne figure pour la parade, jusqu’à la désignation (fin 2006) du candidat aux élections présidentielles.

 

Jeudi 24 novembre,23h34

Premières neiges sur Lugdunum, je maintiens mon éveil pour quelques notes. Appel d’Elo ce soir : elle a raté son DECF et doit subir les foudres maternelles. Son éloignement à Clermont Ferrand n’a pas apaisé les fureurs de la dame. Dans ses délires verbaux, elle ira même jusqu’à reprocher à mon ex élève de ne pas m’avoir pris comme petit ami ! Pour le moins incongru de la part d’une mère qui me payait pour que j’enseigne le français puis la philo à sa protégée. Quel gâchis que leur vie avec tout le potentiel du bonheur harmonieux mis à mal par ces coups de folie.

 

Dimanche 11 décembre

Hier soir, alors que nous recevions Jean-Luc (frère d’Anna) et sa compagne Barbara, appel de maman écœurée : Bruce s’est bien marié avec cette femme d’origine du Kirghiztan qualifiée de « garce manipulatrice ». Refusant d’embrasser sa belle-famille, y compris les adorables petiots Alex et Raph, au nom de sacro saints et fumeux principes, l’immigrée clandestine s’est répandue en effusions baisouillantes sur ses amis présents. Son mépris inexplicable (sauf à être la résultante de discours conditionnants de Bruce ou d’une stratégie de mariage blanc visant à écarter d’emblée les membres familiaux gênants pour son méprisable dessein) ne s’accompagne évidemment pas d’une existence assumée dans son volet financier : six mois de loyer non payés avec papa caution. Le duo malfaisant réserve encore de bien crasses surprises.

 

Vendredi 23 décembre

La tournée festive s’amorce avec ses enivrements culinaires et les chaleureuses plongées familiales.

Coup d’envoi avec la petite et joyeuse équipe de Cqfd chez Vattel, sélectionné par O., l’initiateur des parenthèses conviviales. Occasion d’amplifier les complicités avec les membres de l’équipe pédagogique, notamment L. (responsable de la formation), H. et S. Par certains aspects, la mécanique humoristique instaurée s’apparente à celle qui émerge à chaque retrouvaille avec Karl.

Hier soir, après plus de deux mois et demi d’abstinence bloguienne, je modifie les huit pages de mon site Indignation. Sélection des passages, depuis 1991, rédigés au lendemain de Noël, avant ou après le Nouvel An : du sombre pour l’essentiel. La charnière 93-94 s’affirme comme le summum de mes désespérances cultivées. Bientôt douze ans après ces désillusions abyssales, mon univers lyonnais a enterré ces épisodes de perdition dérisoire. L’engluement dans ces affaires en ruines m’a vacciné contre toute ambition mal placée, aventure collective où l’on ne maîtrise que son engagement moral, sans influx réel sur la machine occupationnelle.

Un bleu ciel d’hiver surplombe notre déplacement grande vitesse. L’apaisant défilement de ces paysages du centre suspend nos confinements urbains : les harmonies des pastels endormis, les dénivellations pelées où le bois impose ses marrons dégradés.

Alternance du brouillard enveloppant et des luminosités à fleur de ciel avec l’extrême émotion de That Particular Time d’Alanis Morrissette : les sens exultent.

 

Samedi 24 décembre

Au chaud, la maisonnée de Saint-Crépin, le Noël s’annonce paisible, gourmand et ludique.

Quelques numéros de presse sur l’actualité de l’année 2005 : drames humains, saloperies politiques, trahisons et accords interlopes, le lot commun d’une rance humanité. Si notre propre vie semble préservée des malheurs en chaîne, le spectacle rapporté du monde inclinerait à l’érémitisme définitif. Mon retrait maximal de l’activité publique m’a fait abandonner le suivi d’un embryon groupusculaire à Lyon, pour agiter les idées, débattre et rédiger… Aucun entrain pour ces fariboles intellectualisante. Je reste dans cette ombre absolue du diariste épisodique, répétitif, ronchon et démobilisé. Seules lucarnes pour le tout-venant : deux blogs et deux micro-sites reprenant quelques pages choisies de ce Journal. Bien maigre ambition, mais qui colle sans effort à ma nature réfractaire : réfléchir et s’indigner sur le monde, oui, mais qu’il n’envahisse pas !

Le couple des néfastes, la kirghize et le caractériel, ne sont point associés au Noël familial. Une douceur de vivre est ainsi préservée, même si cela nourrira leur ressentiment pour cette famille qui les rejette ! Je n’éprouvais déjà plus rien d’affectif ou de positif pour ce collatéral, mais son alliance avec une manipulatrice pétrie d’opportunisme grossier (pas besoin de la jauger en réel, les dires des proches me suffisent amplement !) m’incline à cultiver méfiance, dégoût et abhorration du malfaisant. Les années passées, la maturité n’a pas émergé chez le brother déphasé. Exit ! J’y consacre trop de lignes à ces nuisibles.

 

Lundi 26 décembre

Trop gâtés nous sommes, chargés pour rejoindre Le Cellier via Nantes. Parmi les présents, le Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles Dantzig : plus de 950 pages de notices subjectives sur les auteurs, œuvres et concepts littéraires qui comptent pour cette irrévérencieuse érudition au phrasé alerte. Plaisir de retrouver, dans les quelques dizaines d’écrivains retenus, le père Léautaud, ce « vieux libertin d’Ancien Régime » aux « éternuements de cynisme ». La hardiesse du partial docte littéraire le conduit à déceler chez le « grogneur » bourru un tendre lyrique. Voilà qui aurait fait sortir quelque son tonitruant, entre indignation affichée et acquiescement camouflé, du bougre.

D’autres se prennent les griffes de Dantzig, leurs œuvres ravalées à d’inutiles remplissages : ainsi le trio décadent Bloy, Huysmans et Villiers faisant clapoter leurs fureurs au son de leur propre avachissement. Un peu cette sensation dans mes remugles brassés sans perspectives.

Nouvel exemple de mépris pour le genre du Journal chez l’exégète. Tout sauf une œuvre d’art : « On y range des bouts de phrases dans l’idée de s’en servir un jour dans un livre, des esquisses, des crottes ». L’égoïsme de la sélection atteint là l’égocentrisme déformant des intentions littéraires et le syllogisme simpliste ! Tout écrit-réservoir est de la fiente littéraire… mineure et conclusion comme des boulevards.

Cette forme arlequine de dictionnaire, avec des trous et ses accrocs, vivifie l’approche de ceux que les référentiels Robert, Larousse and Cie empoussièrent un peu à force de convenances objectivo-synthétiques.

A propos de mon coup de Bic hier sur le couple Kirghize-Bruce, le modéré circonspect pourrait me reprocher mon enclin à fustiger un être que je n’ai jamais rencontré. A-t-on jamais eu besoin de voir le criminel en action pour le condamner au regard d’un faisceau concordant de preuves ? Le cumul des témoignages me dispense et me préserve d’une désagréable confirmation.

 

Mardi 27 décembre

Ce soir, Noël dans la famille B. Troisième édition en trois jours de bombance abondante…

L’actualité 2005 a charrié ses lots contrastés de constructions attractives et de massacres à l’aveugle, de découvertes époustouflantes et de crasses stratégies, de créations inspirées qui galvanisent les sens et de miasmes rebutants des encombrants de la vie.

En somme, une année ni plus ni moins humaine que les milliers que notre espèce humaine a épuisées sous des cieux divinisés : pour une agitation inutile dans ces confins indéterminés, mais qui occupe nos cortex angoissés.

Retour prosaïque, donc : la scène politique française va présenter en 2006 ses tensions un cran au-dessus avant le show de l’élection présidentielle. Le fringant Chirac de 1995 prendra la porte de l’Elysée, dépité par tant de versatilité populaire. Pour le reste, la bataille ouverte annonce ses coups d’éclat, ses montages, ses hypocrisies, ses retournements opportunistes, rien de plus, en fait, que dans la plupart des cloaques professionnels, dans cette malodorante fosse de la vie collective.

Reste la masse laborieuse, en rien meilleure que ceux qui la dirigent (ou croient le faire) car méchamment simpliste par méconnaissance abyssale et incapacité à raisonner subtilement. Et je me sens de plus en plus à l’image de ce surnombre vivotant. S’accommoder par confort lâche conditionne la majorité des existences. Confort lâche ou conscience désespérée de l’inanité de tout engagement… Finalement, ceux qui se croient individualités pensantes (moi dans toute mon anonyme splendeur !) ressemblent, avec toute la tartufferie de ceux qui s’en défendent, aux bestiaux humanoïdes qu’ils méprisent. Une façon, là aussi, de justifier un chouia sa parcelle de lucidité.

Bonne année tout de même…

 

Vendredi 30 décembre, 23h20

Les ingrédients hivernaux (neige, glace et froidure) ont contraint papa à différer le départ pour Lyon. Demain matin, l’adoucissement des conditions devrait permettre le voyage pour passer un dernier moment tamponné 2005 avec nous ; Anna, sur le pont bancaire, attrapera un TGV devant parvenir à Lyon à 18h. De la notation de concierge tout cela… il faudrait élever un peu mes interventions… L’inspiration se barre furieusement !

Avec un petit effort ce Manus XIII pourrait être achevé avec l’année : sentiment de nouvelles résolutions de tenue de ce Journal ; un suivi plus constant et renouvelant le triptyque perso-pro-monde.

Hier soir, dîner chez Albert et Rose. Parfois attristant de les voir décrépir dans cette demeure au blafard sordide. Lui, physiquement ravagé par les excès passés, les mains grossies par le labeur manuel accompli, les ongles aux teintes écœurantes, la couperose du visage en expansion. Son infinie gentillesse ne peut occulter l’épreuve du temps et les coups de l’existence. Son épouse, atteinte par une extinction de voix, présente un état maladif qui amplifie la disgrâce de ses lignes. Là encore, un caractère généreux et convivial qui n’est point relayé par son physique. Le duo se recroqueville pour une fin sans éclat, sans révolte, rythmée par les quelques distractions glanées et les visites périodiques des proches comme André et Annette… Leur chemin de croix, c’est une présence sans faille pour soutenir la sœur d’Albert qui assume un quotidien infernal avec son salaud de mari atteint d’Alzheimer. Un sordide que tente d’atténuer ce gentil couple par leurs multiples aides à l’épouse maudite : après s’être sacrifiée pour sa tyrannique de mère, elle doit se dévouer à l’ignoble mari.

Message, sur portable, de Sally pour ses vœux les plus mielleux. Sa nouvelle proposition de réunion affective, suggérée par Sarah, consiste à louer un chalet dans le Jura trois jours en février prochain. Peu probable que cela inspire BB et que nos emplois du temps le permettent. L’éloignement des restes d’une vieille vie se confirme, sans regret, sans amertume, mais renforcé dans une défiance pour ces élans incongrus.

 

Samedi 31 décembre

Les rétrospectives pour ce jour ultime, si banal, n’auraient pour objet que de remplir cette fin de cahier, ne sachant pas si le suivant attisera une inspiration en perdition.

Peut-être devrais-je ne rien tenter, ou choisir un sujet à l’avenant. La fréquentation des commerces le dernier jour de l’année, l’agressivité des automobilistes y compris ce jour… Bof, bof… On verra si le cours de la journée m’accrochera davantage.

3h45 du matin (du 01.01.06). Enfin dans le dodo pour roupiller de tout son saoul, le corps bien détendu.

Une gentillette Saint-Sylvestre aux accents familiaux, sans danse frénétique ni débordement aviné. Des plats frais, variés et légers, dont une tourte à la viande succulente concoctée par Jean-Luc. A minuit, échanges joyeux de boulettes avec nos sarbacanes spéciales cotillons. Raph et Alex ont pu se défouler face aux quelques adultes (dont moi, j’avoue !) déchaînés. Parmi les convives, un couple en amitié avec Barbara et Jean-Luc, d’origine tourangelle et installé à Lyon depuis quelques années : l’air réservé, voire engoncé, ils ne se sont pas réellement déridés au cours de la soirée. Difficile d’établir une complicité, même éphémère, dans cet état d’esprit. Sympathiques tout de même, l’homme nous parle avec passion de son métier original : ingénieur en déconstruction de centrales nucléaires. L’ère de ces opérations complexes, devant durer une vingtaine d’années, va bientôt commencer. Hormis ce sursaut d’accroche, rien de bien liant dans leur attitude. Moi, l’ours mal socialisé, je ne vais pas leur reprocher.

Enfin, voilà une année calme, sur un plan personnel, qui est enterrée.

Comme résolutions pour la naissante ? Avant tout, tenir davantage de suivi les pages de ce Journal. Progresser dans la curiosité tous azimuts du monde et sa découverte avec une pointe légère de naïveté.

Pour achever ces lignes, une pensée douce à ma BB, endormie à mes côtés et qui partage mon existence depuis quatre ans. Continuons sur ce tendre tracé…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

2004 – À l’orée des équilibres

2009 – Crise en quarantaine

2000 – Soubresauts d’un inadapté