2006 – Des Cyprès démesurés

 

Dimanche 1er janvier, 23h30

Derniers moments partagés avec la petite famille paternelle. Déception au restaurant Le Pique Assiette, plusieurs fois fréquentés : service lent et mets mal préparés. Les lauriers d’une fréquentation toujours abondante commencent à renifler la facilité. Bien dommage. Le maître d’œuvre du service, un grand gaillard convivial, a dû ressentir notre mécontentement croissant : après un début très présent, blagueur, il s’est effacé sans demander son reste.

Les demi-frères poussent. Alex tutoie la préadolescence et Raph égrène son âge de raison. Touchant d’observer les mimiques du grand petit absorbé par une bande dessinée, entraîné dans ses élans imaginatifs, catalysé par les jeux partagés avec son grand frère.

Le temps filant ne nous préserve en rien… le tournis nous enveloppe dès la conscience arrêtée sur le cumul des blocs de vie.

RAS côté actualité abandonnée pour ce premier jour.

 

Mardi 3 janvier

9h30. L’actualité maigre (selon le prisme médiatique) permet à un sondage d’occuper une belle place sur les ondes et dans les journaux : les Français placent feu Fanfan désagrégé à la tête du palmarès des plus grands présidents de la Cinquième, avec cinq points de mieux que le grand Charles ! Voilà du bouleversant. A quelques jours (le 8) de l’anniversaire des dix ans de sa disparition, voilà une victoire qui l’aurait comblé.

 

Vendredi 6 janvier, 22h50

Semaine dominée par la dégradation de santé d’Ariel Sharon. Cette figure controversée, mais transfigurée dans ses récents choix, est anéantie en plein projet de sortie du conflit israélo-palestinien, par ses failles intérieures. Peut-être une chance de sang vraiment neuf et vierge de toute implication violente pour négocier avec l’interlocuteur fréquentable de l’autorité palestinienne. Peut-être, au contraire, le désastre d’une retombée dans l’incertitude, soupe adorée des extrémistes sanguinaires. Ne restera plus que Shimon Peres comme personnalité politique ayant accompagné toute l’histoire d’Israël, récente mais dense…

 

Dimanche 8 janvier

Fanfan Mité : dix ans déjà ! Voilà le titre de la page d’accueil de mon site Indignation. Suivent huit pages d’extraits de mon Journal qui donnent à l’anniversaire un goût de vitriol.

Hier soir, soirée à la brasserie des Brotteaux en compagnie d’Aline,  de son compagnon Pedro et de leurs amis (trois couples et un célibataire) : ils nous annoncent leur mariage pour le premier avril (!) et la naissance d’un bébé la dernière quinzaine de juillet. Voilà du bouleversement de vie complété par l’installation à Lyon de la future maman.

Des couples sympathiques (en majorité d’origine italienne côté masculin) qui n’ont pas empêché ma perdition morose toute la seconde partie du repas. Causes diffuses possibles : le sujet appuyé du nourrisson à venir, le comportement bruyant, festif à l’italienne, d’un convive au demeurant agréable, ou le sentiment d’être à la marge dans ce trop-plein de complicité… trop confus pour une identification marquée.

Aline a, tout de même, fait part de ses regrets de quitter Paris, de devoir donner sa démission de son poste en or… une façon, devant témoins, de mettre la pression à l’adorable Pedro, toujours zen… Ma BB a semblé parfaitement détendu et à son aise.

Nous attendons le couple vers seize heures pour une épiphanie païenne : galette et cidre au programme.

 

Dimanche 22 janvier

Ce jour, quarante ans que les parents B ont uni leur destin devant les officiels. Hier nous fêtions cela au restaurant du château de Clermont dans la salle de Funès. Pour l’occasion nous chantons les quatre couplets rédigés lors du voyage en TGV (deux heures) sur l’air joyeux de La chasse aux papillons et intitulé L’onde émeraude en hommage à la couleur de leurs noces.

Bons moments des douze convives festoyant : Grâce et Albert sont remplacés (suite à l’opération de l’appendice de ce dernier) par de gentils voisins qui nous accueillent dans leur petit chalet édifié sous l’appellation « cabanon de bois » pour leurs grands garçons. En fait, tout le confort d’une petite habitation. Ce midi nous déjeunons chez l’amie de BB, Laure, et demain à l’aube retour à Lyon. Du séjour exprès qui donne un peu le tournis.

Ma BB est opérée de sa thyroïde défectueuse le 8 février, suivi d’un mois d’arrêt. Du factuel essentiel pour moi.

 

Jeudi 26 janvier

Le « terrorisme démocratique » (selon l’excellent Yves Calvi) ou le « pragmatisme islamiste » selon la rectification d’un de ses invités ? Le Parlement palestinien accueille, en tout cas, les membres du Hamas à une majorité absolue. L’imbroglio politique qui s’annonce, tant pour la gestion des affaires intérieures que pour la posture internationale et la coexistence avec Israël, risque de dégénérer en nouvel enlisement. Ce conflit semble sur la bonne voie pour détrôner, dans la longévité, les luttes franco-anglaises des XIVe et XVe siècles ; quoi qu’il arrive, elle les a largement dépassées en intensité. A suivre donc…

 

Vendredi 3 février

A l’esplanade Albert Camus pour découvrir le spectacle Soul Music Story avec Bonny. Invité par Eddy, une grosse machine de spectacle qu’il va falloir rentabiliser. Ma BB, au labeur ce week-end, n’a pu m’accompagner. Pour une prochaine prestation… A voir la salle clairsemée, je doute de la rentabilisation. Dur, le spectacle, dans ces conditions. Le professionnalisme souffre du manque de notoriété.

Les intégristes islamistes déteignent sur les croyants lambda : nous imposer le bâillon sur tout sujet frôlant leur religion. Atteinte insupportable à la liberté d’expression qu’il faut vomir au plus vite. Les émules de la surenchère s’organisent pour provoquer le choc des cultures, l’écharpage entre religieux d’un côté, agnostiques et athées de l’autre… Une impasse au goût de tous les excès où s’abreuvent les jusqu’aux boutistes au Coran hérissé. La croisée des voies accentuera un peu plus l’antagonisme et justifiera toutes les violences.

Point d’écart en sus pour attiser la culbute programmée… juste la rage contre ces arriérés du culte. Incapacité de ces dévots de la terreur à englober la complexité du spirituel multiforme chez l’humain.

La virevolte sur scène a dépassé les espérances. Une symbiose musicale s’ouvrant au fil des tableaux rythmés, les spectateurs n’osant peut-être pas suffisamment exploser l’ambiance sans retenue. Musiciens habiles, voix aux timbres envoûtants, costumes en cascade… du grand spectacle d’une troupe qui se doit d’atteindre la notoriété.

Etre plongé dans les prémices d’une aventure créatrice laisse présupposer l’amplitude de la cohorte des artistes anonymes. L’émergence dans l’enthousiasme n’occulte pas la mise au point heurtée dans les coulisses, les humeurs à concilier les concessions pour une progression.

Restent présentes les familles des artistes. Moi je fais le témoin incongru qui glane au gré du brouhaha ambiant. Pitrerie de ma posture, mais je m’efface pour mieux croquer.

Au loin, entraperçu la fille de Bonny, qui pousse toujours ; petite marque d’affection de la mère d’Eddy qui se souvenait de ma présence au Clos du chêne ; quelques regards croisés avec tel ou tel visage familier… A noter : aucune dérive bougonne dans mon isolement de fait. Un exploit de caractère…

La capacité humaine aux bavardages me sidère. Je tente de rester alerte par l’écriture, mais je me tarirais rapidement embarqué dans un échange de ce genre, sauf en phase de séduction… Hors sujet ici. Les visages s’éclipsent peu à peu alors que mes dérives s’ankylosent.

 

Dimanche 5 février, 23h05

Cette semaine, mercredi exactement, ma BB va « se faire trancher la gorge » comme elle aime à l’ironiser : opération pour lui retirer sa thyroïde, en tout ou partie selon ce que révèlera l’analyse au moment de l’intervention. Malgré la banalité du cas, je garde une petite inquiétude. Un passage à l’hôpital n’est jamais anodin et peut très vite basculer dans le dramatique. N’attisons pas trop l’angoisse tout de même.

Alors que notre hexagone va mollement, et très partiellement, s’agiter contre le cpe, la mayonnaise des intégristes islamistes élargit ses emprises avec les dessins de presse danois stigmatisés.

Que ce monde des religions en étendards de braillards haineux m’insupporte. Qu’il faudrait se montrer impitoyable avec ces dangereux agités. Notre mollesse humaniste nous perdra. Ces ennemis de notre civilisation ne méritent aucun égard : les écraser au moment où ils se foutent le cul en l’air, voilà la seule politique étrangère qui doit nourrir notre relation à ces contrées. Terminé la tolérance de ces potes complices du pire.

A-t-on jamais vu ces musulmans se mobiliser avec pareille passion pour hurler leur dégoût, leur exécration, leur haine de ceux qui utilisent les voies terroristes en se réclamant de l’Islam ? Le blasphème suprême n’est-il pas là plutôt que dans une dénonciation humoristique de ces dérives sanguinaires ? Si ce n’est pas la démonstration de l’infinie connerie humaine, notamment des brebis hideuses d’Allah, de Mahomet et toute la troupe divinement imaginée, alors il ne reste qu’à chier un bon coup sur ces nuisibles et à se torcher avec leurs textes sacrés… nom de dieu !

 

Samedi 11 février, Minuit trente

Alors que nos consciences allaient s’émouvoir de l’effondrement apocalyptique du wtc, l’année 2001 voyait naître une affaire qui, quelques années plus tard, s’imposerait comme un onze septembre judiciaire, un « désastre » qui pousserait enfin à l’avant-scène accusatrice la si intouchable institution judiciaire.

Le point d’orgue de cette catharsis à vocation réformatrice qu’est la Commission d’enquête parlementaire, s’incarne dans les quelque sept heures d’audition monocorde du repoussant Burgaud. Ce petit juge d’instruction, c’est d’abord un physique maladif pour l’occasion : pâleur extrême, voûté et bras croisés durant sa défense, une tête juvénile mais aigrie par la hargne rentrée. C’est ensuite une voix et d’insupportables bruits de salive : aucune texture aimable, mécanique déshumanisée, désincarnation du timbre ; des interruptions constantes pour avaler sa salive et reprendre en hésitant son piètre discours. Une présence nauséeuse donc…

A cette forme qui entête et révulse s’ajoute une inanité argumentative qui s’accroît au fil des interrogations des parlementaires. Parti pris d’entrée de ne pas se remettre en cause, ou tellement à la marge que cela s’auto-neutralise : après quelques minutes, en amorce, de pseudo compassion pour les acquittés, de longues heures de logorrhée verbale hésitante, brouillonne, ou la technique ne parvient même plus à dissimuler la médiocrité humaine du personnage.

Bien sûr qu’il n’est pas seul en cause, et qu’avant tout c’est le système judiciaire qu’il faut révolutionner, mais cette source multifactorielle ne dédouane en rien le triste magistrat.

A le voir, pitoyable, ne pouvoir défendre son instruction qu’entre bredouillements et silences démunis, se réfugiant derrière de frêles antiennes (les faits « graves et concordants ») ou son exposé préalable (« comme je l’ai indiqué tout à l’heure »), on frémit en imaginant le calvaire des acquittés. Les justes remarques du rapporteur de la Commission auront dévoilé le grand vide de ce pâlot morbide qui persiste à soutenir ses malfaisances professionnelles.

Mais le Burgaud n’est pas une brebis galeuse : il est le parangon d’une cohorte déshumanisée servie par un système vicié. Pour exemple que l’enm forme des techniciens du droit sans se soucier de leur bon sens éthique et de la présence de qualités humaines basiques : j’ai connu un actuel substitut de procureur (en marche normale vers le poste supérieur) qui, avant son serment, avait tenté de violer sa sœur, battait ses petites amies, trompait son monde, défendait le pire, arrogant et fielleux, et qui goûte aujourd’hui à l’enivrant pouvoir sur la liberté des gens…

Burgaud n’est pas seul, tremblez citoyens !

 

Samedi 18 février

Il fallait s’en douter, le gratin judiciaire monte sur ses ergots jugeant que l’ouaille Burgaud a été mal traitée par nos parlementaires. Le magistrat instructeur a justifié une bonne part de ses inconséquences professionnelles par sa scabreuse et intime conviction « d’indices graves et concordants », selon la formule consacrée devenue légitimation automatique de monomanies opportunistes ; le Conseil supérieur de la magistrature met lui en devanture la sacro-sainte séparation des pouvoirs, quitte à crotter l’esprit de Montesquieu.

Vieille dérive pavlovienne des détenteurs de notre liberté : lorsqu’un membre de leur corps s’illustre par l’exercice aberré de ses responsabilité, on le mute avec une ‘tite promotion d’usage. Pour noyer le poisson : le prendre à revers de toute logique élémentaire. Pour les pires, le csm daigne s’occuper de leur cas, mais en veillant à ce qu’aucun autre corps constitué n’empiète sur ses pouvoirs. Voilà un cloisonnement qui sert la maison Justice puisqu’elle juge elle-même ses brebis dévoyées comme ses pourritures manifestes.

L’administration, jusqu’à la fin du XIXe siècle, a également bénéficié du délire révolutionnaire en jugeant elle-même les différends avec les administrés. Cela a fini par choquer, et nous avons établi une indépendance de jugement avec les juridictions administratives. Le temps de la séparation de ceux qui sanctionnent des magistrats fautifs n’est-il pas arrivé ?

Que reproche-t-on à Philippe Houillon, le rapporteur de la Commission parlementaire ? D’avoir poussé dans ses contradictions l’imprécis et balbutiant Burgaud ? Il fallait donc gober toutes ses incohérences, digérer en les magnifiant ses manifestes inaptitudes, ne jamais mettre en exergue les erreurs criminelles (cela a conduit à de la prison préventive injustifiée et a, indirectement, provoqué deux décès) de sa démarche… En somme, dénaturer une mission d’enquête en saponifiante complaisance pour ne surtout pas brusquer l’infecte ouaille.

Que tous ces magistrats cogitent un moment au scandale absolu, insoutenable, qu’aurait représenté la mollesse parlementaire envers Burgaud, Lecygne and Cie après l’audition des acquittés. Qu’aurait souhaité le csm ? Une collusion puante du politique et du judiciaire pour minimiser au maximum les dérives ? Comment faire autrement que pointer sans concession les fameux « indices graves et concordants » qui démontrent la pratique inquisitoriale et uniquement à charge d’un Burgaud persuadé, à vingt-neuf ans, d’avoir l’affaire de sa carrière ?! Ce désastre tient d’abord - à bas les œillères ! – à une sordide ambition d’un petit juge tout frais sorti de l’école, prêt à détourner à son profit les règles de l’instruction : c’est cela et avant tout cela ! Le « mythe de la pédophilie » clamé par le procureur (quel révisionnisme indigne d’une réalité sociale pour dédouaner le système judiciaire !) s’effondre immédiatement lorsqu’on jauge la démarche de Burgaud, mais ça, l’institution à la balance vacillante ne veut pas l’entendre, comme elle refuse de purger ses conduites malodorantes. Gare au gorille…

 

Lundi 20 février, 0h20

Vendredi vers dix-huit heures, papa fait un petit accident vasculaire qui lui fait perdre brièvement conscience et le prive de l’expression orale. Il a passé le week-end à l’hôpital Lariboisière pour quelques analyses approfondies, jusqu’à un IRM qui révèlera la rupture d’une petite artère située au-dessus de l’arcade et qui alimente une toute petite partie du cerveau.

Eu au téléphone, la voix semble claire, et son impatience à sortir des lieux rassure sur sa santé. Angoisse perceptible cependant (sa maman, à son âge, n’était déjà plus de ce monde) qui l’incline à remettre en exergue sa volonté d’arrêter de fumer. Combien de temps résistera cette urgence à pérenniser face au stress de sa vie professionnelle ? Espérons ad vitam…

Maman et Jean sont arrivés en début d’après-midi (ils n’étaient venus qu’une fois chez nous) et restent à Lyon jusqu’à mercredi matin.

Voilà du factuel affectif qu’il me fallait inscrire.

Ma ‘tite semaine de vacances, interrompue vendredi après-midi par une intervention à Forpro, va filer à grande vitesse : ne surtout pas laisser pour les derniers instants les corrections, rangements et préparations à accomplir. Voilà du bien basique qu’il faut assumer sur ces pages au contenu hétéroclite.

 

Mardi 7 mars

Des ondes bénéfiques sur Internet. L’idée hasardeuse de retrouver la trace de Cécile Marchand, copine de lycée qui avait illustré mes poèmes dans le journal Point Virgule, vient d’aboutir. Après dix-huit ans, je découvre le site qui présente ses peintures : des hippos colorés dans toutes les postures (La Cène, par exemple), et diverses compositions de la plus attractive facture. Un message envoyé à l’intéressée, à tout hasard (l’homonymie me semblait plus vraisemblable, bien que son année et son lieu de naissance correspondent à la recherche). Quelques heures plus tard, courriel qui me confirme son identité… et hier soir long échange sur MSN pour se résumer notre large tranche de vie respective et se laisser porter par l’émotion (surtout moi !). Artiste reconnue, décorée, qui vend à travers le monde… une vraie réussite qui m’emplit de bonheur. Nous devons nous retrouver sur le net pour de fructueux échanges… Fin mars, lors de notre passage à Paris pour le mariage d’Aline (une autre, du lycée Galilée, qui est arrivée au sommet de son domaine) nous la verrons sans doute. Quelles retrouvailles !

 

Jeudi 9 mars

Le son estudiantin gronderait-il sur le parvis des universités françaises ? Nouvelle démonstration d’une cohorte de petits vieux prématurés qui défilent pour l’emploi à vie. Non contents de jouer aux autruches en occultant les réalités économiques (j’entendais ce soir une représentante d’un syndicat d’étudiants réclamer l’embauche massive de l’Etat, pour approfondir nos déficits abyssaux : l’idéal !), ils affichent une conception démocratique qui s’apparente à l’intimidation syndicale pour ceux qui veulent suivre leurs cours, voire qui ne partagent pas leurs analyses. Invocations aux cieux d’une économie florissante pour un plein emploi… et interdiction au gouvernement de toute initiative.

Ces ribambelles gigotantes risquent d’avoir raison du CPE, outil de plus à la trappe, histoire de s’enfoncer un peu plus dans le bourbier.

Le peuple français qui gâche la construction européenne, les gesticulateurs immatures (et pas forcément majoritaires chez les jeunes générations) qui empêchent toute modernisation des moyens socio-économiques : autant j’aime ce pays pour sa terre et son histoire, autant sa population m’écœure davantage le temps passant. Alors pourquoi s’ingénier à approfondir ?

Aux Etats-Unis, l’islamiste français Moussaoui disjoncte et prend méchamment le chemin d’une sentence mortelle. Une détermination al qaidienne qui révulse tout partisan de la civilisation, mais laisse songeur sur nos propres lâchetés ou nos accommodements avec le pire. Notre président tout guimauve avec les potentats du régime autocratique saoudien s’accroche bien à sa tradition. Saddam Hussein doit peut-être se souvenir de sa chaleureuse poignée de main, quelques décennies plus tôt, comme celles de la plupart des pays occidentaux proclamés Etats de droit. Les infâmes règnent !

 

Lundi 13 mars, 22h55

Petit écart vers ces pages avant la petite mort quotidienne. Vu, avec ma BB, le Faites entrer l’accusé sur Roberto Succo – Succo le fou : mise en scène prenante du destin de ce tueur froid, peut-être schizophrène, sûrement en rupture avec cet univers pesant, du familial étouffant, du scolaire sans accroche, pour finir dans le massacre éperdu de ses parents, terme définitif à tout espoir de normalité. Entre dégoût et fascination, on retrouve un peu de notre sombre face dans le déjanté Succo.

Quel gouffre avec la pression des étudiants qui craignent la précarité qu’engendrerait le CPE. Là, seule obsession : la petite, médiocre, mais si rassurante stabilité de l’emploi, rengaine éculée des trente glorieuses, mais colportée par quelques esprits malhonnêtes et opportunistes. Dès demain, le cirque gesticulatoire reprend, avec l’attente forcenée d’un retrait d’une loi votée (49-3 ou pas, l’article majeur avait été accepté par la majorité des députés), bafouant ainsi le principe de la démocratie représentative.

 

Mardi 14 mars, 23h10

Peu d’enclin pour former les tartuffes de l’option Essor. Des bruyants pour l’essentiel, sans aucun sens de l’effort, cons et incultes, conditionnés par leur environnement minable… un dégueulis de chiotte… voilà l’image qui me reste de ce groupe bréneux.

Je ne peux pourtant pas m’adonner au massacre libérateur, donc j’assume la garderie pour arriérés, gueulant de temps à autre. Un mépris fondamental pour ces gras de la vie, sauf quelques exceptions. Quels tristes pitres, les autres !

L’actualité n’a rien de plus galvanisant : des rots estudiantins aux coups de boutoir israéliens, rien pour enflammer l’âme.

 

Samedi 18 mars

Se défaire un peu des rogatons sociaux qui se perdent autour des tentatives de réforme. Aurais-je délaissé mon penchant aux défoulements contre l’Etat ?

Sans doute les doléances pour ne surtout rien tenter, vagir contre l’abysse croissant et se raidir à toute amorce de comblement m’inclinent à défendre un geste qui pourrait, au minimum, recevoir le bénéfice du doute.

Avec Bayrou, la mise à bas de notre Constitution s’érige en voie salutaire. Lors de son passage au Franc-parler, le centriste affûté semblait faire jubiler le caustique Giesbert.

L’exécutif subit l’effet panurge d’un grondement social. Tenir et s’ouvrir, le fil du pouvoir exige le pire pour de Villepin : se renier par le truchement d’une rue braillarde toujours minoritaire, mais qui tonne le gong médiatique avec l’entrain éperdu d’un âge révolu. La France se cloître dans de suicidaires certitudes. Ainsi croire que le bon Etat providence doit financer à flot pour  contrer les infâmes entrepreneurs arqués, chevillés, empalés sur l’appel du pire : le dévoiement systématique des outils sociaux proposés. Le CPE aurait comme seule raison d’être l’irrésistible congédiement du malheureux, de l’esclavagivisé salarié dans les 730 jours suivant son embauche. Certitude assénée par les Croisés pour l’Enlisement (amuseurs publics, au demeurant, pour leur détournement de l’abréviation vilipendée) que de considérer le gueux qui traîne, exploité a priori, formé accessoirement, comme la victime d’une salauderie patronale. Les relents prolétariens s’excitent devant tant de gorges capitalistes à trancher… Les archaïques s’ébrouent et empuantissent notre air !

 

Vendredi 24 mars

Les relents de la presse sur l’ultra violence, désormais systématique pour toute manifestation, de meutes déterminées à terroriser ceux qu’ils ravalent au rang de privilégiés et à se colleter à la force publique. L’instinct féroce déchaîné, comme une rafale d’oranges mécaniques, surgit pour détruire, traumatiser, saccager, piller, foutre la peur à cette masse paisible des anti-CPE. Notre société n’a plus l’entrain des départs constructifs. Juste la protection d’acquis en déphasage avec l’époque épuisée par un surdéveloppement condamné.

 

Samedi 1er avril

Déterrer le palmipède boiteux ou s’envoler à la nageoire d’une arête nauséabonde ? L’occasion de renouer avec la charge encrée en ces jours pseudo prérévolutionnaires.

Avant de débarquer au Red Lions, encore non fréquenté en 2006, vu avec ma Blandine Les détectives de l’histoire : objectif de remuer la matière encombrante d’un passé collectif mal assumé. Pour ce premier charcutage, la polémique prise de pouvoir du grand Charles. L’exception du personnage réifie les volutes soupçonneuses sur la légalité de l’accoucheur de la Ve.

Sur Way Come From, divinement vocalisé par Brigitte, je dérive du majestueux Général au dégingandé Chirac, m’effondrant pour entrevoir une quelconque cohérence dans le passage prédémentiel de l’exécuteur en chef de notre Constitution. Sa dernière trouvaille institutionnelle après la dissolution suicidaire de 1997 : la promulgation fantôme ! Pour tenter la conciliation suprême des belliqueux de tous bords et ne pas s’écarter de son rôle premier en matière législative, il exécute tortueusement son devoir, botte l’arrière train de son fidèle de Villepin et gratifie l’opportuniste Sarkozy d’une reprise cautionnée d’initiative.

« Surréaliste » pour le littéraire Bayrou qui reprend les fondamentaux, Robert à l’appui, de la notion de promulgation, laquelle implique l’application immédiate. Mitterrand, l’histrion du faux attentat,  déblatérait sur Le Coup d’Etat permanent du chef historique de la France libre ; la première décennie du siècle se sera avachie dans les à-coups du fat déprimant. Le cap du chef de gouvernement vient d’être amputé de sa superbe, dans un galimatias tarte à la crème.

Désormais, les boulevards s’offrent aux barbares à capuches, agités ultraviolents à éradiquer sans ménagement. Voilà une légitime cible à haïr pour la masse mobilisée, au lieu et place des rengaines de frileux. Aspiration des manifestants : le fonctionnariat, une stabilité ouatée par la ceinture, les bretelles et le parachute, le tout sur un matelas de têtes capitalistes fraîchement tranchées…

A l’époque sempiternelle où le sacré ensanglante à tout va, les paumés du pavé s’acharnent contre l’élémentaire liberté d’entreprise, clouant au pilori, par préjugé idéologique, toute tentative pragmatique. L’effet panurge du désespoir cultivé fait le reste. Quelques écarts ludiques entretiennent la distance d’avec la fosse commune, celle qu’un chanteur de bon aloi voit se remplir dangereusement de purin.

Pour le reste, le folklore des défilés, de l’illégitime coup de force sur asphalte, avec ses queues de cortège réservées aux vandales terriblement efficaces pour le fracassement en règle.

Les hurlements pour une opposition frontale, avec une énième constitution en prime, négligent le défaitisme des troupes. Le mal profond ne se contentera pas d’une substitution de texte, tout fondateur qu’il soit.

 

Jeudi 6 avril, 23h15

Mine émaciée et teint moins bronzé qu’à l’habitude, le Premier ministre affronte la période des affres avant la démission probable. Encore une réforme sacrifiée pour la minorité hurlante. Sombrant dans l’irrationnel nuisible, certains manifestants réclament également le « retrait » du CNE (retenu, depuis sa promulgation, par quatre cent six mille contrats de travail) et même le « retrait » de la loi sur l’égalité des chances, ce qui suppose une volonté d’empêcher l’extension des zones franches.

 

Mardi 11 avril

En tas fumant le panache du Premier ministre. Avoir cédé à la montée en puissance moutonnière d’une minorité agissante, sans en tirer effectivement les conséquences personnelles, confirme sa filiation politique : aux antipodes de l’esprit gaulliste et bien ancrée dans la pratique chiraquienne du pouvoir. Les manettes de l’exécutif aux pinces de crustacés indélogeables, mais sans détermination réelle et à la logique gestionnaire bien fluctuante.

Facile, sans doute, d’achever ce diplomate « saponifiant » à terre, mais, à la différence des charognards du pavé et de quelques feuilles, je soutenais son projet. C’est l’abandon de sa ligne, après une promulgation fantoche (pour l’article huit seulement, mais capitalement !) qui navre et désespère de ce pays.

Dans sa méthode Coué déclinée devant un Poivre d’Arvor presque compatissant, il a terminé sur une piste de réforme des universités. Une façon d’afficher qu’il persiste dans sa lancée, mais une idée suicidaire qu’il devrait se garder de mettre en œuvre. Les Devaquet, Juppé, Ferry, Fillon and Cie ont connu à leurs dépens les charnières minées des terrains de l’enseignement et de la jeunesse.

Qu’il demeure accroché à son rocher Matignon sans vagues faire, en espérant que la dextérité de la population à oublier lui redonne un peu du panache passé.

Quant au pays, il est entre les mains de syndicats statistiquement non représentatifs, de quelques cohortes bruyantes et représentatives que d’elles-mêmes – soit moins de 5% des Français, en retenant les chiffres les plus optimistes – le tout sous le regard gourmand d’une opposition qui se dispense ainsi de tout programme de rechange, profitant de facto du chaos puis de l’enlisement national. Bravo les artistes ! Tristes pitres…

 

Jeudi 13 avril, 0h30

De retour d’une ‘tite toile avec ma BB : le duo Fabrice-Johnny divertit sans peine, en ajoutant une réflexion sur le destin de chacun.

Chacun se forge, mais se marque aussi d’un alentour déterminant. Evitons le philo de zinc… mais je songe tout de même à cette chère Cécile Marchand qui a tenu bon sa barre artistique et qui est parvenue à ses objectifs, alors que j’ai moi renoncé à toute trajectoire artistique publique réelle. Mon illusoire soupirail vers un lectorat se limite à un Blog nourri sporadiquement. Pas désespéré pour cela, pourtant. L’aune assumée me convient, en fait. Cet anonymat m’affranchit de toute chapelle : en ces temps de suivisme idéologique, peut-être une voie à préserver.

Un ton journalistique accrocheur, Le Journal du monde de Vincent Hervouët, sur LCI, relativise les drames hexagonaux. Entre une population du Népal martyrisée par le pouvoir en place, un Tchad au bord de la guerre civile, un Iran qui nargue la communauté internationale en misant sur le nucléaire militaire via le civil, les attentats sanglants en Afghanistan, au Pakistan et en Irak, la Palestine prise à la gorge par l’armée israélienne…

 

Mercredi 19 avril

Première journée de 2006 à prendre le soleil au parc de la tête d’Or, en lisière de la roseraie, là où quelques bancs s’offrent dans un cocon vert. Torse nu défendu à l’instant par deux limités de la police municipale, aux aguets pour exercer leurs petits pouvoirs. Sept ans que je fréquente ce lieu, et me voilà prié de remettre le tee-shirt, sans doute pour ne pas troubler la vieille dame qui passe.

Argument avancé par les képis frustrés : on n’est pas à Miribel Jonage : effectivement, je n’ai ni mon maillot de bain, ni mes saucisses puantes à frire, ni mes gueulantes de braillards… juste un torse encore potable.

Voilà le type d’excès bêtifiants d’un ordre public où l’on s’aplatit devant des barbares-casseurs déchaînés, et où le citoyen calme et respectueux d’autrui se fait emmerder par ces représentants de l’action incohérente.

Avant ce petit accroc dans ma sérénité pré estivale, j’observais, sur le banc connexe, un couple âgé en différend à chaque amorce d’échanges. Une femme aboyeuse, un bougre encaissant par bougonnements imprécis : calamiteuse représentation de la dualité.

Le sacré Sting vient encore une fois de m’échapper. Annoncé en concert aux Nuits de Fourvière, je me présente, naïf, confiant, à un point de vente Fnac : plus rien depuis belle lurette, toutes les places arrachées en trois jours.

En revanche, je ne suis pas encore décidé pour Al Jarreau (qui passe fin juin à la nouvelle Salle 3000 sise à la Cité internationale) qui tarde à écouler ses emplacements à tarifs variables, mais un peu trop gonflés à mon goût. Les passions passent.

Zappant sur la FM parmi la vingtaine de stations préréglées : le 96.1 me dévoile en chocs rythmiques bien assénés une des perles singuées de la Diams revendiquée Boulette. Boule d’énergie ciselée, même si le contenu me partage. « Pas l’école qui nous a dicté nos codes ! » : à cent pour cent pour le fond, mais aux antipodes pour les choix. Le firmament (limité) du rap français accueille en tout cas un joyau créatif.

 

Vendredi 21 avril, 0h30

De retour du complexe UGC Ciné Cité, après avoir dévoré le déjanté Enfermé dehors avec l’inclassable Dupontel. Un conte de fées SDF, à la sauce électrique des guitares, qui vous transporte parfois jusqu’à l’absurde qu’engendrerait un bon sniff de colle.

Autre découverte de la journée : en cherchant quelques photos pour illustrer novembre 1991 de mon Journal pamphlétaire mis sur Blog, je tape « château d’O » et tombe sur de nombreuses représentations du lieu, avec même un site commercial qui lui est consacré. Les propriétaires l’ont converti en résidence hôtelière de luxe avec piscines intérieure et extérieure. Je retrouve les vues du château et du parc presque à l’image de l’univers de mon enfance préadolescente. Quel vertige à songer au gouffre de temps écoulé depuis la dernière fois où j’ai dormi dans sa chambre principale de l’aile gauche. Quinze années pour retrouver une demeure et un parc privés de la féerie que nous lui avions insufflée. Plus rien de nos jeux, de nos tâches quotidiennes, de nos promenades enivrantes… cette ribambelle d’instants exaltés qui ont définitivement perdu leur ancrage pour ne plus pouvoir que vaguement s’accrocher à quelque mémoire fragile.

Même tristesse en voyant une photo récente de Hermione, figurant sur son site, qui dénature l’image qui m’était restée d’elle. Moi-même je ne dois pas être très aux normes de l’évolution que certains attendaient. Alors relativisons… toujours.

 

Samedi 22 avril

Attendant que ma BB ait achevé sa première manche de Pinball, jeu de flippers sur Microsoft XP, je poursuis ce grattage.

Le week-end du 8 mai, passage au château d’Au pour quelques moments affectifs avec Heïm.

 

Lundi 24 avril, 23h35

Diffusion par Arte du Cauchemar de Darwin de Hubert Sauper, dont je n’avais suivi que de loin les polémiques attenantes. Ce documentaire sans complaisance, un peu à la façon des instantanés de l’émission Strip-tease qui rapportait sans commenter des tranches de vie, nous révèle l’Afrique telle qu’elle est et meurt aujourd’hui. Non que je ne sache rien des fléaux et exploitations acharnées du continent par les colonisateurs économiques, avant d’avoir découvert ce chef d’œuvre réaliste ; mais l’incisive démonstration des images, l’authenticité des autochtones, les contrastes de situation vous prennent à la gorge, rendant presque honteux d’appartenir au même coin géographique que les exploiteurs des lieux.

Des images en vrac me reviennent : ces enfants des rues se battant comme une meute affamée autour d’une écuelle de riz ; cette femme mettant à sécher les restes (têtes et arêtes) de perches en repoussant les vers qui ont investi les plus anciens jonchant le sol ; ce gardien de l’Institut national des pêcheries qui espère la guerre en Tanzanie et son engagement à tuer pour régler ses problèmes de survie ; cette Héloïse, prostituée aux yeux de chat, qui chantonne en douceur devant la caméra de Sauper, victime quelques semaines plus tard du défoulement meurtrier d’un barbare australien ; cette femme morte-vivante, atteinte par le Sida et qui parvient, dans un souffle de voix désespéré, à révéler qu’elle ne peut plus se nourrir… Galerie éperdue de ces sacrifiés pour l’opulence préservée des potentats du régime, des quelques gros bonnets de pays riches (l’Europe en tête) impliqués dans le pillage légalisé, et finalement pour maintenir le déséquilibre mondial en notre faveur.

La perche du lac Victoria comme parangon d’une ignoble manière d’exploiter l’Afrique en lieu et place du peuple africain. Ne nous leurrons pas de naïveté, toutefois : si notre continent avait été le point faible à dépouiller, les autres coins du monde (y compris le continent noir) se précipiteraient comme autant de charognards gourmands. Le vice du système tient à une humanité indigne qui ne respecte que la loi du plus fort, sous d’hypocrites révérences à la légalité affichée.

 

Mardi 25 avril

L’appât des ressources naturelles s’est substitué aux visées territoriales. La raréfaction de certaines, l’énormité des besoins de pays s’ajoutant aux développés historiques (arque boutés sur la préservation de leurs privilèges) risquent d’engendrer l’éclosion de guerres étatiques, au moment où la conscience collective sera obnubilée par le combat contre l’hyper terrorisme. Quel pays (Etats-Unis compris) aurait aujourd’hui la volonté et les moyens financiers de combattre les ambitions belliqueuses d’une puissance moyenne ? Exaspération et crainte devraient être confirmées par des illégalités en chaîne.

Le chef de l’Etat iranien le saisit peu à peu. L’antique désir perse de s’étendre sur le monde arabe, via les Chiites, n’a pas encore émergé dans ses discours. L’urgence dialectique se résume à la haine d’Israël, jusqu’au boutisme d’un discours qui vise tant la scène internationale qu’une tactique politique intérieure.

Hier, trois attentats de plus en Egypte qui paye là encore sa modération dans la problématique israélo-palestinienne. Si les Frères musulmans parvenaient au pouvoir, par les voies démocratiques, c’en serait fini de l’ère Sadate.

En bref pour mes affaires intérieures : passage des parents B en fin de semaine avant qu’ils rejoignent leur cadeau des quarante ans (un séjour d’une semaine dans les Pyrénées) ; semaine prochaine en vacances avec passage à Fontès, puis séjour éclair au château d’Au avant le retour à Lyon. Le lundi 8 mai au soir, entrevue espérée avec Cécile Marchand, pour un résumé réciproque de presque vingt ans d’existence. Tournis du temps qui nous rapproche de la fosse.

A Cqfd, un été qui s’annonce chargé en formations financées par la région, ce qui suppose la bonne santé financière de notre structure…

Les vacances d’été se répartiront en quinze jours à cheval sur juillet et août et une semaine début septembre. Quelques ponts et jours fériés pour compléter. Voilà un compte rendu salarial, mais sans jamais oublier ma connaissance de la situation d’employeur, ce qui m’évite les travers revendicatifs de la masse des travailleurs. Le confort psychologique de ma situation, même modestement rémunérée, m’incline à une réserve respectueuse des portefaix de la responsabilité structurelle.

 

Dimanche 30 avril

Une bien morose fête du travail pour le Premier ministre. La campagne de presse qui se déchaîne contre lui dans cette affaire corbeautée lui laisse une terne alternative : admettre et se démettre en forme de Waterloo personnel, ou nier et s’accrocher dans la minable tradition des bigorneaux politiques.

Curieusement, le gros des éditorialistes limite sa verve à l’échevelé dépité sans redoubler la charge contre son chef qui, selon les déclarations du général Rondot, serait la source originelle du déclenchement de l’enquête dans l’ombre réclamée contre le gêneur Sarkozy.

Voilà du lourd : la sphère opaque du Renseignement, jusqu’alors évanescence muette pour le commun des mortels, se risque à l’opération Portes ouvertes… aux scandales.

Des éléments nous échappent certainement, mais la pointe de l’iceberg suffit à entretenir la nausée qui s’installe chez tout observateur affûté des miasmes gouvernementaux et présidentiels. Des ficelles bien grosses dans cette tentative d’éliminer, dès 2004, celui qui se posait en rival bien rasé du vieillissant Chirac. Une seule question capitale subsiste : qui est le corbeau et peut-être, surtout, qui lui a suggéré l’envoi de cette liste grossièrement falsifiée ?

La version fade serait un coup des chiraquiens. Beaucoup plus machiavélique, rappelant les arcanes du faux attentat de l’Observatoire contre Mitterrand, serait l’approche du « faites-en sorte qu’il ait l’impression que l’idée vienne de lui » (principe du manipulateur manipulé dans L’Aile ou la cuisse de Claude Zidi).

Imaginons que le corbeau soit effectivement un sbire chiraquien approché par un occulte sarkozyste non déclaré qui, par talent rhétorique, l’amène à avoir l’idée de liste trafiquée (en l’élargissant à d’autres personnalités pour qu’elle paraisse plus crédible, moins focalisée). L’objectif des créateurs du corbeau est de lui faire lancer un appât auquel les Villepin-Chirac, en quête d’une voie pour neutraliser le Sarkozy, pourraient mordre, préparant ainsi, sans s’en douter, leur fatal discrédit. Ajoutons à cette hypothèse quelques autres contacts clandestins pour que la supercherie se révèle au moment opportun : voilà qui relèverait de la magnifique salauderie.

A moins qu’un royaliste underground (dévoué non à la couronne, mais à la Ségolène) soit la clé de cette fumeuse affaire selon, grosso modo, la même stratégie de fond (ce qui expliquerait la présence de DSK sur la liste explosive).

A moins qu’une inavouable alliance d’adversaires ait eu pour impératif d’évacuer un ennemi commun…

Tout cela ? Sans doute des contes pour contempteur du ruisseau bourbeux dans lequel pataugent quelques gouvernants…

 

Mardi 2 mai

Fontès pour une petite semaine de jours ouvrables. Le temps de faire découvrir à ma BB quelques sites remarquables de l’Hérault sur les conseils combinés (mais successifs) de maman par un courriel et de l’oncle Paul hier soir.

Ma chère grand-mère garde la forme pour une vénérable de 93 ans.

Vers les 22 heures, nous avons partagé un Château Mazers avec Paul et sa nouvelle (et très gentille) compagne, de retour de ses deux hectares et demi de vignes. Il nous confie que grand-mère, au-delà de son défaitisme apparent, de son moral affiché le plus maussade qui soit, ne rechigne pas à pratiquer à nouveau la marche avec son déambulateur dans la maison de retraite, ou au bras de quelqu’un de confiance pour venir jusqu’à la maison. Lui qui la « pratique » tous les quinze jours sait faire le tri entre les humeurs pour la galerie et les potentialités réelles.

Semble bien aller le Paul, la tignasse grise et la répartie toujours joyeuse : il prendra probablement sa retraite en fin d’année, puisqu’il fait du rab, en ce moment.

Plus triste, j’ai appris dimanche le décès de Jean-François Revel, ce penseur affûté, irréductible à une chapelle, esprit libre conduit à contre-courant du bien pensé ambiant. J’ai appris, lors de sa nécrologie sur TF1, qu’il avait été plutôt à gauche dans ses débuts intellectuels, se retrouvant même au côté de François Mitterrand à une période de sa vie.

Dans mon Panthéon en verve, galerie de personnages appréciés réunis par des extraits de mon Journal dans le blog LD pamphlétaire, je les avais liés par leur fine intelligence, au-delà de leurs divergences idéologiques. Finalement, leurs parcours se sont croisés pour un partage à durée limitée certes, mais dense pour le contenu : de droite à gauche pour le Fanfan, de gauche à droite pour le feu Revel.

Le soir. Première pleine journée presque achevée : l’Hérault sous quelques angles pour ma BB : la manufacture royale de Villeneuvette, un petit parcours sur route forestière le long du lac artificiel Le Salagou (pays de la terre rouge) et passage au village ruiné de Celles, site découvert avec la Néerlandaise (que j’ai récemment supprimée de mes contacts Internet, lassée, semble-t-il, de recevoir la promo de mes blogs…). Depuis, des grillages entourent les demeures figées dans l’abandon, pour parer aux pillages, saccages et tagages des lieux. En brochettes, les abrutis !

En fin d’après-midi, petit moment au jardin avec grand-mère pour la faire voyager à travers nos photos, notamment du séjour en Touraine.

Dans la banlieue parisienne, l’ambiance est à la baston sanglante entre bandes. Voilà une méthode radicale pour diminuer la surdose de racailles dans ces nids sordides. On devrait organiser quelques jeux meurtriers avec les raclures des cités pour qu’ils se neutralisent sans recours à la force publique.

Lu, dans Le Monde 2, la révolution que préparerait la maîtrise des nanotechnologies, peut-être encore plus conséquente que l’a été l’informatique. Comme toujours, impressions ambivalentes sur les apports possibles : des progrès fabuleux en matière médicale ou technique, jusqu’aux dérives d’une amélioration de l’espèce humaine par ce biais. Hantise pour les humanistes traditionnels, chance pour les scientistes : à observer l’humanité telle qu’elle est, peut-être qu’un coup de pouce à  son évolution redonnerait quelque espoir à une amélioration de son fond.

Je retourne dans La méprise de Florence Aubenas qui dresse à brut l’historique de l’affaire d’Outreau dans ses fantasmagories entretenues, dans cette médiocrité sordide, avilissante des lieux et des protagonistes premiers, ceux qui s’avèreront effectivement coupables : les Badaoui, Delay, Grenon et Delplanque, et comment les déversements verbaux de quelques enfants ont fait basculer la vie d’innocents. Edifiant sur la nature humaine si vile et méprisable.

On nous bassine avec le regard sévère, blasé du peuple sur les gouvernants au sens large, l’élite… mais on ne souligne pas assez, notamment dans les mass médias (et pour cause !) combien des franges conséquentes du peuple sont méprisables, à vomir : ces supporters hurlants, bavants, prêts à frapper l’autre pour dominer, ces voisins de cité se gargarisant des rumeurs et en rajoutant pour charger les présumés innocents, etc.

 

Mercredi 3 mai

Le de Villiers, sur France Inter, a lesté son message, logique ma foi, et trouvant l’écho non avoué chez nombre d’autochtones. Pas du tout inspiré ce matin.

Je viens d’avoir Cécile : nous devrions parvenir à nous voir le 8 mai, qu’elle vienne à Paris ou que je la rejoigne dans son logis.

Renoncement à la plage de Marseillan, ce jour, préférence pour le farniente au jardin pour ma BB et la faux-bronzette pour moi, avec pour objectif d’éliminer le maximum d’herbes folles. Deux heures partagées, en fin d’après-midi, avec grand-mère dans ce lieu apaisant. Toujours un moral en demi-teinte : elle affirme son improbable survie l’année prochaine. Seule pirouette : accentuer l’effet dramatique avec humour pour le dégonfler.

De Villepin semble avoir choisi l’accroche au pouvoir par quelques contre-attaques, notamment contre son ancien camarade de promo énarque, le secrétaire général du PS. Tenir jusqu’en juin, jusqu’à l’événement sportivo-grégaire qui sonnera l’amnésie collective, suivi des vacances d’été. La rentrée 2006 marquera le début d’une campagne présidentielle que le Premier ministre a peu de chance d’animer, mais une parcelle d’espoir subsiste, alors que démissionnaire le néant politique s’imposerait à lui.

 

Jeudi 4 mai

Dernier jour du séjour à Fontès, demain matin tôt retour à Lyon pour que je donne mon avant-dernier cours à Forpro en culture générale. Séance simplifiée à l’extrême pour moi : test d’une heure et demie, puis diffusion du Faites entrer l’accusé sur l’assassinat du juge Renaud à Lyon.

Programme du jour : escapade à la grotte des Clamouses puis déambulation à Saint-Guilhem le désert. Ciel floconneux sur Fontès, mais je maintiens le port du short blanc pour ce dernier jour.

Vendredi soir, invités (avec sans doute d’autres amis) chez Bonny et Eddy dans leur nouvelle demeure, avec jardin, à Villeurbanne. Et le lendemain, je pars vers Au. Du dense, cette semaine de vacances.

18h30. Nous venons de quitter ma grand-mère dans cette brève quotidienneté des fins d’après-midi partagées pour lui narrer nos émerveillements de la journée. Sortie dans la cour intérieure de la Providence, avant de la laisser à regret dans la salle à manger, j’essaie de la faire replonger dans quelques époques anciennes de son existence : son mariage antérieur avec son chef de bureau, sa rencontre avec grand-père dans un bus à Versailles, sa complicité avec sa sœur Denise, et quelques autres bribes éparses. Pas le temps ni la mémoire d’approfondir, mais une façon d’éclairer son regard d’une vivance régénérative. En passant devant la salle à manger des invalides, et en parvenant à celle de ceux qui ont encore leur tête l’émotion que cet au revoir ne bascule vers des adieux. On ne peut se résoudre à l’inéluctable, même avec cette rallonge accordée par dame Nature. Je pressens ses yeux s’embuer lorsque nous la laissons dans son fauteuil roulant, face à ses convives de tablée. Notre retour se fera pour le week-end de Pentecôte, avec maman et Gilles. Nous essaierons alors de la convaincre de venir passer un bon moment au restaurant.

De Villepin lustre la coquille de bigorneau qu’il assume, bien accroché au rocher de Matignon. Les dates de ses dernières conférences de presse mensuelles coïncident avec d’éprouvantes épreuves à surmonter : abandon du CPE et, aujourd’hui, soupçon d’utilisation des services de renseignements pour servir ses ambitions présidentielles. Un chêne en roseau notre Ministre premier, avec sa mission en ligne de mire qui doit le conduire jusqu’au bout au-delà de toutes les attaques journalistiques et de tous les sondages. Saluons la persévérance du verbe, même si la cathédralesque action gouvernementale s’apparente davantage, les mois passants, à des pâtés de sable.

 

Samedi 6 mai

Le château en visée, Heïm non vu depuis deux ans et quelque, espérant un moment de densité affective, sans dérive cathartique. La période de défiance semble s’apaiser pour accepter à nouveau le partage intellectuel. Peu inspiré, dans ce TGV.

Belle et complice soirée avec Bonny et Eddy dans leur grand jardin attenant à leur magnifique demeure. Voilà un nouveau grand nid qui devrait laisser s’épanouir leur union repartie sous d’apparents bons auspices.

Le spectacle Soul Music Story pourrait prendre un essor en fin d’année auprès des gros comités d’entreprise de la région. Le 23 mai, une représentation gratuite aura lieu pour tous les invités de ces corps d’entreprise. Objectif de la structure Lydéric : obtenir le maximum de représentations auprès de salariés ravis de posséder un comité si généreux.

Le château se rapproche, décidément, sur cette ligne tant empruntée à l’époque tourmentée de ma prise de distance d’avec l’univers de Heïm.

Coldplay s’amorce sur le Cdivers et c’est à nouveau le frisson renouvelé grâce aux notes en tension lyrique d’In my place.

 

Dimanche 7 mai

Je relève quelques commentaires savoureux à l’éclairage du temps passé Dans l’intimité de personnages illustres – 1850-1950 :

Sur Louis Pasteur (en 1852) : « Ira loin disent ses protecteurs : en tout cas, il va à la messe, ce qui, chez les savants, est déjà une originalité. »

Sur Eiffel (en 1882) : « Médite, dit-on, de rebâtir la tour de Babel dans Paris ? Le canal eut été plus utile. »

Sur Grévin (en 1887, sur le musée qu’il vient d’ouvrir) : « (…) cette vie immobile et fardée est pire que la mort. Les criminels célèbres y sont plus sinistres que nature. A interdire aux enfants. »

Sur de Vigny : « Lamartine était plus mélodieux, Hugo plus éclatant, Musset plus spirituel. Vigny n’avait pour lui que sa fierté et cette dignité hautaine que l’on retrouve dans toute son œuvre. »

 

Lundi 8 mai

Ci-dessus, quelques citations à l’arrachée extraites de ces albums extraordinaires récupérés par Heïm chez les parents de Vanessa. Une plongée dans les portraits au daguerréotype accompagnés d’une notice manuscrite sur les données jugées essentielles (parfois mêlées à de savoureux commentaires comme ceux notés) des personnalités choisies.

Au fil d’un parcours rapide, hier soir avant l’endormissement, je retrouve des figures littéraires, accointances ou contemporaines de Léautaud et dont j’ignorais les traits, pour les moins renommés. Les Figuéras, Capus, Descaves… inconnus du commun des mortels, me reviennent avec toute l’atmosphère littéraire de la première moitié du vingtième croquée par le diariste. Voilà un univers attachant, pourtant si loin de mon existence, et qui fleure bon le papier épais du Mercure de France.

Bon séjour au château d’Au, dans la gentillesse affective et sans débordement. Panorama d’une actualité chargée en destinées de ceux que j’ai côtoyés ou croisés. Quelques morts au village dont la plus tragique : celle du frère de la petite Sabrina décédé d’un cancer foudroyant. Heïm me raconte que le transport du cercueil a été effectué exclusivement par des enfants dans ses âges, et ce à travers tout le village. Moment poignant.

Yvana, la plus adorable des trois, est devenue « monstrueuse » : grosse et revendicative. Quelle transmutation. Je l’avais croisée lors de mon dernier passage et des rondeurs disgracieuses l’avaient déjà déformée. Une telle transformation de l’apparence et de la mentalité vous ferait renoncer à tout essai de compréhension (et d’appréhension) d’une quelconque cohérence humaine.

Le château et le parc s’embellissent, les années passant, par les efforts financiers de Heïm : de la salle à manger jouxtant le grand salon enfin achevé, à la salle en murs de bois (ex salle à manger) transformée en salon de lecture style Louis XV.

Le parc aussi se pare de coins enchanteurs comme l’ancien enclos des chiens désormais soigné avec goût autour de la pièce d’eau d’Onf.

Déception atténuée ce lundi : pas vu Cécile M qui a annulé bien tardivement (et curieusement, sous des prétextes suspects d’anniversaires  familiaux qui ne pouvaient se prévoir !) notre entrevue programmée depuis plusieurs semaines. De là à soupçonner de clandestines pressions de son mari… Voilà le désagrément des amitiés cultivées (ou que je souhaiterais réactiver) avec la gente féminine : tôt ou  tard, en embuscade ou en vigie à l’affût, un sieur prêt à l’éradication du lien. Finalement, très heureux de revoir Sonia qui, malgré ses problèmes récurrents, semblent mieux se porter. Croisé à cette occasion son père dans une belle forme de septuagénaire naissant et à l’accent italien agréable, et l’une de ses sœurs à l’abord froid.

Retour comme je les apprécie dans le TGV 6665, dans un carré avec trois jeunes co-voyageuses. En face, endormie, une demoiselle rousse aux formes généreuses, un petit haut vert laissant percevoir la naissance d’épaules charnues. A ses côtés, la silhouette longiligne d’une jeune femme au regard doux et humide, un petit haut estival couvert d’une veste en cuir marron, laissant deviner une menue poitrine ferme. A mes côtés, une brunette asiatique qui semble ne pas comprendre le français, à la lèvre supérieure épaisse qui dépasse légèrement l’inférieure, ce qui, dans un visage aux mimiques craintives, accentue la note d’innocence coquine. Voilà le petit exercice descriptif pour accompagner le paysage qui défile.

 

Dimanche 14 mai

Un peu de polémique dans Arrêt sur images (Arte) : Karl Zéro, visiblement dépité et remonté, vient défendre sa décennie (ou ses quinze ans, j’ai un doute) d’émissions. Pas de connivences avec les politiques, même s’il fait intervenir, l’année dernière, trois poids lourds du secteur (Fabius, Strauss Khan et surtout Sarkozy) pour soutenir Le vrai journal déjà menacé d’arrêt. Depuis deux ans, il confie devoir subir les fourches de la censure par la nouvelle direction de Canal + pleine d’aspiration pour le ripolinage sans vague.

Dans l’affaire Allègre (la mise en cause, par de sordides accusations, de Dominique Baudis, président du CSA) il reconnaît l’erreur d’avoir lu le courrier du tueur en série qui lui est adressé, et il révèle avoir payé quinze mille euros l’une des principales accusatrices pour qu’elle lui réserve son témoignage.

Pour défendre ses dérives professionnelles, il se retranche derrière les fameuses, et un peu enfantines, rengaines : je le fais, mais les autres ne font pas mieux ; je l’ai fait, mais le chef ne me l’a pas interdit ; si je ne l’avais pas fait, un autre l’aurait fait… Sur la défensive le Karlo : le pitre irrévérencieux s’est transmué en revendicateur aux abois. Finalement, les coulisses ont toujours plus d’intérêt que la scène affichée.

 

Mercredi 17 mai

Petit passage matinal au parc Tête d’or. Venus s’asseoir dans le « U » de bancs face au lac où je suis installé, une dizaine de jeunes Allemands en vadrouille. Joyeux, blagueurs dans la langue de Goethe, je peux deviner la teneur globale des propos par la tonalité vocale, les mimiques et ce que je peux supposer des centres d’intérêt de leur âge. Parmi eux, une jeune fille au comportement plus mature et possédant déjà tous les attributs et la gestuelle de la féminité. Très troublant.

 

Samedi 27 mai, 1h15 du mat.

Après quelques délires sur Msn, retour aux plus introspectifs petits carreaux du Clairefontaine.

Ce soir, à C dans l’air, brochette de scientifiques passionnés qui nous laissent entrevoir quelques fascinantes théories sur le fonctionnement de l’univers. La plus hardie, celle des cordes, retient un Tout à onze dimensions qui permettent la superposition de plusieurs infinis (oxymoron !) dont la plupart nous sont inaccessibles.

 

Dimanche 28 mai, 23h

Lourde chaleur pour cette fin de long week-end passé comme un éphémère. Semaine à venir plus aux normes après les légères de ce dernier mois et, vendredi après-midi, départ pour Fontès où nous retrouverons maman et Jean pour un séjour festif.

Quelle magnifique entente (re)trouvée depuis quelques années (et surtout depuis que je suis avec ma BB) avec mes parents et leur moitié respective. J’ai tellement été en réserve sur ce sujet, pendant la plus grande partie de mon existence, que je me réjouis de pouvoir consigner ici la qualité des liens qui m’unissent à eux. Ce départ pour Lyon aura eu l’effet bénéfique d’un rapprochement dans le cœur.

Dois-je m’entêter à hurler avec les féroces sur cette fin rance de quinquennat ? Pourquoi chaque époque cultive-t-elle un alarmisme sur sa propre déchéance clamée ? Finalement, tout ce jeu médiatique autour de telle ou telle affaire montée en épingle a-t-il une quelconque utilité pour changer les tares immémoriales de notre civilisation, ou n’est-ce que les agitations guignolesques d’un théâtre d’ombres, ni plus ni moins respectables que toutes celles qui les ont précédées.

Le panurgisme de presse n’étonne pas, mais doit se concilier avec la relativisation que permet une mise à distance de l’actualité.

La dernière année de la présidence Chirac peut s’aligner à côté des ambiances d’autres fins de mandat comme le de Gaulle d’après mai 68, jugé comme dépassé par une part croissante (et ingrate) de la population ; le VGE ayant perdu tout élan dynamique face au souffle rose ; le Mitterrand affaibli, au bord d’inaugurer les chrysanthèmes tout en devant affronter les mille et un secrets livrés à la presse fouineuse. Apocalyptique tableau dans lequel s’intègre, sans effort, le Chirac du jour.

 

Mercredi 31 mai, 23h58

 Je m’arrache au Couple dans la guerre des attachants About et Nakad pour confier un nouveau sujet d’indignation.

Vingt ans après, les médias télévisuels rediffusent les ahurissantes déclarations du professeur-escroc Pellerin. Avec ses cartes truquées, ses airs offusqués tellement les questions des journalistes lui semblent hors de propos, il a contribué à légitimer un crime d’Etat (de plus). Aucun danger pour nous suite à l’explosion de Tchernobyl, nous serinait-on ; les seuls qui risquaient étaient ceux enfermés dans la centrale elle-même. Les plus grosses ficelles sont les plus faciles à faire passer.

 

Dimanche 3 juin

Depuis Fontès me reviennent  par la presse et les ondes radio le tintamarre alambiqué autour des déclarations de la séduisante Royal. Le Strauss-Kahn s’ébouriffe, le Lang tergiverse, l’Aubry s’étrangle, le Fabius sermonne et même le Hollande, son légitime de mari, se voit contraint de reléguer les idées de sa Ségolène sur l’étagère des infréquentables. A l’inverse, quelques voix s’ébrouent pour approuver la fin d’une démarche hypocrite et suicidaire dans le traitement de la délinquance juvénile : des députés, des maires du 9-3 et le toujours alerte Chevènement.

Voilà enfin un véritable schisme dans la gauche : entre les indécrottables adeptes de la prévention à œillères, celle qui excuse a priori toutes les formes de sauvagerie, voire de barbarie, des jeunes terreurs de cité ; et les autres, minoritaires, qui prennent conscience de la vanité des bons sentiments à l’égard des saloperies malfaisantes. Le « tendez-la-joue » de gauche pour résoudre les dérives d’une infime partie de la jeunesse, mais part polluante majeure des quartiers sous leur coupe, a fait son temps. L’exégèse socio-psychanalytique des causes ne doit plus parasiter l’action efficace pour rétablir dans ces zones l’ordre public tant réclamé par les populations locales.

La gangrène n’est évidemment pas nouvelle, et beaucoup d’entre nous peuvent évoquer la présence terrorisante d’une bande dans un immeuble, un quartier, une école. Ma scolarité s’est faite, en partie, sous l’atmosphère tolérante des socialistes au pouvoir. Ainsi, de 1983 à 1985, le C.E.S. de Conflans-Sainte-Honorine (ville administrée par Michel Rocard), pourtant bien plus calme que celui d’Éragny-sur-Oise où je résidais, accueillait un trio de branleurs à qui l’encadrement militaire aurait profité grandement, m’évitant ces nombreuse récréations gâchées jusqu’au jour où l’un d’eux, venu me titiller en solitaire, sûr de sa toute puissance, s’est chopé mon pied au cul avant de prendre les siens à son cou. De ce jour, après quelques stériles menaces de représailles du trio de morveux, j’ai intégré la salubrité de la répression personnelle, et jamais plus personne n’est venu me chercher des noises. Sans doute que l’encadrement socialisant du collège avait une approche compatissante de ces pauvres merdeux délaissés ou martyrisés dès leur jeune âge.

Pour épargner ces ratés familiaux, il faudrait tolérer l’empuantissement des lieux publics ? Quelle négation des fondements mêmes de la vie en collectivité. Point de contrat social chez les extrémistes de la tolérance ciblée comme les sbires de Lutte ouvrière, mais un culte du diktat des échoués. On comprend la haine que ces enfarinés du Grand Soir peuvent porter à l’irrévérencieuse Ségolène Royal.

Feu de paille ou vraie naissance d’une conscience à gauche que les méchants ne se focalisent pas que chez les possédants ? A observer le cirque des indignés de la Rose, on peut douter de l’émergence durable d’une approche lucide de ce fléau social chez les héritiers des potes de Tonton.

 

Samedi 10 juin

De l’estival qui baigne le parc, je laisse mon esprit vagabonder de la lecture d’articles à l’observation d’une roseraie rayonnante et de passants heureux de tels feux du ciel.

L’Irak a perdu son boucher sanguinaire Zarkaoui, l’une des têtes innombrables (mais sans aucun doute la plus hideuse) du terrorisme islamiste. Tout comme son maréchal Ben Laden, il a épuisé sa jeunesse dans tous les vices occidentaux qu’il a fustigés par la suite. Des opportunistes du Djihad qui ont très bien su jouer de la puissance des moyens modernes de communication.

Petite coquetterie non négligeable dans les carnages revendiqués par Abou Moussab : la haine déchaînée contre les chiites qu’il souhaitait trucider dans une apothéose de guerre civile généralisée. Finalement, la vraie terreur du terrorisme islamiste, depuis le onze septembre, dans son déchaînement fréquent, ou quotidien comme en Irak, s’est focalisée sur des pays musulmans et non dans les contrées occidentales. L’évidente facilité pour déployer cette violence aveugle dans ces zones déstabilisées et imbibées par l’esprit salafiste ne doit pas leurrer. Dans l’ombre, quelques gros coups se préparent contre les Occidentaux.

 

Jeudi 15 juin

Alors que l’acariâtre Bedos traîne quelque part encore ses grisâtres coups de gueule, le jubilatoire et aérien Devos vient de laisser s’envoler son âme. Mes jeunes années s’embrouillaient parfois pour accoler le bon visage à ces paronymes approximatifs, mais sitôt le timbre de voix entendu, j’identifiais l’univers du clown à bons mots ou de la teigne aux formules acérées.

Devos avait la gentillesse que ne peuvent plus se permettre d’afficher les cuvées ultérieures de comiques. Vu quelques images, dans Envoyé spécial, du castelet de ce spécialiste ès trituration de la langue, et qui songeait à en faire un musée post mortem. A voir cette douce masse appuyée sur une canne, on ne peut que verser une larme en l’imaginant aux cieux trop sérieux.

 

Samedi 17 juin, 1h40 du mat.

Ma BB en sortie, pour une fois ! avec ses collègues de travail vers Saint-Priest. Moi, en vase clos, de la toile du net au matelas du lit. Poursuite de la mise en ligne de mes écrits : côté poésies, bientôt achevé le transfert. A relire ces vers torturés et parfois bien lancés, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec l’indigence extrême de l’expression des stagiaires du centre Cqfd. Combien mes univers sont à des infinis des leurs, limités par leur infériorité langagière. Pour la formation et l’expression de leurs pensées, ils ont recours à une parcelle dérisoire du possible de notre langue.

À toute allure les semaines chargées pour ne pas les sentir trop prégnantes. La réalité : un formidable désintérêt de ma part pour les publics que l’on reçoit.

 

Dimanche 25 juin, 23h05

Une semaine encore bien remplie des face-à-face pédagogiques qui n’enthousiasment pas. Les formations conventionnées par la région charrient quelques spécimens d’illettrés je m’en foutistes, tout juste bon à racler les chiottes. Imbus de leur vide sidéral, ils s’efforcent d’emmerder les quelques qui voudraient sortir de cette bourbe. De vrais parasites qui, s’ils ne ramenaient pas quelque blé via la région, devraient être immédiatement interdits de toute formation. Les laisser crever dans leur jus : voilà tout juste ce qu’on devrait leur accorder, et en silence siouplaît ! Ahh, ça défoule !

Mariage de Barbara et Jean-Luc, hier, suivi d’une très conviviale réunion dans la Drôme des collines.

Encore deux semaines chargées à bloc, suivies de deux autres plus détendues, avant les quinze jours de coupure totale.

 

 Lundi 3 juillet

De retour vers Lyon, après un week-end partagé entre le Cellier et Saint-Denis la Chevasse. Au  programme : les trente ans de François et les un an de son union avec Emma. Moments festifs un peu épicés lorsque j’ai bretté avec un des convives (petit ami d’une copine de François) aux lunettes flash de celui qui ne veut pas vieillir. Entre autres sujets de polémique : le permis de voter, la notion d’aristocratie, le populisme de Le Pen… Quelques passages au piano antique, présent chez le jeune couple, pour déchiffrer quelques airs à quatre doigts, dont un passage de Coldplay, ou improviser plus ou moins judicieusement.

Le samedi soir, les V et B réunis devant le petit écran pour assister, dans une ambiance bon enfant, à l’exploit des bleus du ballon rond. Comme un parfum de 98, pour beaucoup. La psychologie d’un peuple tient à peu de choses : panem, circenses

Trois semaines de labeur avant une quinzaine de jours à s’ébattre vers Brive-la-Gaillarde : des vacances au vert pour se ressourcer.

Rien de transcendant, certes, mais une douceur de vivre sans pareille : cela vaut tous les dépaysements, toutes les improvisations exotiques… A jauger les décennies parcourues, rien ne me sied mieux que le rythme de vie actuel. La raison de l’expérience, sans doute.

André B m’a encore gardé un article sur l’ouvrage de Philippe Delerm consacré à Léautaud. Voilà la démonstration d’un service de presse efficace que n’aura pas connu mon essai sur l’aristocratisme libertaire chez ce bourru redécouvert par la presse.

Mes projets littéraires demeurent bien modestes, et dans l’ombre totale : poursuivre ce journal malgré sa piètre coloration, nourrir de ses pages des blogs sans doute trop chargés car n’acceptant plus de nouvelles illustrations, finir des paroles de L’onde émeraude sur l’air de La chasse aux papillons de Brassens, en hommage aux quarante ans de mariage du couple B. Les quatre premiers quatrains déjà rédigés à l’occasion du repas pris au château de Clermont (dit château de Funès) : les quatre derniers s’axent vers le second acte des célébrations, à Caluire, fin août. Voilà résumé la minime effervescence créative qui irrigue mes loisirs.

 

Samedi 8 juillet

Veille de communion nationale. Pour une résurgence de l’esprit 98 : au regard des violences primaires entretenues aux quatre coins d’un hexagone illusionné, on peut douter de l’œcuménisme footballistique. Les jeux du peuple ne contentent plus les primaires de la guérilla urbaine. Prétexte du sport pour déchaîner l’instinct destructeur ou l’affalement grégaire.

Reconnaissons la talentueuse résurrection des onze tricolores pour qui l’ingratitude journalistique, emboîtée par quelques supporters mal lunés, a été finalement bénéfique. Les charges de la presse étrangère ont créé la transcendance des joueurs. Pour le reste, folklore habituel des braillards.

Depuis le Red pour rédiger, immergé dans la nimbe de sons : un classique italien contraste avec l’humeur franco-française. Le hasard me met face à deux Italiennes (l’une serait journaliste) qui me snobent.

Surcharge du Lion rouge qui nous fait perler la sueur sans effort. Et l’on poursuit : tour de chants de fraîcheur datée. Surnombre qui défoule les glandes sudoripares et tarit l’inspiration.

Blogs gelés depuis quelques semaines, faute de réaction vive à l’actualité. La focalisation du premier plan médiatique sur la baballe au but…

Un ‘tit air italien pour contenter les quelques visiteurs de la Botte. J’apprends que l’une des deux interlocutrices travaille à Euronews et connaît très bien le chef d’édition, ami de Pedro, ayant même assisté à son mariage. Pas pour autant d’accroche pour poursuivre la conversation.

Petite accalmie dans l’agitation pour du slow en baume apaisant. Petit râteau de la soirée pour bien pimenter mon humeur réfractaire. Des envies de carotides mâchées, de tronches explosées, de déflagrations al quaïdiennes.

Pas ces lignes qui figureront dans ma sélection pamphlétaire.

Intermède des tubes à fond pour échauffer un peu plus le coin. Un gros lard s’incruste quelques secondes à notre bar…

Bien plus passionnant pour la réflexion, les soubresauts provocateurs de la Corée du Nord : baroud d’honneur, dérapage contrôlé ou improvisation déjantée ?

 

Samedi 22 juillet, 23h30

Premier jour de vacances à Lagleygeolle, au hameau des Orteils, signe du relâchement total. Découverte du lieu enchanteur par ses volumes, ses lieux à vivre, sa piscine attractive et son panorama divin. Les propriétaires bailleurs nous accueillent avec toute la gentillesse espérée. Les journées et soirées à venir devraient nous combler.

 

Dimanche 23 juillet

Avant 9h : profiter de la piscine, en solitaire, avec les légendes du jazz en fond sonore, un ciel bleu à ravir et un sofa pour récupérer de l’effort.

Hier soir, dîner à Collonges-la-Rouge, vers l’église, sur une charmante place sans surcharge humaine. Le débat polémique (voire hystérique) du moment : les interventions militaires d’Israël sont-elles légitimes, disproportionnées ou gratuitement criminelles ? Le conflit israélo-palestinien, dans sa version élargie en l’espèce, échauffe toujours les esprits. Dans les pro-Palestiniens compréhensifs pour les actions violentes du Hezbollah et du Hamas : ma BB et Jim ; dans une défense mesurée d’Israël : papa et moi ; en observatrices plus ou moins attentives : Anna et Aurélia.

23h30. Journée dans cette demeure estivale à se partager entre baignade, bronzette, jeux d’eau, badminton, lecture de La tragédie du Président de Giesbert, le tout sous l’astre chauffant.

 

Mardi 25 juillet

Rarement je n’ai ressenti un tel vide pour écrire. L’impression de n’avoir plus rien à apporter, me contentant de fadaises crétinisantes sur le temps, des faits matériels sans intérêt et des analyses de comptoir. Bon pour la casse, le gars.

Même un sujet majeur comme la lutte Hezbollah-Israël ne réveille plus rien en moi. Retiré du monde et de toute espèce d’ambition, je vivote gentiment.

Temps orageux sur la Corrèze : les mouches m’emmerdent.

Hier, visite du gouffre de Padirac : de bon  aloi avec la fournaise ambiante. D’impressionnantes dimensions au fond desquelles sinue une rivière. Beau.

Voilà ce qui monopolise ma faiblarde inspiration ! Juste histoire de continuer à noircir ces pages, à les numéroter consciencieusement pour atteindre vaillamment, dans quelques jours ou quelques semaines, les mille quatre cents pages manuscrites pour le corps principal, c’est-à-dire sans tenir compte des Manus portables.

Pour revenir à du personnel, l’entente est correcte au sein du groupe familial, malgré quelques conversations musclées et échanges tendus. Les espaces à disposition sont assez vastes pour avoir ses zones de retrait, de solitude cultivée…

Hier soir, les C., loueurs des lieux, nous invitent à un apéritif dînatoire bien agréable. Des gens charmants, généreux, ayant vécu aux quatre coins du monde, et notamment dans plusieurs territoires d’Outre-mer français, comme la Polynésie et Wallis et Futuna. On sent chez eux comme un regret d’avoir dû abandonner ces contrées pour s’installer dans la France métropolitaine profonde. Leurs apéritifs locaux (châtaigne, framboise, pêche, abricot…) et leur vin paillé ont comblé nos sens gustatifs.

 

Vendredi 28 juillet

La Corrèze sous la bruine : tristounet comme les prolongements vocaux d’Alanis Morrissette que j’écoute à l’instant (How Long). La France retrouve peu à peu des températures en phase avec le label en perdition de pays à climat tempéré.

Si je voulais verser dans l’anti-américanisme primaire, tant abhorré par le regretté Revel, l’actualité sportive me fournirait l’abondance des munitions. Non content d’être les champions cyniques de la pollution planétaire, les Ricains récidivent en crottant notre plus populaire événement estival. Comme le souligne une plume acérée de la presse du jour, le fait d’avoir en champion du Tour de France un ex paralytique, qui succède à un cancéreux reconverti sept fois vainqueur, devait nous rendre soupçonneux ou pour le moins circonspect. Et voilà l’affaire au goût de testostérones : Floyd Landis ne doit sa résurrection d’une étape l’autre, saluée alors unanimement par une presse encore trop naïve, qu’à quelque méprisable ingestion, application ou injection d’hormones salvatrices. Après un Armstrong bien plus talentueux (et avec bien d’autres moyens financiers pour la sophistication du dopage) pour demeurer à jamais comme présumé propre, l’Américain 2006 se répand dans la grossière tricherie. « Pôvre couillon ! » a-t-on envie de lui asséner. Sa réserve face à la presse, lors de l’épreuve, ne tenait pas, comme son écurie avait tenté de le justifier, à un goût prononcé pour l’isolement spirituel régénératif (on sait maintenant la senteur bien plus prosaïque de ses sources roboratives), mais au souci d’éviter une grosse gourde en forme d’aveu anticipé de cet esprit faible.

Ne jouons pas pour autant les mijaurées ébouriffées par ce pseudo scandale. La pratique dépasse de très loin le cas du seul pauvre Landis trahi par cette suspecte transfiguration d’un jour sur l’autre.

Bien plus grave, au point que B.-H. Lévy se fende d’un voyage médiatisé avec paroles prophétiques dans sa besace : la guerre Tsahal-Hezbollah. Sentant la bonne récupération à faire, la tentaculaire vermine Al Qaïda, accessoirement d’obédience sunnite, appelle à l’union avec les chiites pour éradiquer le juif, puis, sans doute, sur sa lancée, l’occidental. Peu importe les charretées de musulmans chiites écharpés par des attentats sunnites, l’occasion fait le sinistre larron et les fanatismes se retrouvent pour ces macabres déchaînements de violence toujours recommencés.

En France, les hypocrisies se cultivent en couches. Tout en condamnant le terrorisme, nous acceptons comme des pleutres les discours, ou les simples allusions complaisantes, d’une partie croissante de nos populations d’origine maghrébine ou versées dans la religion musulmane aux relents islamistes, pour les djihads démultipliés depuis le vrai coup d’envoi crédible, un certain 11.09.

Comment accepter cela, de la part de ceux qui jouissent de notre forme de vie, de la souplesse tolérante de notre civilisation version XXIe siècle, alors que le projet des intégristes de l’Islam est l’éradication de notre monde ? Si l’ampleur terrorisante devait s’épanouir jusqu’à cette redoutée guerre des civilisations, chacun devrait choisir clairement son camp, et non verser dans l’allusif tendancieux qui tend à faire d’un salopard sanguinaire, et de ses sbires islamisés, des parangons de l’espérance pour tout musulman. Infecte déviance rampante à dénoncer sans circonvolution.

Prenons l’exemple de figures artistiques populaires comme Jamel Debbouze ou Samy Naceri, je suis certain que leur aversion pour les Etats-Unis, pourtant forme majeure de la civilisation occidentale qui a permis leur réussite, n’a pas d’équivalent de rejet, chez eux, pour la nébuleuse du repoussant Ben Laden. On peut même soupçonner certains d’une forme d’admiration (ou tout au moins de fascination) pour ces tueurs d’Occidentaux. Tout cela dans le non-dit, l’insinué, le suggéré dans un sourire méprisant pour ce qui fonde notre forme laïque d’organisation.

 

Samedi 29 juillet

Nous fêtons ce soir, dans un restaurant de Brive, l’anniversaire d’Anna.

Journée physique sur des canoës le long de la Dordogne. Des rives sauvages, une eau peuplée de longues herbes folles qui forment, par endroits, un tapis vert aquatique irrégulier. Les occupants changent au gré des kilomètres, mais certains souffrent : ma BB éclatera en sanglots après quelques efforts vains pour diriger l’embarcation qu’elle occupait avec Anna. Pour le reste, du plaisir à glisser sur ces eaux.

L’ouvrage de Giesbert édifie sur les mœurs politiques français : autour de la figure contrastée de Jacques Chirac, une flopée de portraits, souvent vitriolés, des seconds rôles voulant, pour certains, occuper l’avant-scène. Le Villepin, notamment, apparaît comme un carnassier prêt au massacre pour combler ses ambitions pantagruéliques. D’autres évocations, plus touchantes, humanisent le personnel politique, et notamment son plus haut représentant : ainsi l’anorexie de Laurence, la fille aînée du président qui, après nombre de tentatives de suicide, ne survivra pas à une défénestration. Le chagrin de cette perte n’a pas, malgré tout,  entamé sa gourmandise politique.

La rentrée réservera de saignantes tactiques pour éliminer les concurrents de  son propre parti, avant de pouvoir se colleter aux autres. 2002 semble n’avoir servi à rien, car le nombre de candidats qui se profile s’apparente à celui affiché l’année du cataclysme politique au premier tour. Lorsqu’il faut sonner le tocsin sur les grands principes, les politiques se bousculent ; mais dès qu’il faut renoncer à ses propres ambitions pour honorer ces mêmes valeurs, la zone se clairsème au point de désertification. Une gestion schizophrène qui empêche toute expérience de servir dans ce domaine.

 

Dimanche 30 juillet

Jim et Aurélia partis ce matin vers Fontès via Le Puy-en-Velay pour honorer la tombe de son père mort à quarante ans dans un accident de voiture, probablement ivre au volant.

Une suite de délices culinaires  Chez Francis, le restaurant branché, mais cossu, de Brive-la-Gaillarde. Entrée de gourmandises aux saveurs diverses, tartare d’exception à la qualité limousine, préparé au couteau pour préserver tout le relief du goût, sorbet au fromage blanc sur vrai coulis de fruits rouges et saupoudré de brownies maison. Ce restaurant officie depuis quinze ans et ses parties planes (murs, boiseries, plafonds) se couvrent de notations laudatives de gens célèbres, notoires ou reconnus localement. La foire aux livres et les dîners d’après-spectacle ont assuré à l’antre joyeuse des signatures de VIP : de Daniel Prévost à Wolinski, de Pierre Vassiliu au regretté critique gastronomique Petitjean. On retrouve même, en haut d’un des murs, un petit mot de Karine Duchochois, l’un des acquittés d’Outreau reconverti en vedette des médias. La plume, ou le feutre en l’occurrence, de B.-H. Lévy s’est contenté d’un « je m’est bien régaler » avec cette trouvaille si philosophique de fautes à la Omar. Quel effort !

20h. Journée de récupération aux Orteils entre soleil, lecture et somnolence, après la dépense physique de la veille. Une certaine mollesse en moi. Comme de l’insatisfaction insidieuse. L’abandon de toute carrière brillante me minerait-il au fond ? Plus simplement mon caractère, quelle que soit la situation.

Loin des yeux, loin du cœur, le dicton se confirme pour certaines amitiés bien silencieuses depuis leur éloignement de Lyon. Shue et Liselle, notamment. Je me dois de relancer le contact, mais ce ne sera pas par le biais d’une carte postale depuis la Corrèze, n’ayant pas ici leur dernière adresse respective. Enfin voilà, la banalité du soir…

Le phénomène Sudoku supplante les traditionnels mots croisés et confirme la niaiserie de mon esprit en matière de chiffres.

 

Lundi 31 juillet

A mi-chemin des mois dits de grandes vacances et à la moitié dépassée de notre pause estivale, le rythme se ralentit.

Vu, hier soir, le père Ardisson pour sa dernière de Tout le monde en parle enregistrée début juillet par le père d’Anna sur une cassette vidéo de type 180, malheureusement trop court pour nous conduire jusqu’au bouquet final de l’émission avec le maousse Blind test.

Nombre de ses complices présents pour lui rendre hommage et faire leur promo respective ; une bonne part des salariés vedettes de Canal + où il doit faire sa rentrée. Même si je ne suivais quasiment plus son émission hebdomadaire, il faut reconnaître son apport de liberté dans le PAF, avec son talentueux complice Baffie, un peu dans la même veine, par le souffle délivré, que Michel Polac et son Droit de réponse ou Jacques Martin avec Le Petit Rapporteur : l’irrévérence, l’assise intellectuelle, la créativité. Au zénith, le voilà viré par le psychorigide Patrick de Carolis (autre signataire sur le plafond de Chez Francis) pour mettre fin aux cumulards de la TV.

Un peu comme en politique, certains se taillent de belles parts dans les plages horaires des chaînes. Sur le simple plan juridique, le président de France Télévision a donc eu raison de remettre de l’ordre en demandant à Ardisson de choisir entre Paris Première et sa place dans le secteur public. En revanche, dans l’optique richesse télévisuelle, cette décision porte un sale coup aux niches originales face au rouleau compresseur des émissions de masse et de merde.

Ruquier doit récupérer la plage horaire du samedi soir : cela évitera une série américaine de plus ou une bouse de télé-réalité.

Le conflit Tsahal-Hezbollah n’en finit pas de détruire et de tuer. Dès que l’on tente une réflexion sur les justifications respectives, on ne peut raisonnablement donner raison à une partie contre l’autre. J’ai pourtant tendance, contrairement à la tonalité dominante des médias français, à exécrer l’arrière cuisine idéologique du Hezbollah : jamais Israël, ou les religieux juifs, n’ont appelé à l’éradication de la civilisation chrétienne ; c’est, au contraire, le leitmotiv sous-jacent de la démarche des mouvements intégristes et terroristes. Rien à faire, je me sens ennemi de ces groupes, même s’il faut reconnaître le martyre des populations palestiniennes et aujourd’hui libanaises.

 

Mardi 1er août

Départ pour la journée : visite des quelques cascades vers Tulle.

Bilan des portraits politiques de Giesbert : de Villepin apparaît comme le plus détestable, imbu de lui-même, et son discours off le plus en décalage avec sa tartine démagogique officielle. Habitude langagière révélatrice du personnage : tout ramener au fait « d’en avoir ou pas… » dans le pantalon. Le critère des gonades semble être l’alpha et l’oméga de son sens critique. Des couilles pleins la bouche, il en sert à ses interlocuteurs en coulisse, certain d’être lui-même doté des plus impressionnants spécimens… Le désastre du CPE, cette piteuse retraite en rase campagne, a révélé la texture et le contenu de baudruche des testicules du Premier ministre, tout juste calibrées pour jouer aux billes. Exit le mauvais poète des roubignolles !

Cette nuit, l’un des rêves m’a ramené vers l’attachante figure d’Alice. Que devient-elle ? Emouvant de se remémorer les complicités partagées. Terrible de songer aux années qui défilent sans pouvoir lui témoigner de mon affection toujours vive. Sans conteste celle qu’il me coûte le plus de ne pas revoir même si, probablement, je ne pourrais retrouver la silhouette et le caractère connus. Et dire que la dernière fois que je l’ai vue, à Misery, dans une extrême tension, elle m’a lancé, profitant d’un départ dans la cuisine de son compagnon, « pourquoi ne m’as-tu pas sautée ? » ce qui aurait effectivement évité qu’elle ne s’écarte si tôt et que je doive choisir (provisoirement) mon camp. Derrière l’expression triviale, une vraie déclaration de sentiments que je n’avais jamais osé imaginer avant. Quel gourdiflot je faisais alors ! Ce trop-plein de respect pour tout ce qui était lié affectivement à Heïm avait fini par annihiler en moi toute initiative sensuelle. Je songe à cette soirée dans nos bureaux, revenus à pied, sous la pluie battante, de Chaulnes au château d’O. Rien n’aurait empêché un débordement charnel, sauvage. Mes putains d’étriqués principes d’alors (j’étais avec Kate) m’ont privé d’une densité fusionnelle accomplie avec celle que je chérissais en secret. Voilà de la confession de diariste…

18h. Je devrais bien, à terme, m’approprier toute cette période pour casser le béni-oui-oui de l’époque et remettre en complexité ces tranches de vie singulières. Ni rejet, ni idolâtrie, mais sans doute rééquilibrage en faveur des personnes de l’entourage de Heïm.

Plus de nouvelles de Sally, sans doute vexée après avoir appris mon message à la compagne de Karl sur le non désir d’une réunion avec elle et BB en même temps. Mon détachement se confirme : nullement affecté par ce silence et sans enclin pour le rompre. Ce suivi en dents de scie me lasse.

Petit tour aux cascades de Gimel pour voir l’écume jaillissant au sortir d’un goulot rocheux. Grisaille et vent pour cette soirée.

 

Mercredi 2 août

L’Humanité, le journal communiste français, n’a rien changé de sa complaisance envers les régimes autoritaires à étiquette rouge.

Ce matin, la revue de presse sur France Inter rapporte les analyses sévères des quotidiens hexagonaux sur le cas Castro (hospitalisé récemment) et l’Etat policier, mis en place par ce flamboyant escroc idéologique, avec sources de renseignements sur les écarts des citoyens dans chaque pâté de maisons.

Toute la presse ? Non. Un petit journal aux résurgences marxistes éculées cultive sa résistance à la lucidité et à la vérité sous couvert du factuel. Les faits matériels du moment, rien que cela : aucun bilan du régime cubain, de la fortune amassée par Fidel sur le dos du peuple, des emprisonnements arbitraires, des tortures révolutionnaires, de la corruption généralisée, de la ruine d’un pays victime de la folie communiste.

Je rappelle que cette idéologie a engendré bien plus de cadavres, et de très loin, que les nazisme et fascisme réunis, car elle a avancé sous le masque de la générosité factice pour les plus modestes. Un rapt, en fait, de plusieurs dizaines de pays durant quelques décennies.

Les empaillés du XXIe siècle, Corée du Nord et Cuba, poursuivent le grand œuvre des Lénine, Staline, Mao and Cie inspirés par les idéologues barbus qui en rappellent d’autres pour cet art de la manipulation du peuple en vue de combler des intérêts personnels de pouvoir et de volonté de toute puissance.

Ces extrémismes idéologiques (communisme, nazisme, intégrisme religieux) se nourrissent du projet d’éradiquer une partie de l’humanité ne correspondant pas à leur projet messianique. Comment un titre de la grande presse française, maintenu à flots financiers à coups de subventions et d’avantages fiscaux, peut-il encore, même hypocritement, soutenir le régime castriste, insulte à tous les droits de l’homme dont les journalistes de ce journal se rengorgent dès qu’un Sarkozy prend une décision dans la gestion des flux migratoires ?

Là, on s’indigne, on crie à la dérive autoritaire, au fascisme perlant ! Quelle rigolade ! Quelle honte pour ces plumitifs du communisme qui ne lèveront pas leur plume contre les dizaines de milliers d’assassinats étatiques commandités par Fidel Castro, don Quichotte sanguinaire, vieille garde des barbares qui empuantissent l’humanité.

Comment peut-on encore accepter qu’un si beau terme, l’humanité, baptise un torche-cul qui essuie, en détournant les yeux, les flaques de sang et de larmes que verse le peuple cubain depuis les débuts de la feue guerre froide ? Et l’on croyait cette période renvoyée à la préhistoire : c’était sans compter l’acharnement des tyrans de Cuba, Corée du Nord et (dans une moindre mesure ?) Chine.

Et puis le marxisme a sa relève dans l’oppression des esprits : le ben ladénisme insuffle sa terreur par la soumission à ses diktats via des manipulés décervelés…

 

Jeudi 3 août

Hier soir, apéritif joyeux avec les C. et le couple Barbara-Jean-Luc arrivés de Lyon. Les quatre litres de Soupe (pétillant, Cointreau, sucre de canne et Pulco citron jaune) ont eu leur effet : fin dans la piscine et à sept dans un jacuzzi censé accueillir trois personnes au maximum.

20h. De retour de vingt-sept kilomètres en kayak avec de légers rapides. Pour ma BB et moi, presque une formalité : nous devions ralentir notre rythme pour ne pas semer l’autre duo engagé dans l’aventure sur Dordogne. Mon père et Alex ont, eux, moins apprécié  le dernier tiers. Les fréquents râlages du pater contre son bidon étanche mal fixé, contre les manœuvres maladroites de son fils, ont quelque peu entaché l’ambiance bucolique du parcours.

 

Vendredi 4 août

 Râleur : voilà un trait de caractère hérité de mon père et que je dois combattre. Cette tendance je la sens comme une vague dès qu’une contrariété se profile, alors que la voie zen serait tellement plus agréable.

Ce matin, très agréable tournée avec le sieur C., comme guide averti, pour acheter quelques produits du coin avec la garantie d’une qualité authentique. Premier arrêt pour le vin paillé : une octogénaire en pleine santé, du charme et de la vie dans le visage, nous accueille dans sa cuisine pour nous faire goûter le nectar couleur café, produit par le couple dans la confidentialité (car dans l’irrespect des normes étriquées en vigueur). Nous repartons avec nos bouteilles et un plein sac de reines-claudes données par cette charmante femme. Second arrêt dans une propriété aux vieilles pierres : foie gras, huile de noix et farine de production locale viennent s’ajouter au breuvage d’exception.

Fait du bien de se plonger dans la généreuse France profonde, un peu bougonne mais préservant l’essentiel des identités locales.

Sur le retour, Monsieur C. nous compte quelques faits liés à la terrible division Das Reich passée dans la région. Aux alentours de Lagleygeolle quelques maisons brûlées pour dénicher des Francs-Tireurs Partisans, notamment sur la petite route nous menant à Collonges-la-Rouge. Pas de sang d’otages versés, notamment des dizaines d’enfants capturés puis relâchés faute de maquisard déniché. Bien plus macabre, et restée dans les livres d’histoire, la centaine de pendaisons à Tulle : les hommes du lieu se passant la corde au cou les uns des autres, un officier nazi doit se charger de trucider le centième : le bougre se rebiffe et entraîne l’exécuteur dans la Dordogne. Bilan exact : quatre-vingt-dix-neuf pendus et deux noyés. Le prisme localier de la grande histoire apporte une saveur presque charnelle aux événements qui pourraient nous paraître lointains.

 

Dimanche 6  août

Semaine de trente-six heures de FFP. De la rentrée de gros calibre avant le week-end de quatre jours.

Bilan de ces quinze jours : agréables en tous points, mais un bémol de taille, les râlages de mon père, pour tout et rien. L’âge qui passe semble amplifier son penchant à vouloir avoir le dernier mot, à gâcher une ambiance, un départ, un moment. Il faudrait qu’il en prenne conscience pour ne pas rendre insupportable le quotidien de ses proches.

Pour moi, une quinzaine c’est bien assez, malgré toute l’affection que je lui porte. La démonstration de l’inanité a été éclatante lord de la journée kayak. Le pauvre Alex a dû subir à intervalles réguliers ses hausses de voix pour ce qui devait être d’abord un moment de détente. Dur à supporter, même comme un simple témoin auditif.

Il n’accepte pas son âge et les pontages subis : à la fin de la longue remontée des cascades visitées, il refuse que je le photographie haletant, me lançant un « tu verras quand tu auras mon âge et mes pontages ! » d’un air excédé. Quel curieux manque d’autodérision… En outre, personne ne lui a imposé de fumer et de ne pas avoir la volonté pour arrêter totalement (deux-trois par jour durant le séjour) malgré la menace qui pèse sur lui.

Analyse de sa personnalité à approfondir une prochaine fois.

Retour à la préparation de ma rentrée avec un tour d’actualité rapide.

 

Mardi 15 août

Salle peu remplie pour le Vol 93, sur les écrans depuis quelques semaines, avant la sortie à tapage du film d’Oliver Stone sur le 11.09.01.

Pour une fois, une résolution de l’ONU fait taire immédiatement les armes et produits explosifs divers au Proche-Orient. Peut-être pas très longtemps, mais ce seul fait change du peu d’efficacité habituelle. Le consensus des grandes puissances face à des puissances faibles (le Liban !) et moyennes a certainement permis ce résultat.

 

Vendredi 18 août

Ciel tout bleu au parc de la tête d’Or après une purge nocturne par l’efficace duo du vent violent et de l’orage tonitruant.

Je viens, enfin, de mettre un terme à ma négligence épistolaire. L’urgence du temps qui défile, de ces disparitions prématurées de gens auxquels on se sent lié à distance, et malgré les silences prolongés, n’engendre pas toujours la réactivité requise… ou trop tard.

Appris hier soir le décès, à 61 ans, de Bernard Rapp « des suites d’une longue maladie » selon la formule pudique consacrée (France Inter, à 6h30 ce matin, a rompu le principe de discrétion en précisant qu’il s’agissait d’un cancer des poumons).

Finesse du personnage à la culture et aux activités éclectiques, je me souviens avoir suivi quelques numéros de l’Assiette anglaise où régnait, avec ses joyeux complices, une vraie symbiose enthousiaste. Il avait également participé à la magnifique série (que j’ai trop sporadiquement suivie) d’Un siècle d’écrivains.

Plutôt intellectuellement peiné de cette brièveté de vie pour un homme discret et certainement très fidèle en amitié.

Cette triste actualité a rendu plus prégnante la nécessité d’écrire à deux de mes professeurs : Mme Hélène Sabbah qui vient de prendre sa retraite, et surtout M. Jean Roncière qui, je l’espère, vit pleinement ses années de vieillesse. À moins que, pour lui, je m’y prenne trop tard…

Comme figures universitaires, c’est à Jean Gicquel, pour le droit, et à Marc Dambre, pour les lettres modernes, qu’il faudrait que j’adresse un mot avant, là encore, que l’emprise du temps ne me les rende inaccessibles.

Le Liban semble émerger du chaos où les belligérants Tsahal-Hezbollah l’avaient étouffé. L’armée libanaise commence à se déployer dans le sud du pays : ce qui, pour tout pays souverain, relève de la basique normalité, prend ici une résonance exceptionnelle.

La France prendrait la tête d’une finul dopée pour culminer à quinze mille casques bleus (contre deux mille aujourd’hui), mais elle veut toutes les garanties de sécurité pour ne pas prendre la bourbeuse voie dans laquelle pataugent les Etats-Unis à quelques encablures de là. Une présence pour la gloriole internationale, mais pas pour voir quelques-uns de nos militaires revenir dans des bags. De l’engagement, oui, mais sans risque. Voilà la philosophie de la France, super puissance de la parole, de l’agitation diplomatique ; très moyenne puissance en matière de poids effectif. Me voilà bien sévère contre ma patrie aujourd’hui. Réflexion à remettre sur l’établi sans tarder.

 

Samedi 19 août

23h. Désert le Saint-Louis, bien plus ventilé que le Red qui cultive la surchauffe au point de liquéfier les visiteurs.

Retour dans cet antre rouge : disposition des sièges modifiée pour un gain de place sur la piste dansante. La surface du Saint-Louis s’augmente par une mezzanine, mais l’orientation demeure intimiste. La rythmique diffusée survole de très loin ce que peut entrevoir le Red : les accents groove enivrent et me laisse prendre la voix au jeu de l’impro.

 

Dimanche 3  septembre

Reprise d’un rythme sporadique pour ces pages. Des instants passés sous silence comme la célébration des quarante ans de mariage à Caluire d’André et Annette avec quelque centre trente invités.

La découverte du site Points communs.com (PCC), conseillé par une accointance pour avoir un petit lectorat.

La chaleur du parc me coupe toute envie d’écrire. Je vais rejoindre le bercail pour de plus productrices lignes. Là, c’est l’extinction de la plume.

 

Lundi 4 septembre

Achèvement d’un blog répertoriant les photos de ces noces d’émeraude, tout comme je l’avais fait pour les vacances en Corrèze au lieu-dit Les ortheils (et non orteils comme l’indiquent les panneaux alentour) qui font référence aux jardins.

Du temps passé pour la jubilation de communiquer à un maximum de personnes les images prises de ces instants.

Même chose pour la publication d’extraits de ce Journal sur PCC : l’envie d’être lu. Cet irrépressible, et si vain, besoin d’exister dans le regard des autres. Mon activité professionnelle ne pouvant ouvrir à une quelconque admiration (employé moyen dans une obscure microsociété) je me reporte vers d’illusoires voies pour me croire un chouia nécessaire à l’humanité. Quelle fadaise !

Ce soir, France 2 initie le mouvement de commémoration du considérable événement qui marque l’amorce du XXIe siècle, pas plus enthousiasmant que le précédent.

Un film documentaire sur le 11 septembre mêlant les reconstitutions, les témoignages et les images d’archives. Du bon boulot qui tient en haleine, émeut, bouleverse sans trop chercher la vision manichéenne (fin exceptée), pour davantage se concentrer sur l’horreur vécue par les près de trois mille victimes et les milliers qui en réchappèrent.

Certes, on peut gloser sur la responsabilité indirecte de l’administration américaine et des détenteurs du pouvoir. Un petit documentaire à la suite ne s’en est d’ailleurs pas privé. La négligence criminelle d’institutions comme le FBI ont contribué à la faisabilité des attentats.

Pour autant, les vraies menaces viennent de l’islamisme radical et de ses portefaix haineux. Leur seule optique : faire disparaître notre forme de civilisation.

Entendre quelques esprits faibles, souvent d’origine maghrébine convenons-en, plein de complaisance pour le salopard Ben Laden, tout en profitant et en abusant de la vie sauce occidentale, et la nausée m’envahit. Voilà qui devrait constituer un motif d’expulsion immédiate, y compris de ceux ayant acquis la nationalité par le jus soli, mais qui n’ont visiblement rien à foutre de notre choix de civilisation. Qu’ils aillent en bouffer de l’Al Qaida sanguinaire. Bon vent, bon débarras !

 

Samedi 9 septembre

Saluons la première d’Esprits libres présentée par Guillaume Durand. Maudissons la dérive des premières parties de soirée, pour le bon pôple qu’il faut distraire, qui se répandent entre émissions mettant au pinacle des ordinaires sans intérêt et séries qui assouvissent le goût morbido-voyeuriste d’une masse indistincte.

Résultat : il faut attendre 23h40 pour avoir la réflexion, la polémique, la profondeur, l’indignation, la vie qui tranche, en somme.

La démocratisation à tout prix n’est-elle pas néfaste à la hiérarchisation établie dans la culture ? C’est l’un des thèmes de cet espace d’échanges accrochés et vivifiants : la réponse s’impose par la grille télévisuelle.

Ceci dit, ne boudons pas notre plaisir, même s’il doit attendre la nuit avancée : les frères Poivre d’Arvor, pétris de sensibilité littéraire et liés par une rare, à ce stade, complicité fraternelle rappelant celle des Goncourt ; Yann Moix à l’œil perçant, aux paroles fusantes pour dépeindre son enfance mitterrandienne (juste un antigaullisme perlant qui me gêne) ; l’incontournable Philippe Tesson, bruyant mais brillant dans ses à-coups contre quelques idées reçues (j’essaie de ne pas rater son passage, le mardi, à NPPM sur iTV) ; la finesse féroce d’un Jean-Michel Ribes qui, à l’inverse de Tesson, charcute dans la sérénité ceux qu’il juge torves ; le duo fracassant Naulleau-Domenach, par qui le brouhaha émerge, qui dénonce l’asphyxie de la culture française dans un pamphlet aiguisé…

Et notre journaliste, moins échevelé qu’à l’habitude, qui mène les débats avec maestria et qui assume l’extrême probité intellectuelle d’inviter sur son plateau des personnages avec lesquels le désaccord préexiste.

Voilà de la vraie télévision, sans paillettes frelatées, sans goût rance, sans hypocrisie suintante… Une télé comme savait si bien l’habiter, la transcender Michel Polac et son Droit de réponse, Jacques Martin et Le Petit Rapporteur, Armand Jammot avec Les Dossiers de l’écran et Bernard Pivot dans Apostrophes… Un quatuor éclectique (pour une liste non exhaustive) mais qu’identifie l’intelligence.

Avec Durand, s’il parvient à résister aux vagues uniformisatrices de médiamat, une belle page de la lucarne lumineuse pourrait s’écrire.

 

Mercredi 13 septembre, 0h10

Passé le cinquième anniversaire des attentats contre le WTC et le Pentagone (sans oublier les révoltés du Vol 93).

Je sors du visionnage de trois documentaires enregistrés dimanche soir. Celui sur les quelque deux cents personnes ayant choisi de sauter dans le vide plutôt qu’endurer l’horreur à l’intérieur des tours, m’a particulièrement retourné. Cet homme qui tombe, salarié du restaurant au sommet d’une des tours, symbolise toute la résignation sereine vers son funeste destin.

Après avoir fait paraître un commentaire sur PCC concernant ce fait majeur et amorceur du XXIe siècle, quelques réactions négatives n’en pouvant plus de cette surmédiatisation d’un événement qu’ils relativisent voire, pour les plus vilement sceptiques, remettent en cause. Le révisionnisme du 11.09 a déjà émergé !

Personne n’ose le déclarer ou l’écrire chez Big Média, mais une part grandissante de la population française d’origine maghrébine porte un regard complaisant, voire approbateur, sur les actes sanglants d’Al Qaida. Le simplisme de leur vue met mal à l’aise et nous contraint à une forte vigilance intérieure.

Pour s’offrir une infinitésimale place littéraire (toujours préférable au néant complet pour les non nihilistes) le site PCC permet d’aiguiser sa plume. Je profite du lieu pour proposer quelques extraits de mon Journal comme des jalons du passé utiles pour le présent et l’avenir.

On peut également réagir à un autre commentaire et se colleter (par les mots) aux critiques des autres. L’art de répondre sans concession permet de sortir un peu du monologue du diariste qui ne trouve que lui-même, à court voire à moyen terme, pour réagir à ses propres lignes.

Je peux aussi apprendre le stoïcisme en ne réagissant surtout pas aux pics de la troupe. Pour l’instant j’en suis loin, préférant la virulence réactive.

Côté politique, les partis de gauche, représentés à l’Assemblée nationale, dénaturent le droit d’amendement en ayant déposé plus de cent trente-sept mille demandes de modification du projet de loi sur la fusion EDF-Suez. Si le 49-3 n’est pas appliqué (comme cherchent à l’obtenir les gauchistes) il faudra huit ans pour que les débats épuisent cette masse stérile. Les confins de l’absurdité parlementaire viennent d’être atteints.

 

Vendredi 15 septembre

Malin plaisir à me faire détester sur PCC, nid de gauchistes mal embouchés.

Dernier thème : se souvenir d’avril 2002, de la conception limitée de la démocratie pour les manifestants anti-Le Pen, de la fonction d’aiguillon de ce dernier dans le paysage politique français (ça ils n’ont pas du tout aimé !). Dès qu’on sort des bornes gauchisantes, une flopée de PCCistes vient répandre sa haine simpliste. Finalement, comme dans la vraie vie, avec le risque en moins, pour eux, de se prendre quelques claques méritées.

Je savais l’univers de la mode obsédé par l’apparence, régi par l’artifice, mais là, j’ai pu récemment jauger la déshumanisation atteinte dans son rapport à la création.

Le phénomène Anorexie cultivé par nombre de mannequins répond à des exigences de ces potentats de la haute couture qui s’entraînent les uns les autres.

La malfaisance sociale s’amplifie avec ces jeunes filles qui ne s’alimentent plus pour espérer rejoindre leurs idoles esthétiques.

Pour justifier son recours à ces jeunes femmes maigres à l’extrême, un couturier a déclaré, avec l’aplomb du cynisme érigé en dogme infaillible, que ses créations étaient automatiquement sublimées par ces corps longs, longs, longs et fins, fins, fins jusqu’au décharnement. Le bougre sous-entendait qu’il devrait se creuser un peu plus les méninges s’il devait faire défiler des femmes au physique plus normal (il a même visé, avec une ironie très mal placée, les « petites grosses » : les richissimes clientes de cette catégorie apprécieront…).

Voilà, pour moi, la vulgarité suprême ! Un Bigard est grossier dans son propos ; lui, ce créateur obscène, avec ses manières et sa petite frimousse contente d’elle-même, verse dans la profonde et vulgaire salauderie humaine, celle qui réifie l’autre pour se l’approprier sans une once de remords. Beurk !

Il me rappelle, dans un tout autre registre, cet expert judiciaire qui justifiait ses erreurs dans le désastre d’Outreau par de basses raisons financières : « quand on paye les experts au tarif d’une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage ». Non seulement incompétent, mais d’une médiocrité condescendante sans borne.

À gerber !

 

Samedi 16 septembre

A-y-est ! Ai commencé Houellebeck, Plate-forme. Pour l’instant, rien qui ne m’enthousiasme ou ne m’irrite. J’attends l’arrivée du personnage-narrateur dans le pays exotique de prédilection.

 

Dimanche 17 septembre

Dans On n’est pas couché ! Jean-Louis Murat, en pleine forme, a tiré à boulets rouges sur la presse people, minant la première de Ruquier, se plaignant du contenu de l’émission et, finalement, se demandant pourquoi il a foutu les pieds sur ce plateau.

Triste : Michel Polac s’associe à Eric Zemmour pour interviewer Klarsfeld. Décati, le débit cahotant, il fait de la peine et aurait dû s’éviter cette exposition médiatique. Presque muet, des tics du visage et des mains traduisant sa vieillesse.

L’hystérique Christine Angot tressaille devant des paroles de bon sens de Zemmour. L’utopie de la générosité suicidaire lui semble naturelle et le comédien Berling abonde avec ses cas particuliers.

 

Samedi 23 septembre

L’appartement voisin, vide depuis des mois, devrait revenir à un jeune couple, à l’air sympathique, qui le rachèterait à un marchand de biens, lui-même acquéreur du mauvais payeur S. par le biais d’une vente judiciaire. A donner le tournis pour cet appartement traversant d’un peu moins de soixante mètres carrés.

Le jeune homme, ayant appris ma fonction de président des copropriétaires, s’inquiète des futures dépenses pour l’immeuble, et notamment la réfection de la cage d’escalier (propre, mais avec une peinture qui s’écaille par plaques à certains endroits). La raison : leur surface financière n’est pas très large, mais ils « assumeront ».

Actualité française : je pourrais très facilement abonder dans la fustigation du Sarkozy accusé du pire des crimes pour un détenteur de pouvoir politique : l’atteinte à la séparation des pouvoirs.

Voilà donc un ministre de l’Intérieur, numéro deux du gouvernement et, à ce titre, une des têtes de proue de l’exécutif, qui critique une parcelle du pouvoir judiciaire. De là, l’institution s’insurge, s’effarouche comme une vierge prude à qui l’on chantonnerait quelques  vers du Plaisir des dieux !

Rappelez-vous la commission d’enquête parlementaire face au juge Burgaud. Là aussi, les syndicats de magistrats s’étaient offusqués du rudoiement verbal de l’incompétent juge d’instruction qui lui, avec la participation de l’institution judiciaire, avait anéanti la vie d’innocents.

Dans ces deux cas, la magistrature se révèle dans sa pernicieuse revendication de corps intouchable, sauf par elle-même avec sa batterie de sanctions-promotions pour les quelques ouailles disjonctées.

Au nom de quelle miraculeuse légitimité ces ex étudiants en droit seraient-ils dispensés de tout regard critique extérieur ? Le tribunal de Bobigny ? Il faudrait le louer comme il faudrait saluer la magistrale éthique du Burgaud dans son boulot ! Ce n’est plus de la séparation des pouvoirs à la Montesquieu, c’est l’élévation du pouvoir judiciaire au-dessus des deux autres pour s’ériger comme l’inatteignable.

Le laxisme de la justice revient à laisser des multirécidivistes terroriser leur territoire d’exercice, rendant vaines les arrestations policières : n’y a-t-il pas là, dans les actes et donc bien plus gravement que l’effet de quelques paroles bien senties, une atteinte au pouvoir exécutif de la sécurité publique et une complicité, de fait, de certains magistrats, par peur, défaitisme ou idéologie, avec les malfaisants ?

Alors donnons à la Justice les moyens de rendre correctement ses sentences, mais ne nous privons plus de stigmatiser les inconséquences de certains de ses représentants pour ne pas aboutir au paradoxe de laisser croupir en prison des accusés de pédophilie présumés innocents (car en préventive) mais de dispenser fréquemment les salopards, terreurs des cités, de la moindre sévérité à leur encontre.

Gare au gorille…

 

Dimanche 1er octobre, 23h

Temps de reprendre la plume avant une lourde semaine d’activité. Le travailleur de base que je suis doit gagner sa croûte et mettre en berne ses aspirations artistiques, comme la grande masse des êtres. Que j’en fasse partie, soit, mais je ne m’y complais point et je resterai toujours à l’écart des revendicateurs revanchards du bas peuple.

En haut du gratin, les ténors politiques affûtent leurs armes, graissent leur artillerie pour répondre, le moment venu, aux assauts alentour. Chez les socialistes, le névrotique Jospin s’en est finalement allé avec les feuilles mortes, après une rude prise de conscience de l’inanité de son retour. Celui qui se voulait l’homme providentiel de la gauche n’aura, péniblement, qu’effleuré l’événementiel. Pour le reste de la troupe écartelée : Royal s’affirme, Strauss-Kahn se contraint, Fabius se gauchise et Lang se fantasme. Un beau Guignol politique à venir avec des coups de bâton bien sentis. L’épilogue vaudra le détour : après l’écharpage en règle, il faudra recoudre pour suivre fidèlement la préférée des militants. Contorsions intellectuelles et sourires jaunes au programme.

A droite, la surmédiatisation de Sarkozy pourrait engendrer un retournement de l’opinion qui s’éparpillerait vers les autres candidats de droite : Bayrou croit encore au miracle d’un centre droit régénéré, de Villiers serine ses trouvailles argumentatives à tel ou tel média qui veut l’entendre et Le Pen s’obstine à vieillir en candidat permanent, espérant un bis repetita de 2002 (il avait prédit un second tour Jospin-Le Pen, voilà un premier flop !)

 

Vendredi 6 octobre

Trente-sept piges dans les gencives et rien pour s’égayer. (…) je me recentre sur l’actualité terrifiante du moment. Après les caricatures danoises, l’opéra annulé en Allemagne, notre tour est venu : la critique virulente d’un professeur de philosophie engendre une condamnation à mort par des intégristes islamistes.

A-t-on vu une seule manifestation de tous ces musulmans dits modérés pour dénoncer cette atteinte gravissime à la liberté d’expression ? Sûrement pas. La complaisance envers les tarés de l’Islam s’insinue, insidieusement, dans la tête de ces croyants, et la lâcheté de nos politiques, de la plupart des intellectuels au silence assourdissant laisse songeur sur l’étendue de la capitulation des consciences.

Le cher Antoine Sfeir est lui aussi inquiété pour avoir fait paraître, dans Le Figaro, une analyse, certes plus subtile, mais néanmoins sévère (trop au goût de ces groupuscules islamistes) envers une certaine forme d’Islam.

Les mots amalgament-ils trop ? Musulmans, islamistes : quel partage ?

Aujourd’hui notre liberté d’expression est clairement menacée via l’exposition médiatique. Un blog perdu sur la toile pourra sans doute garder sa liberté de ton… jusqu’à ce qu’un excité du choc des civilisations s’en empare pour appeler au meurtre.

Qu’y a-t-il à comprendre dans cette démarche de destruction physique de celui avec qui on est en rupture idéologique ? Rien d’autre qu’un détournement du spirituel prétendu au profit de la barbarie ordinaire.

Etant donné les choix migratoires adoptés pendant des décennies par les gouvernants, nous nous retrouvons avec des ennemis de notre forme de vie, de nos mœurs, de notre civilisation nichés à l’intérieur même du pays, prêts à égorger en cas d’amorce de conflit généralisé en interne, une guerre civile larvée, en somme. La plupart de ces vomisseurs des Etats-Unis gerbent aussi, sans parfois se l’avouer, sur notre propre forme d’existence.

Comment rester subtil sans poser des principes non négociables : le régime laïc qui accorde à chacun une liberté d’expression à laquelle s’attache un droit de réponse, voire une poursuite judiciaire pour diffamation. Mais rien de tout cela ne vaut pour les irrationnels religieux assoiffés de sang d’impies.

 

Samedi 7 octobre

Découverte d’un univers de sensualité rythmique sur le tournoyant vinyle de Sydney Bechet joué par Claude Luter. Un 33 tours prêté par mon père et me voilà transporté dans ces joyeuses contrées aux courants musicaux.

Je venais d’entrer en jazz : m’esclaffer sans retenue avec Armstrong, suivre les notes fusantes d’Art Farmer, garder le tempo avec Wayne Shorter, plonger vers les bases au gré d’un Paul Chambers, me laisser caresser par les prolongations vocales de Sheila Jordan, flirter avec les transes dansantes de Herbie Hancock, revenir à du classique transcendé par Helmo Hope, me faire décoiffer la tronche par la bourrasque Jay Jay Johnson, chérir Lou et louer Dolnaldson pour les morceaux endiablés, se laisser aspirer par les dénivellations sonores du Benny Carter pour reposer son rythme cardiaque chez Hank Mobley, avec une rasade de blanches et noires virevoltantes de Thelonius Monk, et la course reprend, frénétique, au son d’US3 avant d’oublier la caisse pour du free Tristano and Marsh, mais Les Mc Lann LTD, en belle embuscade, nous ramène vers de doux tintements, glisser toujours avec les cuivres ravageurs de Stan Kenton ou se laisser habiter par l’harmonie Hutcherson…

Continuer à l’infini pour l’étoile Luter qui m’a ouvert le firmament « charnellisé » du jazz. Sol Lutte Air !

Découverte du dernier Depeche Mode : une musique, un phrasé phonétique alarmiste en phase avec la défroque extrémiste de notre triste temps.

Le Sheaffer glisse pour le plus rude.

 

Dimanche 8 octobre, 1h20

Je me suis risqué à publier sur mon blog LD pamphlétaire ma Capitulation des consciences. Sans doute que rien ne se passera, sauf si un groupuscule radical de cette religion ne tombe sur ma page. Marre de ne prendre aucun risque. Voilà qui est fait… A l’avis, à la mort par d’extrémistes maures.

23h. Je parcours le Journal de Jules Romain, commencé il y a quelques mois (quatre autres ouvrages en cours !) et me reprends au plaisir du lecteur de diariste. Ces phrases au vif d’une situation, un ressenti en aphorisme brut, un portrait décuplé, les retrouvailles, sous une autre plume que celle de Léautaud, de personnalités littéraires de la fin du XIXe… Tout cela m’incline à y retourner, malgré le plaisir de faire glisser la plume de ce Sheaffer.

 

Samedi 14 octobre, 1h du mat.

Ma BB veille à la Sauvegarde et moi je titille l’introspection.

Que retenir de cette existence : une douceur quotidienne sans délire, mais dans une parfaite harmonie existentielle sans empiètement sur le jardin de chacun. Point d’ambition fondamentale autre que la décence modeste de nos conditions de vie.

Hors quelques émissions, la télé m’emmerde de plus en plus, y compris les films diffusés. Des moments de fidélité, tout de même, avec la pédagogique C dans l’air, l’irrévérencieuse N’ayons pas peur des mots, la fouineuse Madame, Monsieur Bonsoir et la captivante Faites entrer l’accusé. Voilà tout mon univers cathodique. Du pur chiant pour le commun, du régal intellectuel pour moi et quelques autres.

Le spectacle préélectoral révèle-t-il un système démocratique dévoyé, davantage porté vers le populisme rampant, sous couvert de rupture généreuse ? Quelques analystes jugent ainsi les tours de piste des deux locomotives médiatiques.

 

Dimanche 22 octobre, 0h30

De retour d’un très gentil dîner chez M, amie d’enfance d’André (je crois) qui a accueilli la famille B et les valeurs ajoutées au complet. L’info de la soirée : Louise donnera naissance, dans quatre mois, à une fille… Ce jour, autre réunion prévue à Saint-Genis les Ollières pour les noces de diamant de Grace et Humphrey. Pour l’occasion rédaction d’un poème acrostiche sur des événements marquants des décennies en six. Un peu chargé, d’après BB, mais j’assume… pas la première fois que ma plume ne convainc pas dans le milieu familial. Pas ça qui m’inclinera à renoncer un chouia aux richesses langagières.

Le jeu politico-médiatique poursuit ses frasques, ses à-coups illusoires, ses semblants de conviction. Cette semaine, premier acte de l’oral télévisé des trois prétendants socialistes.

Chacun s’est essayé à l’équilibre subtil entre savoir se démarquer sans trop s’écarter du programme officiel, ni trop montrer sa haine des deux autres. Des roucoulades, des ronronnements conceptuels et techniques, mais peu d’ouverture de voies nouvelles, décoiffantes, imprégnées d’un projet transcendant.

La voix et les intonations désagréables de Royal s’associaient à un discours se réclamant de la proximité, et pour le coup le nez trop collé à l’accessoire pour vraiment insuffler le renouveau.

L’enveloppe rassurante, et un peu économico-lénifiante de Strauss-Kahn pourrait laisser croire à une stature d’homme d’Etat. Le décryptage au plus près de ses déclarations révèle l’absence d’amplitude des idées qui tournent dans le cercle simpliste de quelques pseudo mécaniques économiques.

Enfin, le transfiguré Fabius, réincarné en révolutionnaire rouge, aux senteurs coco (pas le numéro 5 !) de la plus sovkhozienne époque : bien pour le folklore, pour faire applaudir les militants nostalgiques de la rose mitterrandienne version décennie 80 naissante, mais inconcevable à la tête d’un pays se réclamant du XXIe siècle. Que M. Fabius-Laguiller conserve précieusement son International… dans le formol comme témoignage historique, mais pas comme projet politique, pitié !

A droite on se gausse, mais le bal ne s’annonce pas plus réjouissant : un Sarkozy arc-bouté sur ses ambitions personnelles au détriment des françaises ; un Dupont-Aignan façon blé en herbe qu’il faut laisser mûrir pour apprécier la sincérité de sa démarche ; un Villepin à l’héroïsme rogné qui se contente d’un attentisme discret ; une Alliot-Marie dont la rigidité semble parfois lui interdire la sphère subtilement subversive du pouvoir présidentiel ; et notre président qui pourrait rempiler… Qui peut croire à la quelconque faisabilité de ce scénario ?

Tableau des protagonistes prêts à dégainer dès que possible. Amen !

 

Lundi 23 octobre, 23h30

Après L’Ennemi intime et les documentaires sur Mitterrand et VGE, P. Rotman commet un nouveau bijou audiovisuel sur Jacques Chirac. Le premier volet va jusqu’à 1981 et nous croque ce destin d’ambitieux politique insatiable, pris d’affection pour Pompidou, sous l’influence intellectuelle de Juillet et Garaud, puis finalement s’émancipant de ces esprits manipulateurs. Le combat ne cesse jamais avec ce genre de personnage à l’affût de son propre accomplissement. Des débuts précoces en politique, des rencontres décisives, des trahisons de toute part, des relations de l’ombre… enfin tout ce qui peut favoriser son objectif : occuper le premier poste politique.

 

Jeudi 26 octobre, 23h15

Les médias s’acharnent à mettre au pinacle de l’actualité toute dérive délinquante qui pourrait raviver la flamme barbare de novembre 2005. Encore quelques jours à patienter, et les rédactions pourront se régaler des méfaits en concurrence. En donnant les lieux, les circonstances précises et les conséquences occasionnées, les médias permettent, voire favorisent la surenchère.

Toujours le délicat partage entre le droit à l’information et l’abus médiatique qui va parfois jusqu’à l’équivalent d’une bavure journalistique : Timisoara, guerre du Golfe, Outreau… Le prétexte de l’information ne peut tout autoriser : en l’espèce, les cohortes de racailles en mal de reconnaissance ont trouvé des complices efficaces pour assurer la publicité gratuite de leurs salauderies.

Demain soir, nous accueillons maman et Jean de retour de Fontès.

Une première cette année : ma grand-mère ne s’est pas manifestée pour mon anniversaire. Le temps file trop vite…

 

Mercredi 1er novembre, 0h50

En cette veille du jour des morts, petite annotation sur La Vérité qui dérange avec Al Gore : du pédagogique rabâché dans nos contrées, mais qui permet de percevoir plus subtilement les Etats-Unis où se nichent aussi des défenseurs actifs de l’environnement.

Pour le reste, le sort d’une humanité exploiteuse à outrance des richesses de notre fragile planète semble noué, calé, irrésistible, sauf à une utopique réaction collective de nature radicale.

Oui, peu d’espoir d’observer mes congénères abandonner leur teuf-teuf et les pays gourmands de développement se détourner des objectifs économiques.

Les discours émeuvent sur l’instant, mais chacun reprend le cours de son existence consommatrice, via les dégâts planétaires occasionnés.

Pour Al Gore, l’occasion de quelques centaines de conférences qui se veulent mobilisatrices, pour l’humanité le ratage confirmé d’un moment crucial pour sa propre intégrité.

Bon vent !

 

Lundi 6  novembre

Les semaines défilent et la vie lyonnaise s’écoule paisiblement avec ma BB, sans suivi amical intensif. Nous sommes un peu retirés du monde, sans désir d’atténuer le pli pris.

Je vaque aux activités alimentaires sans me risquer à vivre de plus artistiques productions. Ce malheureux Journal a tout du prétexte illusoire pour se croire encore un peu de l’univers créatif.

Affadissement des objectifs, mais profonde sérénité de l’existence choisie. Alors pourquoi se plaindre ?

Je retourne vagabonder au hasard des 2359 morceaux transférés sur ce bijou de mp3 Sony à vingt gigas. A l’instant, Tiger Rag d’Art Tatum, joué en 1937, dynamise l’ambiance sonore. Du fade sous la plume, mais du reposant pour l’âme.

Vu ce soir Strauss-Kahn dans l’émission Franc-Parler : un côté rassurant dans son discours social-démocrate. Rien à voir avec les anxiogènes Royal et Fabius, chacun à son bord tranché. Le DSK aurait la stature requise… mais les militants socialistes vont-ils l’admettre et le traduire en acte électoral ? A méditer…

 

Dimanche 12  novembre

Enthousiaste. Il faut y courir, lâcher les besognes en cours pour s’y précipiter, embrasser l’asphalte pour y foncer : Prête-moi ta main crée le bonheur du spectateur. Léger, spirituel, à rebondissements, délirant et émouvant, ce film pianote sur le large registre des situations humaines dans l’inépuisable rapport homme-femme. Et Chabat, et Charlotte… une alchimie impeccable pour leur rôle.

 

Samedi 18  novembre

La voie Royal a été largement ouverte par 107 743 militants sur 178 632 votants : un score qui renvoie aux oubliettes les deux autres prétendants. Ere nouvelle pour le PS ?

Le débat qui s’annonce entre les deux mastodontes puisera allègrement dans l’artillerie douteuse. Pas la présence d’une femme qui va modifier la texture de la joute.

 

Lundi 20  novembre

De justesse engouffrés dans le Grande Vitesse pour entamer la semaine de labeur. D’agréables moments partagés pour la série d’anniversaires concentrés en novembre : les trente et un ans de Jim, les cinquante de Jean, les treize d’Alex et les cinquante-huit ans de papa. Des cadeaux et des débats, des victuailles, du jus de la treille et quelques présents en sus pour moi, de la part de ceux absents pour mes trente-sept. Un bien séduisant ensemble.

La restauration de l’étage à Saint-Crépin devrait permettre une chambre supplémentaire pour Noël. Pour le reste, tout se poursuit paisiblement, mais Jim semble afficher un moral en demi-teinte suite à quelques annulations de projets musicaux.

La marque existentielle de chacun croise celle de nos affections familiales sans décisive imprégnation ou influence. La prise en compte de l’autre, à quelque degré que se place le lien, se modèle à l’aune de notre propre rayonnement dans la scène animée.

Entre la description cataclysmique que délivre Umberto Eco à propos d’un éventuel choc entre la civilisation occidentalo-chrétienne et l’obédience musulmane dans A reculons… comme une écrevisse et le message farouchement optimiste d’Albert Jacquard dans Mon utopie, l’esprit vagabonde et nourrit ses réflexions à enflammer lors d’une prochaine joute verbale.

 

Lundi 18 décembre, 23h

Encore une lourde semaine d’interventions à Cqfd avant quinze jours de  coupure régénératrice. J’entrevois de plus en plus les limites de cette collaboration : une rémunération très médiocre, pas de perspective d’évolution et certains publics qui ne me conviennent pas. Je n’ai pas du tout l’esprit d’un éducateur social. Les quelques profils de merdeux des cités développent chez moi une haine de ces profiteurs analphabètes, imbus d’eux-mêmes et de leur désert intellectuel. Des nuisibles agressifs à évacuer pour laisser la place à ceux, bien plus nombreux, qui veulent apprendre.

Ce qui m’emmerde le plus : n’avoir que huit heures hebdomadaires d’intervention auprès des Lieut pour, sans doute, assurer des heures auprès de groupes basiques. Le surplus des heures pour les Lieut est confié à deux intervenantes extérieures. Dérisoires soucis au regard de la sanglante actualité internationale.

Territoires préoccupants titrait ce matin un quotidien gratuit. Belle trouvaille pour dépeindre l’absurde montée en tension entre Fatah et Hamas. Preuve flagrante de la criminelle immaturité de ces mouvements qui se revendiquent politiques. Entre le parti de la corruption et le mouvement terroriste la symbiose du sang s’impose au son des sifflantes plombées.

Face à cette incapacité à l’alternance pacifique, comment croire à une quelconque démarche d’apaisement salutaire avec Israël. La guerre de Cent ans aura bientôt un rival de choix dans l’histoire contemporaine…

Sur mon Sony de mp3 à vingt gigas, 2 478 morceaux convertis en 13 200 octets par seconde et qui recouvrent toute ma CDthèque au crible de mes sélections. Le vagabondage musical prend ainsi tout son sens.

 

Samedi 23 décembre

La SNCF nous a généreusement accordé, à 85 euros le billet, deux strapontins dans le couloir du TGV. Bagages entassés contre l’une des portes de sortie pour entamer la tournée festive. Direction Nantes, puis Saint-Denis la Chevasse via Le Cellier, pour réveillonner, avec un jour d’avance, chez Emma et François.

Hier midi, repas arrosé dans un bar-restaurant rue Baraban, avec toute la troupe de Cqfd. La succulence des mets rivalisait avec l’orgiaque palette gustative des vins couronnée par un coteau du Layon 1990.

La trêve des confiseurs s’amorce, mais l’avant-goût de la campagne aura un peu plus révélé les deux mastodontes en voie pour le second tour. La hantise du faux-pas médiatique pour le premier, l’obsession du meilleur rendu public pour la seconde, chacun, avec sa flopée de conseillers, tente le dosage idéal entre le mordant nécessaire pour écharper l’autre et la sérénité rassurante d’une carrure présidentielle.

Autour gravitent ceux qui voudraient grossir. Parmi les plus lamentables, l’extrême gauche qui a participé à gâcher l’Union européenne dans son appel au Non pour le traité, et qui est aujourd’hui incapable de s’unir autour d’un seul candidat. Sous l’apparente générosité sociale, les opportunismes écœurent de ce côté-ci aussi,

Comme je l’avais dénoncé dès la campagne contre cette constitution européenne, sitôt le scrutin passé, aucun projet crédible de remplacement n’a été proposé, la faisabilité d’un tel Plan B supposant un poids politique minimum. A entendre les fadaises des Buffet, Besancenot, Laguiller et autres, on se désespère un peu plus sur le coche loupé de ce 29 mai 2005.

Le penseur Umberto Eco égrène les travers des comportements sociopolitiques dans son A reculons… comme une écrevisse. Ses démonstrations coulent de source, d’une implacable rhétorique comme celle qui stigmatise brillamment. La volonté hégémonique n’est pas l’apanage des autocraties.

Gâtés ! De toutes parts les cadeaux affluent. L’essai de mon Sheaffer n’est pas concluant : encre faiblarde, problème manifeste de débit. Le type de papier serait-il incompatible avec la plume.

Tentative de reprise. Pour moi : un casque Koss qui allie discrétion et haute qualité sonore ; une imprimante-photocopieur-scanner Tout-en-Un qui me fait sortir de l’âge de Cro-Magnon de l’impression privée ; des victuailles arlésiennes et deux bouteilles sur un plateau de bois ès Richard.

Quelques échanges vigoureux entre Richard et le reste de la tablée sur le sempiternel sujet de l’automobile. Pour une fois, je suis resté à l’écart de la polémique, oreilles enveloppées de mon Koss, vagabondant entre les 4278 airs contenus par le glouton mp3. Vraie maison à vivre que celle d’Emma et François : ampleur des pièces (y compris les chambres), des coins et recoins pour démultiplier les convivialités et les passages discrets.

L’année 2007 à portée de festivités et pourtant peu de réjouissances se profilent à l’échelle planétaire. Quelques zones confirment l’extrême barbarie possible de l’humanité lorsque l’Etat de droit (ou, plus brutalement, autocratique) s’est effondré. Aucune place aux utopies généreuses dans les chaos entretenus par les sanguinaires opportunistes.

 

Dimanche 24 décembre

Assombrissement des festivités familiales : maman m’informe par téléphone que grand-mère vient, une troisième fois, à 94 ans, de se casser le col du fémur. Transportée dans une clinique de Béziers, elle devra souffrir jusqu’à mardi, pour cause de Noël amorcé, avant d’être opérée. Bien sûr le programme à Saint-Crépin risque d’être annulé si décision est prise de rallier Fontès en catastrophe suite à la dégradation subite de son état ou à un mauvais déroulement de l’opération.

Malgré son âge canonique, je n’imagine pas, affectivement, ne plus l’avoir présente, vivante, dans un coin chaud de mon cœur. Je songe à son existence démesurée : mes années vécues totalisent entre un tiers et une moitié de son parcours. Quoi de plus normal pour elle, pourrait-on penser, qu’une fin proche : le lien du cœur ne peut se résoudre à ces approches froidement rationnelles. La Camarde ne sera jamais la  bienvenue, jusqu’au bout nous la repousserons…

Sur les envolées de I Still Haven’t Found What I’m Looking For, dans la banquette du Cellier, je me laisse submerger par l’émotion d’une sérénité oppressée par la souffrance d’un proche… Avec le lancinant I Forgot de Richie, les sens se tendent vers ces myriades d’instants partagés avec ma grand-mère, adorable pour moi. Le temps vous impose son rythme, ses impondérables, ses bouleversements, ses catastrophes… Ainsi, hier, a eu lieu un carambolage impliquant quelque deux cents véhicules sur une autoroute vers Bordeaux : pas de cadavre, mais quatre-vingts blessés et des centaines (voire des milliers) d’existences plongées dans le drame d’un Noël gâché ou hypothéqué. Chaque véhicule (la plupart tout au moins) devait acheminer des vacanciers vers leur chaleureuse destination : corps déchirés, taules fracassées, bagages défoncés, psychologie traumatisée… Un temps suspendu, recroquevillé sur ces infernales attentes de l’après accident.

Les parents B sont partis à la messe de minuit avancée à vingt heures, ma BB et Louise discutent dans la cuisine, Richard doit se reposer en bas… et moi je me laisse bercer par la lecture aléatoire de mon mp3. Pas très créatives ces lignes pour achever de Manus XIV… L’apparentement au remplissage, désabusé par ce triste sort…

Dans l’attente d’un nouvel apéritif à partager, quelques pensées à ceux perdus de contact, disparus à jamais, en survie dans nos mémoires à durée déterminée… Calme dans cette maisonnée, l’angoisse métaphysique peut surgir, étreindre les parcelles de vie jusqu’à étouffer toute excroissance jubilatoire… Bras croisés, tête dans le trou noir.

 

Lundi 25 décembre

Un lever à 12h25 ! Voilà de la prolongation de grasse sans complexe.

À mon tour, au dîner, de bretter à coups d’arguments avec Richard. Le sujet qui nous divise : le rejet du traité constitutionnel. Rien pour s’étriper au poignard, mais suffisamment pour quelques éclats vocaux bien placés. Mon point de départ de la polémique : l’impossible union des partisans de gauche du Non : Fabius a rabattu sa coulpe après sa déculottée contre Royal, Besancenot se focalise sur son petit terrain électoral à cultiver, Buffet s’affiche comme la fervente partisane du candidat antilibéral unique… si c’est elle qui l’incarne… que du quant-à-soi bien loin des grandes tirades prometteuses d’un vrai nouveau départ pour l’Europe autour d’un puissant mouvement initié par cette gauche hétéroclite, mais consciente des enjeux fédérateurs. La malhonnête clique n’aurait d’ailleurs jamais remporté la mise sans l’appoint déterminant des voix des Le Pen et de Villiers…

Si ce n’est pas de l’alliance fumeuse de fait, préfiguratrice de l’implosion inéluctable de ce mouvement factice, je ne vois pas de quoi cela relève. Un bien rude coup pour la construction européenne que tous ces tocards opportunistes n’ont même pas la décence et la dignité de compenser par un début d’amorce de perspective. Rien ! Nib ! Ce qui leur importe, c’est leur bichonnée carrière nationale.

Sans réforme urgente, les bientôt vingt-sept membres vont ankyloser la machine institutionnelle… Et nous, Français, pourrons toujours rêver à insuffler un nouveau projet pour l’UE. Le cul-de-basse-fosse, pour ces hexagonaux déprimants !

 L’échange verbal s’est achevé sur une pointe de consensus possible, à l’échelle virtuelle : peut-être que si je l’avais rencontré avant la consultation référendaire, il aurait pu se laisser convaincre par un Oui… de raison. Il nous restera les bribes d’un débat national passionnant, si les partisans du Non n’avaient pas déféqué sur leurs chevaleresques promesses.

 

Mardi 26 décembre

Jacquard, dans Mon utopie, explore les possibles d’une humanité mise en danger par elle-même. Les accroches positives restent congrues. La dérive militaro-atomique n’a pas flanché avec la fin de la guerre froide : la France a ainsi élargi sa doctrine de la dissuasion à la sphère terroriste. Un non-sens stratégique lorsqu’on analyse un minimum la démarche des kamikazes, leur non considération de leur propre vie et le caractère larvé, en réseaux plus ou moins connectés, de ces mouvances barbares. Quelle totale inadaptation que brandir la grosse Bertha H. Cela pourrait même inciter certains intégristes terroristes à ensanglanter une puissance.

11h15. Jean vient de m’appeler : grand-mère est morte, emportée par une embolie à la fin de son opération. Nous descendons jeudi à Fontès pour rejoindre maman et Jean, et peut-être Jim et Aurélia.

Certes son grand âge rend logique cette fin, mais sa fraîcheur intellectuelle aurait mérité quelque sursis de la Camarde… Une peine diffuse m’envahit…

J’ai tenu à prévenir Heïm de cette disparition. Il était attaché à cette figure rencontrée à l’âge de vingt ans, belle comme le jour et au caractère intraitable, mais au fond généreux.

Avec moi, l’affection a été totale jusqu’au bout ; elle m’a soutenu quels que soient mes choix. Elle n’aura pas connu de bambins de la part des trois Decrauze.

Emportée au néant, mais vivante dans nos pensées, son sourire, ses yeux malicieux toujours là pour apaiser nos tourments d’adultes en devenir. Combien de fois l’ai-je évoquée dans ces pages ? Pas assez au regard de ce que j’aurais pu détailler comme ressenti…

Et voilà la commune de Fontès qui va disparaître de mes points d’ancrage… Plus que des gens aimés disparus qui peuplent son cimetière en cortège insupportable, renvoyant à notre intolérable finitude. Mes adorés Denise et Jacques, formidables grand-tante et grand-oncle toujours chaleureux avec moi, mon bougon mais si attachant grand-père dont je revois la nuque solide alors qu’il conduisait, dont le visage affichait l’intégrité, dont la présence impressionnait mes jeunes années. Ce grand-père partit trop tôt, laissant ma grand-mère à cette foultitude de moments partagés, condamnée à la solitude, malgré le passage régulier de ses enfants et petits-enfants.

Ma douce, tendre et adorée grand-mère… comment puis-je te rendre hommage ? Par ce que je sais le moins mal faire : écrire pour atténuer le manque. Me voilà orphelin dans cette dimension : je n’ai plus de grands-parents. Première marche vers sa propre fin… L’inéluctable angoisse de passer le relais, de ruminer sa nostalgie, d’accrocher insuffisamment la densité de l’instant pour tendre à le « sur-vivre ».

Se laisser submerger par ce qui nous reste du meilleur de l’être aimé que l’on regrette de n’avoir pas vu davantage. Ma tendre et adorée grand-mère serrée contre moi pour la dernière fois au printemps : battante, elle remarchait avec son déambulateur, se forçant à cet effort quotidien qui entretenait sa dignité humaine. Toujours coquette, des escarpins aux pieds, quitte à souffrir à chaque pas, pour ne pas céder à la confortable facilité de grosses Nike ou assimilés.

Invraisemblable et absurde pour le commun de mes contemporains, elle était tout entière dans cet acharnement archaïque : point de culte du carpe diem, mais un attachement forcené à son paraître qui allait bien au-delà d’une banale question d’apparence. C’est toute une philosophie de l’effort existentiel qui transparaissait chez elle, comme une vigie urticante pour se rappeler de l’attention constante qu’on doit avoir à se détacher de nos penchants barbares, ceux qui font ressembler certains coins de notre planète à des aires sanglantes. Ses escarpins combattaient cette tendance si absorbante au laisser-faire, à l’aune de ses instincts. Son visage respirait ce combat sur elle-même qui, malgré sa place de quasi doyenne de La Providence (sa maison de retraite), tranchait sur la plupart des occupants.

Ma princesse-grand-mère avait toute la conscience d’elle-même, n’hésitant jamais à amplifier son désagrément d’être un « poids » pour nous dans telle ou telle situation, ce qu’elle n’a bien sûr jamais été. Ses tendres indignations la mettaient à des années-lumière de la vieillesse impotente qui ne donne plus l’illusion que par ce que la personne a été…

Ma grand-mère a été elle-même à chaque instant, totalement en emprise sur le présent, d’une capacité à être par sa tête qui aurait pu faire passer pour de vagues légumes nombre de plus, beaucoup plus jeunes…

Ma grand-mère, à embrasser de tout mon amour, n’est plus, et je tourneboule mes souvenirs sans savoir par quelle facette les aborder. Ne sachant résumer en quelques malheureuses pages, et ne possédant pas une mémoire du détail factuel, je me résous à l’essentiel : lui adresser, par-delà son récent départ, mes plus chaudes et reconnaissantes pensées pour la belle et fabuleuse grand-mère qu’elle n’a jamais cessé d’être.

Chacun à sa peine, certaines plus denses par la proximité filiale, nos hommages vont se concentrer sur ces quelques jours d’entre-deux fêtes : son fils, ses deux filles, ses petits-enfants, ses amis du village, la tendresse pour ce sacré bout de bonne femme… je ne veux songer à l’après enterrement et à la gestion des questions matérielles ; je n’ai aucun rôle dans ce domaine, mais je compte sur l’exemplarité de ses enfants pour que cela s’aborde et se décide dans la correction.

L’instant festif pourrait apparaître comme le pire moment pour vivre un deuil, mais il m’offre au contraire le retrait possible au recueillement que n’auraient pu m’assurer les impératifs professionnels. Je me laisse glisser vers d’affectives contrées en concentrant tout mon être, sans parasitage décalé. Tout de même, il me faut me relier aux convives présents.

Avec Sting en modulés de la Renaissance, je me replonge dans ce révolu pour prolonger un peu ces instants à honorer.

Raviver comme une dernière luminescence de ce qu’il nous faut de facto abandonner… Ce village de l’Hérault n’aura plus pour moi, désormais, que la saveur oppressante de la vie perdue, de ses mélancolies éperdues, d’une fin toujours trop vite imposée.

Vagabonder sur les airs insatisfaits de l’ombrageux de Palmas ne m’incline pas à sortir de mes ruminations lancinantes. La soirée conviviale ne peut occulter cette carence diffuse qui me serre la gorge…

I deserve it de Madonna se fond dans l’ambiance morose qui me tenaille. Impossible de maintenir ma convivialité très longtemps.

Aqualung et son Strange & Beautiful parachève le lien grave qui me pousse au retrait… Fontès m’apparaît plus triste que jamais, plongée dans le raidissement cadavérique…

Les majestueux cyprès de l’antique cimetière qui jouxte l’église vont accueillir la Versaillaise qui s’imposa à cette population fermée, méfiante à l’égard de l’étranger. Elle s’est fait accepter, avec ses manières, et détester par quelques bégueules farcies de principes… Une urbaine débarquée dans ce trou à rats pour épouser le B, c’est forcément la démarche d’une intéressée… Elle a survécu à ces médisances et a fait reconnaître son intègre indifférence… Elle n’aura jamais l’accent du Sud, et ne se résoudra jamais à renier ses racines parisiennes, confiant même un regret de n’être pas retournée dans ces contrées avant le sort fatal.

Je viens de relire les quelques pages rédigées début mai, lors de notre dernier passage de son vivant : toute l’émotion des adieux en germe transpire de ces lignes. Facile de préfigurer le décès d’une vénérable, mais l’impact de ces propos résonne d’autant plus le drame arrivé. Comme un avant-goût ému de cette fin qui me laisse sur la berge…

Renouer avec le ressort vital grâce au Beautiful Day des échevelés U2. Soulever ma grand-mère et la serrer contre mon cœur dans un joyeux tournoiement… La faire éclater de rire jusqu’aux larmes purgatives, qu’elle en oublie la pesanteur de son âge… Elevation du même groupe déjanté abonde à l’instant dans ma projection posthume.

Que ma grand-mère repose en paix, je la ferai s’élever vers les cimes enthousiasmantes d’une affection partagée, d’une confiance renouvelée. Je te dédie cette vivacité musicale, ma chère grand-mère.

 

Mercredi 27 décembre

10h40. Voix d’outre-tombe de maman qui m’appelle depuis Fontès pour m’informer que l’enterrement aura lieu vendredi matin. Elle me précise que le coucher sera « spartiate » car « tout le monde est là ».

20h. Ce soir, sobriété pour moi, car les aigreurs d’estomac se renouvellent. Ce matin, dégustation chez des voisins-amis des B de plusieurs bouteilles fameuses (entre des vins d’Anjou et des whiskies rares). Un coteau du Layon 97 a notamment mobilisé toutes mes papilles : parfum, sucre, profondeur, saveur d’exception. La plus grande année pour ce type de vin d’après notre hôte connaisseur.

Dès demain matin, levé de camp pour un long parcours routiers : Jean devrait nous récupérer à Béziers. Sombres retrouvailles d’entre-deux fêtes avant l’adieu ultime de vendredi matin.

Je me sens bien vide ce soir, comme un stand bye nécessaire pour ne pas déprimer. Ma très chère Elo, qui a aussi perdu sa grand-mère, il y a quelques mois, m’a adressé d’affectifs textos après que je l’ai informée de cette triste nouvelle.

Je crois devoir lâcher mon Sheaffer, dont je viens de trouver l’inclinaison pour une glisse bien encrée, sous peine de stagner dans la redite.

Ces quelques journées auront la densité émotionnelle requérant quelques traces sur petits carreaux.

22h20. Je dois confesser que les conversations autour de la pré maternité et de la maternité m’emmerdent. Cruel et inavouable sentiment, totalement antisocial, mais je n’ai pas repris la plume pour faire l’hypocrite.

Avec la sœur de BB enceinte, les sujets reviennent bien normalement vers cet événement familial. J’avoue me sentir étranger à tout cela… cœur de pierre sans doute, à la manière d’un Léautaud, mais incapable de forcer ma nature à faire semblant. Ce soir les clichés du fœtus ont été montrés : pas un brin mon univers. Je suis resté en retrait, silencieux… comme je le pratique dès que je me sens en décalage. Pas l’once d’un ressentiment de ma part, juste l’exacerbation d’une indifférence bienveillante.

Peut-être aussi que je supporte de moins en moins les non-dits interrogatifs qui voudraient comprendre pourquoi je n’ai toujours pas mis enceinte BB, voire même pourquoi je lui hypothèque sa maternité potentielle… en mars 2007 elle aura quarante ans !

J’ai dit, depuis le début de notre relation, n’avoir pas de goût effréné pour l’enfantement. Si un doit venir, je ne l’empêcherais pas, mais je ne le chercherai pas à tout prix. C’est ainsi, et ce n’est pas la multiplication des grossesses alentour qui vont modifier mon optique. Je suis ainsi : qu’on me laisse si l’on ne peut tolérer cette posture.

 

Vendredi 29 décembre

Moments intenses pour cet enterrement : d’abord la vue du corps de grand-mère le jeudi soir, puis ce matin avant la mise en bière. Sérénité troublante de ce corps sans vie, je ne pouvais détacher mon regard de son visage et de ses mains fines croisées.

Le moment des larmes aux yeux, ce matin, m’a décidé à l’embrasser sur le front puis à respirer un instant l’air extérieur.

Après ce moment, nous suivons le corbillard jusqu’à l’église. A l’exception de Bruce, toute la famille proche est là : ses enfants (Paul, Béatrice et maman), ses petits-enfants (Michelle, Serge venu spécialement de  Norvège, Aurore, Bertrand, Nathalie, Jim et moi) et même Pierre P. (fils de Denise), son épouse Line, et Mona, l’ex compagne de Paul. Chacun avec son compagnon ou sa compagne, comme un essentiel soutien.

Sur le trajet, les pas s’alourdissent en repensant à cet être cher que nous ne reverrons plus. La majestueuse église se profilant, je passe mon regard de l’arrière du corbillard motorisé à l’édifice imposant et à son cimetière de cyprès démesurés.

Sitôt arrivé, le cercueil est religieusement accueilli par le prêtre avant le déroulement de la cérémonie. Une cinquantaine de Fontésols sont présents en plus de la famille. Interventions du prêtre avec une place privilégiée accordée à la Vierge Marie que ma grand-mère vénérait tant ; lecture à trois voix (Aurore, Serge et moi) du poème Le bouquet de grand-mère que nous lui avions offert dans un cadre pour ses 90 ans ; lecture d’un évangile par Paul et sa compagne Liliane.

Au cimetière, avant la mise en terre dans le caveau C.-B., petite intervention du prêtre et lecture de mon hommage en version écourtée qui a été largement apprécié, au point d’être félicité par Paul qui m’a assuré que j’avais transmis ce que chacun éprouve et que mon portrait (psychologique) touchait juste.

Une belle cérémonie, dans l’émotion contenue mais à fleur d’yeux que grand-mère aurait profondément appréciée.

 

Samedi 30 décembre

Nous repartons ce soir pour Lyon. Ce moment consensuel aura permis la réconciliation des trois enfants (Paul d’un côté, maman et Béatrice de l’autre) : il faut espérer que la gestion de la succession confirme cette communion d’intérêts.

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